Vers une industrialisation des procédés de la biologie de synthèse ?

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Vers une industrialisation des procédés de la biologie de synthèse ?

Par Laurent Delattre, publié le 10 avril 2024

Le potentiel de la biologie de synthèse à initier une nouvelle ère de production industrielle durable est indéniable. Aux confins de l’innovation technologique et des impératifs écologiques, les Deeptechs de cette discipline doivent occuper une place centrale dans les enjeux de développement durable et de compétitivité sur le marché européen et mondial.


Par Antoine Gourévitch, Directeur associé senior, BCG


Pour la première fois, il y a 40 ans, l’insuline humaine était produite par les techniques du génie génétique. Aujourd’hui, le marché des produits issus de la biologie de synthèse pèse 100 Md$. Le succès et l’intérêt porté à cette Deeptech s’expliquent.

Au carrefour de la biologie et de l’ingénierie, cette science appliquée annonce, pour toutes les industries, une révolution de leurs modèles de production. En créant ou en modifiant génétiquement de nouveaux produits, elle pourrait notamment permettre de relocaliser certaines productions de manière stable et contrôlée.

Les progrès réalisés dans les laboratoires de recherche, les avancées de la fermentation de précision, la structuration d’un écosystème de start-up et les premières commercialisations promettent une accélération de son adoption à laquelle les entreprises hésitantes doivent se préparer. Toutefois, en dehors du secteur pharmaceutique, ces innovations, dont les coûts de production restent encore trop élevés, se limitent à des segments de niche autour des enzymes, des parfums ou encore des compléments alimentaires.

Cette équation est sur le point de changer. Qu’il s’agisse des secteurs de l’industrie, de l’agroalimentaire, de la construction ou de l’énergie, la demande s’affermit face à l’urgence climatique et à l’exigence toujours plus pressante d’un développement durable. Lors de sa dernière édition à Dubaï, la COP a acté la nécessité d’une transition hors des énergies fossiles, accentuant ainsi la pression sur les industriels. Or la biologie de synthèse, en créant des produits ou des composés de substitution d’origine biologique, propose des solutions alternatives à la hauteur des défis posés par la raréfaction des matières premières et la transition écologique.

Pour libérer son formidable potentiel et ouvrir la voie à une adoption plus large, des freins doivent être levés. Avec Synonym, spécialiste de la bioproduction, BCG a analysé les conditions nécessaires au développement d’un modèle économiquement viable de la fermentation de précision : certaines exigent des avancées technologiques intégrant l’intelligence artificielle ou encore des capteurs de haute précision, et la poursuite de la recherche autour de l’ingénierie de souches ; d’autres reposent sur la construction d’usines spécialisées dans la bioproduction industrielle et sur l’optimisation des coûts.

La biologie de synthèse porte en germe un nouveau paradigme industriel. Une révolution de cette ampleur suppose l’implication de tous les acteurs de la chaîne de valeur. À commencer par les entreprises, celles-là même qui cherchent à adapter leurs modèles aux enjeux du développement durable. Elles doivent envoyer un signal fort à ce marché en cours de structuration, s’engager sur le long terme pour les commandes de ces nouveaux composés et produits, adapter leur chaîne d’approvisionnement et la formulation de leurs produits.

Pour créer un environnement favorable, les politiques publiques et les régulateurs ont également un rôle crucial à jouer en allégeant les démarches administratives, en proposant des prêts garantis et en créant des incitations fiscales. Si la demande existe pour accroître les capacités de la bioproduction et si les risques financiers sont minorés, les conditions seront ainsi réunies pour engager des projets d’investissements ambitieux et initier un cercle vertueux.

Une des clés repose sur le développement d’usines de bioproduction industrielles conçues, standardisées et optimisées pour garantir une production efficace qui peut réduire les coûts unitaires de 50 %, les alignant ainsi avec ceux des technologies de production traditionnelles. Avec l’augmentation de ces installations et de leur capacité de production, ainsi que l’amélioration des souches issues de la biologie de synthèse, la réduction des coûts pourrait atteindre 90 %.

Le défi est de taille, mais loin d’être inatteignable. Nous sommes à un moment clé de ce marché émergent qui, selon nos estimations, pourrait atteindre 200 Md$ d’ici 2040 pour les seuls composés issus de la biologie de synthèse. Une chose est sûre, cette Deeptech offre la voie d’un développement durable pour toutes les industries. Fait rare, l’Europe se trouve aujourd’hui à l’avant-garde dans ce domaine technologique, devançant notamment les États-Unis.

Toutefois, face à la concurrence internationale et l’augmentation des coûts de production, notamment les matières premières et l’énergie, il est impératif de redoubler d’efforts pour assurer la pérennité de la compétitivité européenne.


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