ChannelScope

Oleg Bivol (Watsoft) : « Quand on est MSP, on doit être bon tout le temps »

Par Vincent Verhaeghe, publié le 22 décembre 2025

Pionnier du modèle MSP en France, Watsoft a bâti son identité sur la distribution à valeur ajoutée et la proximité avec les partenaires. Après plus de vingt ans d’activité et une croissance continue, le distributeur bordelais traverse une période charnière avec la rupture du contrat de distribution que le liait à N-able, son principal fournisseur. Une décision unilatérale prise par l’éditeur qui montre aussi que le modèle MSP nécessite certains garde-fous.


Entretien avec Oleg Bivol, cofondateur de Watsoft.


Watsoft est un des rares VAD en France centré sur le modèle MSP. Comment cette orientation s’est-elle imposée à vous ?

Stéphane Bec et moi avons créé Watsoft en 2001. Au départ, nous vendions des logiciels directement aux clients finaux, mais très vite, nous avons compris que la vraie valeur se trouvait dans la relation avec les revendeurs qui eux-mêmes adresseraient les clients.

Trois mois après le lancement, nous avons adopté un modèle de distribution indirecte à une époque où la dématérialisation des logiciels ouvrait beaucoup d’opportunités. En 2005, notre rencontre avec Kaseya a marqué le tournant : c’est grâce à eux que nous avons structuré notre offre autour de la supervision, de l’automatisation et de la gestion à distance — les fondations mêmes du MSP.

Comment s’est construite la suite, notamment avec N-able, qui a longtemps été un partenaire clé ?

Après Kaseya, N-able a pris une place essentielle dans notre développement. C’était un acteur pionnier du MSP, avec une vision très claire du modèle récurrent et de la valeur du service. Ensemble, nous avons contribué à évangéliser le marché français. Pendant des années, cette collaboration a très bien fonctionné, avec des taux de croissance à deux chiffres. Mais en juillet 2025, N-able a pris la décision unilatérale de mettre fin à notre partenariat. C’est évidemment un choc, car cet éditeur représentait près de 50 % de notre chiffre d’affaires.

Cette rupture a eu des conséquences importantes…

Oui, c’est la première fois en vingt ans que Watsoft a dû mettre en œuvre un plan social. Cela n’a rien à voir avec notre performance, mais simplement avec la perte brutale d’une activité structurante. Nous avons pris cette décision difficile pour préserver la solidité de l’entreprise et garantir la continuité de service pour nos partenaires. Nous avons aussi saisi cette épreuve comme une occasion de nous réinventer. Quand un éditeur décide de se passer de la distribution, il faut rebondir vite, revoir son portefeuille et se recentrer sur ce qui fait notre force : la proximité, la flexibilité et la valeur technique.

Comment avez-vous repensé votre portefeuille d’éditeurs après cette rupture ?

Nous avons immédiatement cherché à préserver l’équilibre du catalogue. L’idée n’est pas de remplacer N-able par un acteur unique, mais de renforcer notre approche multi-éditeur. Dans la sécurité, par exemple, nous travaillons avec Heimdal, qui propose huit briques complémentaires, et pour le RMM, nous avons signé un accord de distribution avec Acronis, mais aussi avec Level.io, une solution de supervision et d’automatisation adaptée aux MSP.

Cette diversité nous protège et offre plus de choix aux partenaires. Chez nous, aucun éditeur ne doit peser 50 % du business : c’est une question de résilience. Avoir plusieurs solutions par usage — sauvegarde, supervision, messagerie — permet aussi aux MSP d’adapter leur offre, de réduire les risques et de garder la main sur leur stratégie. « 

« La marque blanche est devenue un vrai critère de choix : le client achète un service, pas un logo d’éditeur. Cela permet de créer des offres uniques et différenciées« 

Le modèle MSP reste-t-il toujours aussi porteur après toutes ces années ?

Plus que jamais. Aujourd’hui, 80 % de notre activité est récurrente, contre seulement 20 % de ventes transactionnelles. Le MSP est un modèle exigeant mais il faut être bon tout le temps. Et c’est aussi le modèle le plus résistant. Il a montré sa solidité pendant la crise sanitaire et la période géopolitique récente. Dans ce modèle, la relation client repose sur la confiance, la disponibilité et la qualité du support. Ce n’est pas un simple contrat : c’est un engagement continu.

Quels sont selon vous les principaux avantages du MSP pour un partenaire ?

L’abonnement apporte de la prévisibilité et renforce la relation client. Mais surtout, le MSP permet au revendeur de mettre sa propre marque en avant. La marque blanche est devenue un vrai critère de choix : le client achète un service, pas un logo d’éditeur. Cela permet de créer des offres uniques et différenciées, tout en réduisant la comparaison prix. Ce modèle a aussi mieux résisté à la volatilité du marché que la simple vente de licences.

Aucun éditeur ne doit peser 50 % du business. C’est une question de résilience.

Oleg Bivol

Watsoft a également développé ses propres offres, notamment dans le stockage et la téléphonie…

Oui, nous avons voulu aller plus loin en créant des offres maison. L’une d’elles est WatStockage, notre déclinaison de l’offre Wasabi, que nous avons rebrandée pour la rendre plus lisible et plus cohérente avec notre catalogue. Nous avons aussi lancé WatCom, une solution de téléphonie hébergée basée sur la technologie Enreach. Elle vise à simplifier la vie des partenaires IT qui se diversifient vers les télécoms. Nous avons passé une année à la faire mûrir, et elle commence vraiment à décoller — notamment avec l’intégration du mobile.

Vous évoquez souvent l’importance de la technique et de l’intégration. Comment cela se traduit-il dans votre accompagnement ?

Nous investissons beaucoup dans l’assistance et le conseil. Le MSP, ce n’est pas seulement de la licence, c’est du service. Nous avons, par exemple, intégré AlloPSA, une plateforme de ticketing et de gestion d’activité que nous utilisons en interne et proposons à nos revendeurs. Elle récupère automatiquement les données des outils RMM et CRM pour donner une vision complète de l’activité. L’objectif est d’aider les partenaires à automatiser, facturer, piloter leur performance — tout en gardant la main sur leur relation client.

Les clients finaux ont-ils eux aussi évolué dans leur perception du modèle MSP ?

Oui, totalement. Le modèle par abonnement est désormais la norme. Les entreprises veulent de l’agilité et du “IT à la demande”. Même les plus grandes structures reconnaissent la valeur du service managé. Il reste bien sûr quelques freins liés à la souveraineté ou aux coûts, mais le MSP s’impose comme une réponse équilibrée entre contrôle, flexibilité et performance. Certains clients ont même revu leur position après avoir subi des hausses tarifaires brutales d’éditeurs directs. Cela montre à quel point le channel friendly redevient un critère stratégique.

Comment voyez-vous la suite pour Watsoft ?

Cette période a été un test, mais aussi un accélérateur. Nous sortons de cette rupture plus agiles, plus prudents et plus déterminés à défendre le modèle channel. Notre mission reste la même : aider les MSP à bâtir des offres solides, rentables et durables. Le marché change, les technologies évoluent, mais les valeurs qui ont fait Watsoft, proximité, service, expertise, restent intactes. Ce sont elles qui nous permettront de continuer à avancer, même quand les cartes se redistribuent.

Propos recueillis par VINCENT VERHAEGHE


À LIRE AUSSI :

Dans l'actualité

Verified by MonsterInsights