RH
Adapter sa politique RH au freelance : il y a urgence.
Par Laurent Delattre, publié le 11 octobre 2018
La tendance freelance s’installe durablement dans les mœurs du monde du travail. Elle impacte particulièrement le secteur de l’IT. Faute de politique adaptée, les entreprises risquent de subir la pénurie de compétences de plein fouet.
Upwork, Malt, Fiverr et son équivalent français 5euros, codeur.com, crème de la crème, Malt (ex-Hopwork), graphiste.com… La révolution freelance aiguise les appétits et fait naitre des dizaines de plateformes d’intermédiation entre les entreprises et les travailleurs indépendants aux statuts diversifiés. Micro-entreprises, entreprise individuelle ou société sans oublier le portage salarial, tout est bon pour exercer son métier autrement qu’en tant que salarié. Selon le cabinet de recrutement Michael Page Consulting, ils seraient déjà plus de 830 000 à avoir choisi ce mode de travail en France, soit une augmentation du nombre de freelance de 10% en dix ans. Aux Etats-Unis, selon une enquête d’Upwork et du syndicat Freelancers Union datée de l’an dernier, 57,3 millions d’Américains travaillent déjà en freelance, soit 36% de la population active. Un nombre d’autant plus impressionnant quand on sait qu’il pourrait atteindre les 50% d’ici 2027.
Guerre des talents sur le marché de l’IT
En France, ils ne représentent pour l’instant qu’environ 10% de la population active selon Michael Page Consulting. Mais signe d’un réel changement qui s’opère, 90% d’entre eux ont délibérément choisi ce mode de travail. Aux Etats-Unis, plus de la moitié des travailleurs indépendants (63%) interrogés par Upwork et Freelancers Union estiment avoir une meilleure stabilité avec un portefeuille de clients diversifiés qu’en travaillant pour un employeur. Une explication liée en partie à la réglementation locale sur le travail qui perd de son sens en France. Pour les travailleurs français, il est en effet plus question de liberté : choisir ses missions, organiser son emploi du temps, gagner plus, la majorité d’entre eux n’ayant pas à supporter des frais de structure qui ponctionne les rémunérations quand ils travaillent en SSII par exemple.
D’autant que la pénurie de talents sur le marché joue en leur faveur. Aujourd’hui, il est en effet de plus en plus rare de croiser une entreprise qui ne peine pas sur le recrutement de talents, notamment dans le domaine de l’IT. Au point que Michael Page Consulting a missionné une dizaine de consultants pour chasser les professionnels en IT indépendants et les mettre en relation avec des entreprises. Le cabinet estime en effet que la demande ne cesse de s’accélérer, provoquée par les importantes révolutions technologiques que sont le cloud, la sécurisation des données, l’intelligence artificielle… Pour l’heure, toutefois, ce sont les experts en SAP, en java et en SQL qui ont encore le vent en poupe d’après l’enquête de septembre dernier du Club Freelance. Selon cette plateforme d’intermédiation française spécialisée dans les consultants informatiques, ces experts travaillent essentiellement dans le secteur de la finance, ils sont majoritairement des hommes (88% contre 12% de femme) et plus de la moitié est parisienne (67 ,7%).
Un vivier de compétences rapidement opérationnelles et flexibles
Au-delà de la pénurie de talents, le freelance est aussi synonyme de flexibilité et de performance : l’entreprise gonfle ses équipes en fonction des projets du moment en faisant appel à des profils compétents, donc immédiatement opérationnels. Disposant d’une culture propre qui n’est pas pervertie par les process et habitudes de l’entreprise, ils apportent aussi un regard neuf et parfois le recul qui manque aux équipes embourbées dans des projets.
A l’heure où de plus en plus d’entreprises rivalisent à coup de piscine, de boissons gratuites et autres salons confortables pour attirer les nouveaux talents – sans être sûres de les garder suffisamment longtemps pour rentabiliser leurs investissements en recrutement– , le freelancing constitue peut-être finalement une approche plus pragmatique et immédiatement efficace. Selon étude menée par SD Worx et l’Antwerp Management School auprès de plus de 1.000 entreprises européennes réceptives à la flexibilité de l’emploi, 95% d’entre elles ont déjà opté pour cette approche. Légèrement en retrait, la France compte encore 27% d’entreprises qui n’ont pas de politique spécifique sur les travailleurs indépendants. L’heure est peut-être venue de revoir sa copie parce que le mouvement freelance est une tendance de fond qui touche en priorité les jeunes générations. Il est donc là pour durer…
Infographie : Etats des lieux du Freelancing IT en France – Septembre 2018