La biologie de synthèse quitte les labos

Newtech

La biologie de synthèse, à l’aube d’un nouveau paradigme industriel

Par La rédaction, publié le 04 octobre 2023

La biologie de synthèse, autrefois confinée aux laboratoires, est désormais sur le point de bouleverser nos industries. Entre promesses vertigineuses et défis à relever, cette technologie redéfinit les frontières de la science et de l’ingénierie.


Par Antoine Gourévitch, Directeur associé senior, BCG


Il a fallu presque un siècle pour que la biologie associée aux compétences d’ingénierie devienne une technologie de rupture. Mais ses avancées se sont fortement accélérées. En moins de deux décennies, la biologie de synthèse est passée du temps scientifique au temps industriel. Cette technologie émergente utilise les connaissances du génie génétique et moléculaire pour concevoir et produire de manière standardisée des composés ou des systèmes biologiques qui existent ou non dans la nature. Aujourd’hui, les dirigeants ne peuvent plus ignorer cette pépite de la Deeptech capable de fournir aux entreprises des solutions alternatives à la raréfaction des matières premières et aux défis écologiques. Elle ouvre de nouveaux horizons et s’apprête ainsi à réinventer les modèles de production.

La promesse est vertigineuse. Au carrefour de la science, de l’informatique et de l’ingénierie, elle permet de créer des produits de substitution ainsi que de nouveaux produits et matériaux dont les qualités sont utiles à l’industrie. L’innovation ne s’arrête pas là. En utilisant des micro-organismes modifiés, la biologie de synthèse transforme en profondeur les process de production pour les rendre plus efficaces et plus respectueux de l’environnement.


À LIRE AUSSI :

Une nouvelle génération d’« usines » est en train de naître. L’entreprise de biotechnologie Abolis, basée au Genopole d’Évry-Courcouronnes, s’appuie par exemple sur l’ingénierie génétique pour produire des micro-organismes capables de remplacer les produits dérivés de la pétrochimie. On recense déjà de nombreuses applications développées par les start-up spécialisées dans ce domaine. Certaines d’entre elles sont déjà parvenues au stade de la commercialisation. C’est le cas des jeunes pousses américaines Upside Foods ou Eat Just dont les viandes (ou même oeufs dans le cas de la seconde) sont créées en laboratoire à partir de cellules souches et produites dans des bioréacteurs, arrivent sur le marché.

Avec cette technologie, les produits d’origine pétrochimique qui entrent dans la composition d’objets du quotidien – les médicaments, les cosmétiques, les plastiques, les détergents ou encore les fibres textiles – pourront être remplacés par des produits d’origine biologique.

Certes, il reste des défis à relever avant de pouvoir passer à l’échelle. Mais une chose est certaine : la biologie de synthèse s’impose désormais à l’agenda des entreprises. Les investisseurs s’engagent et son industrie se structure. Avec la révolution du séquençage, les technologies avancées du digital comme l’intelligence artificielle, ou encore le développement de la fermentation de précision, cette technologie de rupture part à la conquête du monde industriel. Selon un récent rapport publié par l’organisation SynBioBeta, les start-up deeptech ont levé près de 18 Md$ en 2021 dépassant, en une seule année, le montant cumulé entre 2009 et 2020. Selon nos estimations, d’ici 2030, la biologie de synthèse impactera directement les plus grandes industries, qui comptent pour un tiers du PIB mondial.

C’est un moment crucial pour les entreprises. Certaines d’entre elles, conscientes de son potentiel et du risque de se laisser distancer, investissent et lancent des projets. Mais sans une compréhension de ce nouveau domaine de la science, de ses enjeux, de ses applications et de son environnement réglementaire, il reste difficile de prendre les bonnes décisions.

En évolution rapide, la biologie de synthèse se structure autour d’acteurs intervenant à différents niveaux de la chaîne de valeur, du design des molécules jusqu’à la production, en passant par les activités de recherche et développement. Pour avancer et bâtir une stratégie, les entreprises doivent choisir avec soin leur rôle au sein de cette industrie naissante. La biologie de synthèse s’annonce aussi disruptive que la révolution digitale. Levier incontournable d’un développement durable, elle exigera, plus que jamais, des systèmes d’information et de gestion des données de pointe particulièrement robustes.


Dans l'actualité

Verified by MonsterInsights