L’humain n’est pas le maillon faible : l'erreur humaine est un risque à piloter comme les autres risques cyber

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Cybersécurité : pourquoi l’erreur humaine est un risque métier à part entière

Par Laurent Delattre, publié le 29 décembre 2025

Les outils se blindent, mais un clic sous pression suffit à faire tomber la digue. L’ingénierie sociale exploite urgence, autorité et fatigue, et l’IA augmente encore la crédibilité des attaques. Exiger une vigilance parfaite n’est pas une stratégie. Mais intégrer le risque humain à la gouvernance cyber en est une.


De Martin Kraemer, expert en cybersécurité chez KnowBe4


Il existe un véritable décalage  entre la sophistication croissante des dispositifs de sécurité, mis en place par les organisations, et la réalité des incidents. Dans la grande majorité des cas, la défaillance ne résulte ni d’une faille technologique ni d’un manque de contrôle, mais d’une action humaine parfaitement compréhensible dans son contexte.
Cette constatation n’a rien de polémique ; elle est simplement opérationnelle. Les chiffres sont connus : la majorité des incidents de cybersécurité impliquent un facteur humain. Non pas parce que les collaborateurs sont négligents, mais parce qu’ils évoluent dans des environnements complexes, sous pression, et sont soumis à des attaques qui ciblent désormais davantage leurs réflexes cognitifs que les systèmes eux-mêmes.

L’erreur humaine n’est pas un incident isolé : c’est un risque structurel

Pourtant, le risque lié au facteur humain en tant qu’élément de la gestion des risques cyber est souvent négligé. Les attaquants savent comment exploiter cette zone aveugle dans la stratégie de défense cyber et la gouvernance. Le recours à l’ingénierie sociale lorsqu’il n’y a plus d’autres cibles faciles est devenu une pratique courante.
L’ingénierie sociale exploite des mécanismes universels : urgence, autorité, confiance, fatigue.
L’essor de l’IA rend ces attaques plus crédibles, plus ciblées, et plus difficiles à détecter, même pour les utilisateurs sensibilisés. Exiger une vigilance parfaite en permanence n’est ni réaliste, ni responsable.

Les limites des formations de sensibilisation

Pendant longtemps, la réponse organisationnelle au risque humain s’est appuyée sur des formations annuelles de sensibilisation et la conformité réglementaire. Mais cette approche a ses limites : des formations génériques, déconnectées des rôles professionnels, peu engageantes, et rarement évaluées au-delà du taux d’achèvement.

Le problème n’est pas que les collaborateurs ignorent quoi faire. Le problème, c’est que, dans une situation réelle, sous stress, dans l’urgence, face à un message crédible, les connaissances théoriques ne suffisent pas à guider le bon comportement. La motivation et le sentiment de responsabilité font souvent défaut et conduisent à l’inaction. C’est là qu’une zone aveugle majeure se crée dans la posture de sécurité des organisations.

Changer de posture : gérer le risque humain comme un risque cyber

Gérer le risque humain ne consiste pas à « mieux former », mais à changer de paradigme. Il s’agit d’identifier les situations à risque, de comprendre les comportements, de mesurer leur évolution, et d’agir de manière ciblée et continue.

Concrètement, cela signifie accepter que tous les collaborateurs ne sont pas exposés de la même manière, que certains contextes génèrent plus d’erreurs que d’autres, et que la sécurité doit s’adapter aux usages réels plutôt que l’inverse. Cela implique aussi de disposer d’indicateurs exploitables pour piloter ce risque dans le temps et rendre compte de son évolution à la direction.

Culture de sécurité, un enjeu de gouvernance

Un autre enseignement clé du terrain concerne la culture de sécurité, c’est-à-dire ce que font les gens lorsqu’ils pensent que personne ne les observe. Lorsqu’elle est absente ou fondée sur la sanction, les incidents sont sous-déclarés, les signaux faibles ignorés, et les erreurs se répètent. À l’inverse, une culture de sécurité mature repose sur la clarté des règles, la simplicité des mécanismes de signalement, et un climat de confiance. La différence clé : les collaborateurs s’identifient à la mission cybersécurité de leur organisation, comprennent leur rôle et leur capacité à contribuer, et sont prêts à renforcer la posture de défense par leur participation.

Le rôle du RSSI n’est pas de surveiller, mais de rendre les comportements sécurisés possibles, compréhensibles et compatibles avec les contraintes opérationnelles. Lorsque les employés se sentent partie prenante de l’effort de sécurité, ils deviennent des capteurs de risque, et non une surface d’attaque passive.

Accepter l’erreur pour renforcer la résilience

Enfin, toute stratégie crédible doit intégrer un principe fondamental : l’erreur arrivera. Le véritable enjeu n’est donc pas uniquement de la prévenir, mais de la détecter rapidement, d’en limiter l’impact, et d’en tirer des enseignements exploitables.

C’est cette capacité d’apprentissage continu qui distingue une organisation conforme d’une organisation résiliente. Chaque incident, chaque clic malencontreux, chaque signalement tardif doit alimenter l’amélioration des contrôles, des messages et des processus.

Placer l’humain au cœur de la stratégie cyber

La cybersécurité ne peut plus être pensée comme un empilement de solutions. Elle doit être abordée comme un sujet de gouvernance des risques, intégrant pleinement la dimension humaine.

Traiter le facteur humain comme un risque mesurable et pilotable n’est pas un aveu de faiblesse. C’est au contraire un signe de maturité. À l’heure où les attaques automatisées gagnent en efficacité, la résilience des organisations dépendra de leur capacité à aligner technologies, processus et comportements.

Perspectives : sécuriser l’interaction entre humains et IA

Aujourd’hui, les organisations se précipitent pour déployer des agents IA dans l’espoir de gains de productivité et économiques. Les humains travaillent aux côtés des agents IA. Cette couche d’interaction humain-IA devient ainsi une surface d’attaque que les organisations doivent gérer afin de se protéger contre les fuites de données, les injections de prompt, les hallucinations et autres attaques spécifiques aux agents IA. Les organisations doivent former à la fois les personnes et les IA à se protéger mutuellement.


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