Répliques 3D, simulations climatiques, données ouvertes : la France veut unifier ses jumeaux numériques dans une même architecture. Une ambition à la croisée de la tech, de la recherche et de la transition écologique, à condition que les financements suivent.

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Le jumeau numérique de la France en construction

Par Patricia Dreidemy, publié le 08 octobre 2025

L’Université de la Transition Numérique des Territoires, qui s’est tenue à Dijon, a fait le point sur les avancées de l’infrastructure-socle qui accueillera à terme l’ensemble des jumeaux produits en France, publics ou privés. À condition que les financements suivent.

Réplique dynamique d’un territoire, le jumeau numérique, qui croise les données de terrain provenant de multiples sources, suscite aujourd’hui un vif intérêt tant chez les acteurs publics que privés. Il représente en effet un outil précieux pour orienter les décisions en matière de politiques publiques, notamment dans l’anticipation des défis environnementaux.

Ces enjeux stratégiques ont été débattus lors de l’Université de la Transition Numérique des Territoires de la Fédération InfraNum, mi-septembre. D’autant que, sous l’impulsion du Secrétariat Général pour l’Investissement (SGPI), qui pilote France 2030, un projet d’infrastructure-socle visant à interconnecter toutes les initiatives de jumeaux numériques en France et à mutualiser les ressources, a été lancé par l’IGN, le Cerema et l’INRIA.

« Initié voilà deux ans, ce projet va permettre à des acteurs – aussi bien publics que privés – ayant déjà développé leur jumeau numérique de venir s’appairer à cette infrastructure-socle. Aux acteurs qui n’ont pas encore engagé cette démarche, il évitera de repartir à zéro puisqu’il leur offrira la possibilité de s’emparer de données open data et de technologies open source comme la visualisation en 3D, mais également des premières briques de simulation disponibles, a rappelé Rudy Cambier, chef du département Innovation et Partenariats industriels France/Europe à l’IGN. Car l’enjeu même des jumeaux numériques réside dans leur capacité à simuler des scénarii comme l’impact du dérèglement climatique sur des zones géographiques, des infrastructures, des bâtiments ou encore des zones agricoles ou forestières. »

Le projet bénéficie par ailleurs du soutien du BRGM (Bureau de Recherches Géologiques et Minières) et du CNES, ainsi que de plusieurs entreprises qui vont participer à l’élaboration de l’infrastructure-socle, parmi lesquelles 1Spatial, IGO, LuxCarta et Siradel.

Le vieux port de Marseille a déjà son jumeau numérique.

Une politique de commun numérique

Afin de cartographier l’écosystème des jumeaux numériques en France et de prioriser un certain nombre de cas d’usage, les trois partenaires instigateurs du projet ont lancé un appel à communs en mai 2024 lors du salon VivaTech. Son objectif était également d’adresser les collectivités moins en capacité d’investir massivement et de prendre en compte la diversité géographique et géologique du territoire français : zones urbaines, périurbaines, rurales, forestières, littorales et montagneuses. « La plupart du temps, ces zones sont quelque peu oubliées et mises de côté, souligne Rudy Cambier. Alors que la continuité territoriale doit être assurée avec les jumeaux numériques. »

Le projet a pour vocation de développer un modèle économique hybride public-privé, qui ira au-delà du financement de France 2030. « Le SGPI ne subventionne pas, il investit dans l’économie d’avenir. Un des enjeux du projet est notre capacité à le développer avec une gouvernance “public-privé-recherche” dans laquelle des industriels comme des acteurs publics et de la recherche auront intérêt à travailler avec nous et à investir pour pérenniser l’infrastructure. »

La construction de l’infrastructure-socle devrait démarrer au cours du premier trimestre 2026 et se poursuivre sur trois ans. Parallèlement, les premiers cas d’usage seront développés progressivement sur la macro-architecture déjà en place, sur laquelle les partenaires travaillent depuis deux ans. Pour cela, il faudra que les financements suivent, or les incertitudes politiques du moment bloquent pour le moment les prises de décisions.

La Commission européenne a de son côté déjà mis en place une boîte à outils numérique locale, la Local Digital Twin Toolbox (ou EU LDT Toolbox), fondée sur l’interopérabilité, l’ouverture et l’évolutivité. Elle est destinée à aider les territoires souhaitant créer leur propre jumeau numérique.

Quant à l’Union européenne, elle porte un projet encore plus ambitieux : un jumeau numérique de la Terre, Destination Earth (DestinE), dont la version initiale a été lancée en juin 2024.


Le “Jour de la carte” : quand la cartographie devient un outil citoyen

L’IGN, en partenariat avec un large collectif d’acteurs publics et privés, lancera le 4 février 2026 « le Jour de la carte« , une journée nationale inspirée de la Fête de la science ou de la Fête de la musique. L’événement entend faire de la cartographie un outil partagé pour comprendre et débattre des grandes transformations contemporaines, du climat à la souveraineté numérique.
Le projet est porté par la République des cartes, ce projet collaboratif créé en 2025 et soutenu par la Banque des Territoires, Leonard (Groupe Vinci), La Fabrique de la Cité, OVHcloud, CY École de design, le CNIG, mais aussi l’agence Nodesign, le média AOC et l’éditeur de jeux Ubisoft.

Il veut mettre à disposition des ressources « clés en main » en libre accès sur le site www.republiquedescartes.fr : ateliers participatifs, expositions itinérantes, galeries de cartes et outils pédagogiques. L’objectif est de permettre à tous (collectivités, écoles, associations ou simples curieux) d’organiser localement leur propre événement autour du thème de la représentation du territoire.

Une autre composante du projet repose sur une série de podcasts produits avec Sismique, où géographes et penseurs interrogent le rôle historique et contemporain de la carte. Dans le premier épisode, Julien Devaureix échange avec le géographe Christian Grataloup sur l’ambivalence de cet outil, tour à tour instrument de domination et moyen d’émancipation citoyenne.




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