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Gartner chiffre les investissements déjà massifs dans l’IA : 1.500 milliards de dollars !
Par Laurent Delattre, publié le 17 septembre 2025
La progression fulgurante des dépenses en intelligence artificielle transforme profondément les stratégies IT. De la puissance des GPU aux logiciels applicatifs, chaque brique du système d’information se réorganise autour de l’IA. La dernière étude Gartner chiffre les investissements massifs des organisations, éclaire les principaux postes de dépenses et alerte sur l’essentielle quête de valeur.
L’IA est partout… Et les investissements des entreprises grimpent en flèche. Deux ans après la sortie de ChatGPT, l’effet « Tsunami » n’est pas retombé. Et ne retombera pas de ci tôt.
Selon les analystes de Gartner, Alicia Mullery et Daryl Plummer, d’ici 2030, l’intelligence artificielle sera tellement imbriquée dans les systèmes d’information qu’il sera impossible de penser l’un sans l’autre. Ils prévoient que la totalité du travail effectué par un service informatique impliquera l’utilisation de l’IA, une progression fulgurante quand on sait qu’aujourd’hui, 81 % de ces tâches sont encore réalisées sans y recourir.
Une nouvelle analyse du cabinet Gartner vient d’ailleurs éclairer l’ampleur du phénomène : les dépenses mondiales en matière d’IA devraient atteindre la somme colossale de 1 500 milliards de dollars en 2025, et même dépasser les 2 000 milliards en 2026 ! Cette croissance exponentielle (+50% en un an) n’est pas qu’un simple indicateur de tendance, elle est le signe d’une transformation profonde et inéluctable du secteur informatique.
Après la frénésie d’investissements des hyperscalers dans les datacenters et les GPU, la dynamique se déplace rapidement vers les logiciels et les services d’entreprise mais également sur les infrastructures locales pour tous les cas d’usage critiques.
Des investissements lourds à tous les niveaux
L’analyse détaillée des dépenses prévues par Gartner révèle où se portent les investissements. Son tableau montre d’abord l’ampleur du volet « infrastructure » : le marché des serveurs « optimisés pour l’IA » (autrement dit équipés de GPU pour l’IA) grimpe déjà à 267 milliards de dollars. De même, le marché des accélérateurs IA représente près de 210 milliards de dollars.
En parallèle, les « services IA » dépassent les 280 milliards, portés par l’intégration, le conseil et l’infogérance nécessaires pour mettre en production des cas d’usage métiers.
Les logiciels d’infrastructure liés à l’IA (outillage de développement, stockage, sécurité, virtualisation pour charges IA) passeraient d’un peu moins de 60 milliards en 2024 à près de 230 milliards en 2026, tandis que les logiciels applicatifs embarquant de l’IA (CRM, ERP, productivité) pourraient frôler 270 milliards à la même échéance.
Côté « client », le marché des « AI PC » s’élève à 90 milliards de dollars en 2025 et devrait presque doubler d’ici 2026. Côté smartphones, les modèles compatibles « IA » constituent déjà un marché de près de 300 milliards de dollars.
Finalement, la plus grande surprise du tableau vient de la ligne « Gen AI Models ». Il n’est « que » de 14 milliards de dollars en 2025 et devrait presque doubler en 2026 pour allégrement dépasser les 25 milliards de dollars. Des chiffres qui nous paraissent assez faibles mais qui s’expliquent par la manière dont Gartner dispatche les dépenses : ce chiffre ne représente que la dépense directe pour les modèles eux-mêmes, tandis que la grande majorité des coûts est indirecte et se retrouve dans les autres catégories, beaucoup plus importantes (notamment les AI Services).

Dépenses IA mondiales sur les marchés IT entre 2024 et 2026
(chiffres en millions de dollars)
Autrement dit, 2025 reste dominée par les capex d’infrastructure et les services d’exécution, mais, dès 2026, la valeur se déplace vers des briques logicielles « IA-natives » qui s’installent au cœur des suites d’entreprise. Au point que, selon Gartner, applications, logiciels d’infrastructure et services pèseront ensemble près d’un tiers d’un marché IA dépassant les 2 000 milliards l’an prochain. « L’année prochaine, nous dépenserons plus en logiciels avec de l’IA générative intégrée qu’en logiciels sans, et ce, à peine quatre ans après sa disponibilité » résume John-David Lovelock, vice-président analyste chez Gartner. Il en découle un virage déjà bien amorcé : les entreprises achètent majoritairement leurs capacités d’IA générative via leurs fournisseurs de logiciels existants.
Le signal faible qui fâche : la rentabilité
Même si l’onde de choc d’investissement est massive, Gartner prévient : 65 % des organisations ne rentrent pas encore dans leurs frais sur l’IA. Le défi pour les DSI n’est donc pas seulement d’investir, mais d’investir judicieusement. Il s’agit de naviguer entre des attentes parfois démesurées et la réalité des retours sur investissement, tout en gérant les préoccupations légitimes liées aux biais, à la désinformation et à la sécurité.
Dans ce contexte, investir « maintenant » n’est pas synonyme de multiplier les POC. C’est d’abord sécuriser les fondations qui convertiront la courbe de dépenses du tableau Gartner en valeur métier mesurable.
Les efforts doivent d’abord se porter sur la donnée : qualité, gouvernance, catalogues d’accès et politiques d’usage sont la condition pour que les logiciels « IA-natifs » tiennent leurs promesses. Ils pourront ensuite se focaliser sur l’industrialisation : standardisation des patterns d’intégration (connecteurs, événements, RAG, vecteurs), pipelines MLOps/AIOps et contrôles (sécurité, confidentialité, traçabilité).
Côté infrastructure, la question n’est plus « faut-il acheter des GPU ? », mais « où exécuter quoi » : le plus grand défi qui attend les DSI demeure l’arbitrage entre capacités managées des hyperscalers, offres souveraines, colocation optimisée et PC/edge « AI-ready », en fonction des latences, des coûts énergétiques et des exigences réglementaires.
Enfin, Gartner encourage les DSI à traiter la rentabilité comme un produit : il faut définir des cas d’usage arrimés à un P&L, mesurer en continu l’évolution de la productivité, de la qualité et des risques, et vite tuer ce qui n’atteint pas les seuils définis. Gartner rappelle d’ailleurs que beaucoup d’initiatives « agentiques » seront abandonnées d’ici 2027 faute de valeur claire.
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