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Connaissez-vous l’innovadette ?
Par La rédaction, publié le 19 mai 2025
Innover, c’est gagner en vitesse ; maîtriser la dette technique, c’est tenir la route. Entre ambition et stabilité, les DSI doivent jouer une partition à deux voix pour ne pas imploser en plein vol.
Parole de DSI / Par Thomas Chejfec, Directeur des systèmes d’information
Dans le monde merveilleux de l’IT, nous ne faisons pas de l’innovation : nous faisons de l’innovadette. Ou alors de l’innova-dette. En deux mots, car chaque projet innovant, chaque sprint de transformation, crée de la dette technique, comme une ombre portée.
Plus on accélère, plus elle grandit. L’innovation est célébrée comme la clé de la survie des entreprises dans un monde en mutation rapide. Mais derrière chaque avancée, la dette technique s’accumule silencieusement. Ce ne sont pas deux forces contraires : elles dessinent ensemble la trajectoire de l’entreprise. À l’heure où la transformation numérique s’emballe, il faut comprendre comment leur interaction façonne durablement la performance et la résilience des systèmes IT.
L’innovation est un art de l’imperfection contrôlée
L’innovation d’abord : elle obéit à plusieurs leviers fondamentaux qui bouleversent les organisations. La vitesse de développement en est la clé : il faut aller vite pour saisir les opportunités de marché avant les concurrents. L’objectif principal devient la réduction du time-to-market, au prix parfois d’une certaine imprécision technique. Dans ce contexte, l’agilité produit est valorisée : plus que la perfection, c’est la capacité à itérer qui compte, celle d’apprendre en continu et à évoluer avec les besoins utilisateurs. Avec une prise de risque assumée : celle d’oser lancer des solutions imparfaites, de les tester et de les corriger ensuite. L’innovation est un art de l’imperfection contrôlée.
Face à cette dynamique, la gestion de la dette technique repose sur d’autres piliers, moins visibles mais tout aussi vitaux. Elle permet d’assurer la pérennité des solutions, en donnant une base stable pour évoluer sans tout réécrire à chaque itération. La maîtriser, c’est maîtriser les coûts d’évolution, car un système bien structuré coûte moins cher à maintenir et à faire évoluer dans le temps. Sa robustesse et sa résistance sont aussi directement liées : un code trop endetté devient vulnérable, un code propre résiste mieux aux cyberattaques et aux montées en charge. Enfin, lors des passages à l’échelle, seules les plateformes qui ont su limiter leur dette peuvent scaler sans exploser en vol. La dette technique n’est donc pas seulement un frein ; bien pilotée, elle devient un acteur essentiel et silencieux du succès à long terme.
Au-delà de leurs spécificités, innovation et dette technique ont aussi des caractéristiques communes essentielles. Toutes deux exigent une vision à long terme, et de regarder bien au-delà du succès immédiat d’un projet ou d’une livraison. Elles nécessitent des arbitrages stratégiques permanents : quand faut-il accélérer, quand stabiliser, où investir, où consolider ? Elles demandent enfin des moyens humains et financiers adaptés : sans développeurs aguerris et sans financement récurrent, aucune des deux ne peut exister durablement.
L’art délicat de piloter l’élan et l’empreinte
Pour les maîtriser, il est crucial d’organiser un double pilotage : d’un côté, en structurant l’innovation avec des roadmaps produits et des cycles d’itération cadrés ; de l’autre, en instituant un suivi précis de la dette technique (métriques de couverture de tests, audits de code, revues d’architecture régulières). Il faut donner autant de visibilité à la dette qu’à l’innovation.
Reste qu’aujourd’hui, beaucoup d’équipes considèrent l’innovation comme excitante, valorisante, alors que la dette technique reste un travail de l’ombre, ingrat et souvent ignoré. C’est pourtant de sa maîtrise que dépend la possibilité même d’innover demain. Une DSI moderne doit donc s’organiser en valorisant à la fois l’innovation et la gestion de la dette technique, de façon différenciée. La première sera mise en avant en parlant stratégie. Elle sera pilotée par des objectifs business, intégrée aux feuilles de route métiers, célébrée dans la communication interne. Hackathons, démonstrations régulières de nouveaux produits, et implication directe des utilisateurs renforceront son image positive, dynamique et fédératrice.
Pour parler de la dette technique, il faut évoquer son rôle dans la résilience. Ce n’est pas un luxe, ni une activité subalterne, mais une composante obligatoire de la qualité. Pour cela, il faut la mesurer (nombre de refactorings réalisés, taux de couverture de tests, niveaux d’obsolescence maîtrisés), la piloter en intégrant systématiquement des temps de remise en conformité dans les roadmaps projets, et surtout la valoriser auprès du Comex en expliquant son impact direct sur la performance, la sécurité et les coûts futurs.
Innover sans assumer la dette technique générée, c’est construire des fusées sur du sable. Refuser d’innover par peur de la dette, c’est mourir lentement, étouffé par sa propre prudence. La seule voie durable pour une DSI est de marcher sur ce fil tendu entre ambition créative et discipline invisible. Et dans cet équilibre instable, il n’y a pas de héros cachés : seulement des bâtisseurs conscients de la matière dont ils forgent l’avenir.
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