Opinions
La “ France d’en bas ” prend la parole sur le Web. Écoutons-la !
Par La rédaction, publié le 10 mai 2013
Tous les mois, ce sont des millions de commentaires, postés par des centaines de milliers de citoyens qui donnent leur avis sur l’actualité économique, sociale et politique
Consultez-vous les sites de presse en ligne ? Ceux du Monde, du Figaro, du Point ou de 20 Minutes ? Ceux de TF1, M6, RTL ou Europe 1… ? Alors vous n’avez pas pu passer à côté des commentaires d’internautes prolongeant chaque article. Tous les mois, ce sont des millions de commentaires, postés par des centaines de milliers de citoyens qui donnent leur avis sur l’actualité économique, sociale et politique. Et ce dans des milliers d’espaces de dialogue ouverts 24 h/24.
Une véritable cour des Miracles en ligne où se retrouvent des internautes aigris, frustrés, haineux, racistes, homophobes… Des “ trolls ” qui polluent les discussions. Des prosélytes de tous bords qui prêchent la bonne parole. Des spammeurs qui font la promotion d’un peu tout ce qu’il est possible d’acheter sur le Web. De fausses rumeurs y passent. Les propos des uns sont déformés, amplifiés et se propagent. Ceux des autres sont mal interprétés, créant d’inutiles polémiques. On s’y insulte fréquemment.
Entre le sarcasme, le second degré et une maîtrise approximative des codes en vigueur, difficile de se comprendre. Cette cour des Miracles se mue en un Café du commerce, où l’on refait le monde à coup de solutions aussi séduisantes que simplistes. On toucherait, selon certains, au degré zéro de l’analyse politique et sociale ; ou au sommet de la “ beauf attitude ”. Pourtant, je plaide en faveur de ce moyen d’expression. Mieux, j’espère que les sondeurs, les journalistes, les experts et les décideurs prendront le temps de les lire. J’y vois une expression libre et authentique du bon sens populaire.
Un “ joyeux foutoir ”, qui, aidé par l’anonymat, délie les langues. Or c’est aujourd’hui le seul moyen d’expression de ceux que l’on n’entend jamais. La “ France d’en bas ”, des gens qui ne sont invités sur aucun plateau TV ni dans la presse écrite. Pas assez experts. Des gens à qui on tend parfois le micro… après un premier filtre de l’animateur. Certes, ces commentaires ne sont pas représentatifs de l’ensemble de la population. Les électeurs des extrêmes y sont surreprésentés (un tiers des votants au premier tour de la présidentielle tout de même !). Mais se contenter de les modérer sans les écouter est une erreur de beaucoup de rédactions.
“Modérer sans écouter est une erreur trop souvent répandue”
Faute de temps, peut-être. Faute de moyens, parfois. Mais faute d’envie, sûrement, et avec un certain mépris pour la foule qui ne peut être qu’idiote, trop peu instruite pour comprendre les enjeux du monde. Je dis aux journalistes : ce sont vos lecteurs. Ce sont aussi des électeurs et des consommateurs. Avant d’espérer les convaincre, il faut les entendre. En l’occurrence, les lire. Recueillir les témoignages pour mieux les comprendre. Mettre de côté la forme pour se focaliser sur le fond. Et c’est possible !
Car une fois que les commentaires les plus extrêmes sont modérés, il reste de nombreux avis, parfois sans valeur éditoriale si on les prend isolément, mais très instructifs dans leur ensemble. Ils peuvent exprimer un mal-être social, la vision qu’a Monsieur Tout-le-monde de notre société, de nos médias, de nos décideurs politiques ou grands patrons. C’est aussi une excellente mesure de l’écart entre la présentation des faits et la façon dont le plus grand nombre la reçoit.
Et parfois, on y lit quelques pépites, écrites par des anonymes qui sauront décrire ce que pensent leurs collègues, voisins ou amis. Pourquoi serait-ce moins valorisé que les focus groups organisés par les sondeurs ? Les commentaires sous articles ? Un des moyens d’expression les plus populaires et les plus authentiques. Un référendum quotidien sur les sujets du moment. Les cahiers de doléance du XXIe siècle ! L’histoire montre qu’il est bon d’y prêter attention…
Jérémie Mani, président de Netino, modération web et réseaux sociaux
Jérémie Mani, président de Netino, modération web et réseaux sociaux