Data / IA
Comment SWM a boosté ses process grâce aux jumeaux numériques
Par Laurent Delattre, publié le 09 janvier 2023
Fabricant international de papiers techniques et spécialisés, Schweitzer-Maudit International s’est appuyé sur la plateforme IIoT de Braincube et ses données industrielles pour modéliser des jumeaux numériques afin de réduire son taux de rebut, améliorer sa rentabilité et opérer des changements managériaux profonds.
Approvisionnements difficiles en matières premières, hausse des coûts, nouvelles exigences écologiques des consommateurs…
L’industrie du papier n’a pas été épargnée ces dernières années par les conséquences de la pandémie et les changements de comportements de consommateurs. Pour rester compétitive, elle capitalise de plus en plus sur ses données pour améliorer sa productivité.
Groupe industriel leader mondial de la fabrication de papier, Schweitzer-Maudit International (SWM) n’a pas attendu la crise de la Covid pour se remettre en cause, ainsi que le souligne Florent Martin, directeur des technologies de la division Engineering Papers du groupe : « Nous sommes plutôt avancés sur l’automatisation de nos usines et de manière plus globale sur la transformation de notre système d’information. Nous avions, en revanche, des progrès à faire sur l’utilisation des données collectées par nos machines. »
Profitant d’une nouvelle dynamique « industrie 4.0 » instaurée par sa direction, la division Engineering Papers a lancé dès 2019 un vaste chantier afin de mieux maîtriser ses processus de production et réduire les arrêts non planifiés en capitalisant sur les données. Ancien directeur d’usine, Florent Martin a adopté une approche très pragmatique : « L’outil, quel qu’il soit, active la transformation, mais ne la réalise pas. Ce sont les hommes et les processus qui font le changement. Dit autrement, la transformation 4.0 est à 20 % une question technique et à 80 % une question d’humain. »

Florent Martin,
directeur des technologies de la division Engineering Papers de SWM
« Cela peut paraître intuitif et sécurisant d’instaurer une nouvelle démarche sur du neuf sans perturber les machines existantes critiques, mais c’est une erreur. »
Nourrie de cette conviction, SWM a opté pour la plateforme IIoT (Internet industriel des objets) de Braincube. L’outil devait en effet s’adapter aux différents profils du groupe : data scientist, direction, chefs de département, mais également opérateurs en usine afin de leur permettre de mieux régler leurs machines. « Ce point est d’autant plus délicat que certains opérateurs ont plus de 20 ans de savoir-faire et qu’ils ont pris l’habitude de personnaliser leurs réglages en fonction de leur expérience, du papier à produire, de la machine, etc. On ne peut pas leur demander de changer en leur imposant le résultat d’une analyse. Il fallait les impliquer dans le processus avec un outil qu’ils puissent comprendre et utiliser », précise Florent Martin. Parallèlement, SWM avait besoin d’une solution ouverte, capable d’agréger l’ensemble de ses données industrielles et IT, déployable en interne et fonctionnant en temps réel : tout changement de réglage devait être analysé et répercuté immédiatement sur la production.
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Un POC sur une nouvelle machine
Pour valider son choix, SWM a d’abord réalisé un POC portant sur une machine récemment acquise par une de ses usines françaises. « Cela peut paraître intuitif et plus sécurisant d’instaurer une nouvelle démarche sur du neuf sans perturber les machines existantes critiques, explique-t-il. Mais nous nous sommes rendu compte que c’était une erreur. Non seulement nous ne savions pas où porter nos efforts d’optimisation, mais de plus nous manquions de données pour alimenter l’analyse et d’historiques pour comparer les progrès et la performance ».
Fort de cette expérience, SWM a lancé un nouveau projet en 2020, portant cette fois-ci sur la chaîne de production la plus importante et critique de l’usine : en créant des jumeaux numériques avec les données industrielles, la société voulait non seulement réduire les arrêts non planifiés, mais également optimiser et standardiser les réglages des machines selon la qualité du papier à produire. « L’enjeu est double, précise Florent Martin. En produisant bien du premier coup, on réduit le taux de rebut et on augmente la productivité. Parallèlement, la connaissance réside désormais dans le système informatique : quand un opérateur part à la retraite, on ne perd plus son expertise. »
En pratique, SWM a construit un modèle dynamique du processus de fabrication (ou jumeau numérique) avec Braincube. Il repose sur l’historique de données et les informations collectées, nettoyées et contextualisées en temps réel par la plateforme. Toute modification dans les réglages de la machine est aussitôt analysée en fonction d’indicateurs de performance mis en place par SWM : taux de rebut, consommation de matières premières, etc.
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Au passage, la société en a profité pour ajouter une composante développement durable à sa démarche avec des indicateurs axés sur la consommation énergétique.
Un an plus tard, le projet appliqué à une seule machine délivrait déjà près de 500 k€ de valeur par an. « Mais c’est très réducteur de cantonner le succès d’un tel projet aux seules économies réalisées, avertit Florent Martin. Nous avions une problématique de gestion des réglages et il fallait changer les mentalités et les comportements. En associant les opérateurs dans une démarche fondée sur la donnée qu’ils peuvent comprendre et accepter, Braincube nous a aidés à réaliser un changement managérial profond. Aujourd’hui, nous avons basculé dans une approche d’amélioration continue de nos processus et les opérateurs sont les premiers à réagir quand le jumeau numérique leur indique qu’ils peuvent être plus productifs, améliorer la qualité du papier produit, consommer moins d’énergie ou encore réduire le taux de rebuts. »
Fort de ce succès technique et humain, SWM poursuit aujourd’hui sa transformation en déployant la plateforme Braincube sur d’autres périmètres géographiques et fonctionnels, sélectionnés en fonction des capacités IT existantes, de la maturité de l’organisation et des données collectées. « Plus qu’un projet, la transformation Industrie 4.0 est un parcours au long cours, une expérience où on apprend tous les jours, y compris sur ce que l’on fait depuis des années. Le changement se fait au plus près du processus et il faut avoir la capacité d’embarquer les équipes dans cette transformation continue. »
En particulier, la formation, la communication sur les succès et l’animation de la communauté sont essentielles pour réussir. « Enfin, cette transformation est également une opportunité pour les collaborateurs de nos différents sites de confronter leurs problématiques, de découvrir des situations communes et de trouver des solutions ensemble », conclut Florent Martin.
Le projet en quelques chiffres
500 k€ d’économies environ
6 machines exploitées sur deux sites en France
2 sites supplémentaires en cours (France et Brésil) et deux autres planifiés (États-Unis et Pologne)
L’entreprise
Activité : Production de matériaux de performance : films, papiers, rubans, etc.
Effectif : 7 500 collaborateurs environ
CA : 1,44 Md$ (2021)
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