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Comment gérer la technologie à l’ère du client? Par George Colony (Directeur général de Forrester Research)

Par Adrien Geneste, publié le 14 février 2014

Ne soyez pas surpris, votre entreprise est en train de perdre le contrôle. Cependant, il est possible que ce message ne soit pas encore arrivé aux oreilles du responsable de votre département informatique et de ses équipes. En revanche, vos collègues du marketing eux sont déjà confrontés à ce défi : les clients sont désormais assis à la place du conducteur. Trois facteurs ont contribué à placer vos clients au sommet :
 
1) des informations omniprésentes sur les produits, des services et des prix
2) des technologies qui les rendent visibles et font d’eux de sévères critiques
3) la possibilité d’acheter auprès de quiconque et à tout moment.
 
Les clients prennent de plus en plus de pouvoir et poussent toutes les organisations et surtout les entreprises à l’ère du client, ce que Forrester définit de la manière suivante : « un cycle économique de vingt ans dans lequel les entreprises qui réussiront se seront réinventées pour comprendre et servir de manière systématique des clients dont le pouvoir va croissant. » Grâce aux appareils mobiles, aux médias sociaux et aux outils numériques qu’ils utilisent pour se regrouper, les clients détenteurs du pouvoir parcourent le globe en groupes virtuels et parviennent à obtenir des marques les plus puissantes, les meilleurs prix, qualité et services. Ces nouveaux clients augmentent leur pouvoir en utilisant les informations et la technologie pour exiger ce qu’ils veulent et décider avec qui ils feront affaire. À l’ère du client, seules les entreprises qui misent tout sur le client ont une chance d’augmenter leur part de marché, leurs revenus et leurs profits.
 
Le rôle de la gestion technologique manque de clarté
 
Votre équipe de direction, et notamment vos responsables du marketing, doivent élaborer de nouvelles stratégies pour attirer et fidéliser ce nouveau client tout-puissant. Ils doivent planifier le déploiement de nouveaux systèmes afin de mettre en œuvre ces nouvelles stratégies orientées autour du client. Et vous, DSI, que vous reste-t-il à faire ? La gestion technologique constitue-t-elle une partie du plan directeur, ou sera-t-elle mise de côté par les dirigeants ? La confiance qu’accordent les responsables mar-
keting dans la gestion technologique a diminué. Ils doutent qu’elle puisse offrir la crédibilité, la collaboration et l’architecture pour assurer la progression de l’entreprise. Il est alarmant de constater que 32 % des responsables marketing pensent même que la gestion technologique freine la réussite de l’entreprise. De plus, une étude de Forrester montre que les différents services/entités sont en train d’accélérer leurs plans pour engager leurs propres fonds dans la technologie. Le marketing devient particulièrement agressif, augmente sa dépense technologique « privée » deux à trois fois plus rapidement que celle du service informatique.
 
Dans le même temps, les défis technologiques prennent de l’ampleur
 
Au moment où les équipes de direction ont des doutes sur la capacité de la gestion technologique à suivre, le rythme, les exigences techniques vont en s’accélérant. Quatre impératifs technologiques se trouvent au cœur des besoins émergents des clients.
 
1 – L’évolution des mentalités vers le mobile. Ces nouveaux clients détenteurs du pouvoir délaissent leur ordinateur portable ou de bureau pour pouvoir se déplacer facilement dans le temps et l’espace grâce à leurs appareils mobiles. Ces clients veulent que l’information, le service ou le produit qu’ils désirent soit disponible sur l’appareil de leur choix, là et au mo-
ment où ils en ont besoin. Les clients ont l’accès aux entreprises dans leur poche. Ils s’attendent donc à collaborer avec elles tant qu’ils peuvent obte-
nir le bon contenu, au moment et à l’endroit voulus, et le plus facilement possible.
 
2 – Excellence de l’expérience client. Si vous souhaitez attirer et fidéliser des clients – surtout les meilleurs –, vous devez leur assurer une expérience client d’excellence tout au long de son cycle. Comme cela a été démontré dans le cadre d’une étude de Watermark Consulting, une société spécialisée dans l’expérience client aux États-Unis, les entreprises présentant des scores élevés dans ce domaine ont beaucoup mieux rémunéré l’actionnaire que celles qui présentent des scores inférieurs.
 
3 – Observations analytiques et Big Data. Les clients détenteurs du pouvoir téléchargent des téraoctets de vidéo, envoient des milliards d’e-mails, génèrent des dizaines de millions de messages sur Facebook et des millions de tweets, et diffusent des gigaoctets de données de localisation toutes les heures. Si vous voulez leur faire vivre d’excellentes expériences, vous devrez rapidement dénicher les joyaux parmi ces données et les traduire en résultats opérationnels.
 
4 – La révolution digitale. Si vous ne répondez pas à l’évolution des mentalités vers le mobile, à l’excellence de l’expérience client et aux impératifs analytiques et du Big Data, d’autres entreprises le feront à votre place et vous prendront vos clients. Il existe une sorte de réserve mondiale d’inventeurs de talent dans le domaine du numérique qui a accès à des outils digitaux en rapide et constante évolution et de moins en moins coûteux. Faites votre révolution, pour ne pas avoir à la subir. En termes simples, à l’ère du client, la part de marché et la satisfaction client s’articuleront pour les entreprises autour de la qualité de leur technologie client.
 
Comment la gestion technologique peut répondre à l’appel de l’ère du client
 
Nous estimons que les services informatiques existants et leurs responsables doivent élargir leurs agendas au-delà de la gestion de l’infrastructure et des opérations internes IT (internal operations, IT) ; ceci afin d’y inclure l’acquisition et la fidélisation des clients. Le DSI, architecte de l’entreprise et responsable des applications et des développements, ainsi que tous les autres responsables de la gestion technologique, vont devoir gérer deux agendas à l’avenir : les opérations internes essentielles pour l’entreprise, que nous pouvons appeler l’IT, et la Business Technology que nous pouvons définir de la manière suivante : technologie, systèmes et processus pour attirer, servir et fidéliser les clients. La partie IT de l’agenda de la gestion technologique reste essentielle. Elle comprend des outils de support au service financier, à la chaîne d’approvisionnement, à l’automatisation des processus collaborateurs, à la planification des ressources et des ressources humaines, ainsi que de nombreux systèmes nécessaires à la mise en conformité réglementaire. La stratégie IT continuera de se concentrer sur la réduc-
tion des coûts en adoptant des matériels, logiciels et technologies de réseaux d’infrastructure adéquats; migrant les technologies de l’information vers l’infrastructure publique (comme le cloud) et utilisant de manière sélective des applications en mode Saas. L’agenda Business Technology se concentre lui sur les moyens d’offrir de meilleures expériences client. Ceci exige une nouvelle discipline et ne suit pas un processus ou une formule facilement automatisé. Des technologies moins matures, mais en évolution rapide pour de meilleures interactions client – incluant des analytiques clients, sociales et mobiles, et la gestion de l’expérience client –, donnent les impulsions aux écosystèmes BT.
 
La Business Technology sera le prochain vecteur de la rentabilité technologique, lorsque les entreprises auront trouvé les moyens innovants d’intercepter et de fidéliser les clients détenteurs du pouvoir par le biais d’interfaces, d’appareils et de services numériques. Le succès de l’informatique a toujours nécessité une coordination entre la gestion technologique et l’activité de l’entreprise. La Business Technology amplifie ce lien. Elle ne peut être construite sans une étroite collaboration entre la technologie, le marketing et l’activité de l’entreprise. Pourquoi ? Tous trois travaillent dans le même sens : attirer et fidéliser les clients. Et ce combat ne saurait être gagné sans un front uni. Forrester estime que les budgets de gestion tech-
nologique ont commencé à passer de l’IT à la BT. Les secteurs dont les clients passent rapidement au mobile devront faire migrer de manière radicale leurs temps et leurs ressources de gestion technologique vers la BT. Dans de nombreux cas, cela signifie que le budget technologique total augmentera avec l’ajout des agendas BT et lorsque les entreprises commen-
ceront à fournir des systèmes d’engagement. Parmi les pionniers se trouvent le secteur de la finance, la distribution en points de vente et les divertissements. Mais ne vous y trompez pas : tous les secteurs créeront et développeront leurs activités de Business Technology. Aucun secteur ne pourra échapper aux forces de l’ère du client.

 

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