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Grands projets informatiques (1/3) : pourquoi échouent-ils si fréquemment ?

Par La rédaction, publié le 17 juillet 2015

Antoine Gourévitch, directeur associé senior, The Boston Consulting Group Paris  

Entreprendre un grand projet informatique représentant un investissement de plus de 10 millions d’euros n’est pas chose aisée pour un dirigeant d’entreprise. De fait, seul un projet de grande envergure sur dix connaît le succès. D’autant que les pertes – dues au retard du projet par exemple – peuvent être conséquentes : de 100 % à 170 % du coût d’investissement.

Les entreprises ne peuvent toutefois pas échapper à ces grands projets. Les systèmes d’information soutiennent une part de plus en plus importante des initiatives de transformation des groupes, notamment les nouveaux business models digitaux ou les capacités big data. Les investissements à grande échelle dans les SI peuvent également émerger lors de l’expiration de grands contrats avec les prestataires ou lorsque les systèmes historiques deviennent obsolètes.

Pourquoi autant de grands projets informatiques connaissent-ils des difficultés ?

Chaque projet possède des critères de réussite qui lui sont propres. Mais les projets qui échouent possèdent certaines caractéristiques communes :

• Des équipes projet sous-expérimentées. Les grands projets nécessitent des capacités d’anticipation indispensables à mesure que la complexité du projet croît. Les équipes trop “jeunes” sous-estiment souvent le volume des tests nécessaires ou s’engagent dans des étapes clés du projet sans avoir préalablement défini un plan d’accompagnement.

• Un manque d’engagement des parties prenantes. Les projets qui n’obtiennent pas un soutien ferme des métiers – une situation souvent liée à un manque de clarté sur la dimension économique, le périmètre, la stratégie ou l’exécution du projet – peuvent avoir des difficultés à réunir les ressources nécessaires.

• Une définition des besoins métier floues ou trop complexes. De nombreuses entreprises échouent à définir les besoins métier du projet de manière suffisamment détaillée, ou définissent des besoins trop complexes. Beaucoup poursuivent le développement avant la définition complète de tous les besoins. Cela peut engendrer des redéfinitions tardives.

• Une attention insuffisante accordée aux risques majeurs. Les risques liés au projet sont trop rarement abordés lors des réunions de gouvernance, des points d’avancement ou des réunions du comité de pilotage. Les collaborateurs étroitement impliqués sont souvent focalisés sur les détails et perdent de vue les enjeux de risques. L’un des plus fréquents concerne les données. Des données de mauvaise qualité ou mal définies au début du projet peuvent altérer ce dernier, tout comme un manque de réflexion sur les risques liés à la migration des données.

Un autre risque fréquent concerne les défis liés aux projets couvrant de nombreuses géographies : il peut y avoir des différences notables dans les produits, les processus, les langages et les environnements réglementaires qui ne doivent pas être laissées au hasard.

Enfin, les équipes projet s’engagent parfois sur une date de livraison sans se donner la flexibilité de la modifier. Un calendrier trop serré peut conduire à des compromis dommageables au projet.

• Lancer la solution sans la tester suffisamment. Il arrive souvent que le temps prévu pour les tests se réduise en raison de retards déjà accumulés pour d’autres volets du projet. Le coût induit peut être énorme, car une fois une application lancée, résoudre les problèmes devient beaucoup plus cher et difficile.

• Une attention insuffisante portée à la conduite du changement. Beaucoup de chefs de projet négligent l’aspect humain du changement. Les dirigeants consacrent encore trop peu de ressources à cette dimension ou sous-estiment l’ampleur des changements comportementaux nécessaires au succès.

Si les projets susceptibles de dériver réunissent plusieurs de ces conditions, chacune peut suffire à mettre un projet en péril. Cela dit, en matière de grands projets informatiques, il n’y a pas de fatalité ! Dans une prochaine tribune, je présenterai les best practices, puis je montrerai quel rôle clé les DSI et les sponsors business peuvent jouer.

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