IA et DAF réinventent la finance : décisions agiles, données fiables et gouvernance renforcée pour une performance durable.

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Le DAF redéfini : comment l’IA transforme la fonction finance de l’intérieur

Par La rédaction, publié le 10 octobre 2025

Le DAF n’est plus simple garant des chiffres : avec l’IA, il orchestre les risques, la durabilité et la stratégie. Une révolution silencieuse s’est déjà bien engagée dans les directions financières. L’IA bouscule la finance d’entreprise et propulse le DAF dans un rôle d’architecte des données. La fonction financière s’ouvre à une nouvelle ère de pilotage intelligent.


Par Nicolas Letavernier, Directeur du développement France chez Workiva


Le temps où la finance fonctionnait selon des cycles prévisibles est révolu. Si le reporting, la préparation des conseils d’administration et les prévisions restent essentiels, ils ne reflètent plus l’étendue du rôle du Directeur Administratif et Financier (DAF). Alors que des standards plus élevés s’imposent, les décisions stratégiques doivent être prises rapidement, et la performance financière doit refléter une direction claire, un niveau de risque maîtrisé et une vision à long terme.

Pour répondre à ces exigences, la finance doit relier les données, les risques et la stratégie au sein d’une structure cohérente, et l’Intelligence Artificielle générative (IAg ou GenAI) s’avère être un outil utile dans cette évolution. En transformant la manière dont l’information est collectée, organisée et interprétée, elle permet de faire évoluer la posture de la fonction finance. Dotée de données gouvernées et d’une lecture contextuelle, elle est mieux placée pour accompagner les prises de décisions en temps réel, et non plus seulement pour les expliquer à posteriori.

Amorce d’une transformation

De nombreuses équipes ont déjà initié ce changement. Elles ont notamment mis en place des narratifs financiers davantage construits, à partir de données plus consolidées. Elles révisent également leurs scénarios budgétaires plus fréquemment, souvent en fonction des mises à jour de chiffres. De même, les documents destinés aux appels de résultats s’appuient sur des dépôts réglementaires et des commentaires de la direction existants, ajustés plutôt que réécrits. Ces évolutions traduisent une transformation progressive des méthodes de travail, dictée par la nécessité d’être à la fois plus rapide et plus constant.

Pourtant, cette transition est loin d’être achevée. Même si la plupart des DAF sont convaincus du potentiel de l’IA, beaucoup cherchent encore comment l’intégrer à leurs processus existants. Selon le cabinet Deloitte, moins de 60 % des professionnels ayant accès à l’IA générative l’utilisent régulièrement. Pour beaucoup, la difficulté réside dans l’identification des cas d’usage où elle peut réellement venir en appui du travail déjà en cours.

Par ailleurs, la qualité des données constitue un autre facteur de complexité. Des entrées peu fiables, des systèmes déconnectés ou une traçabilité insuffisante continuent d’affecter la confiance. En finance, où précision et transparence sont indispensables, cela reste un frein naturel

Néanmoins, des outils existent et sont déjà utilisés, dans certaines organisations, pour la réalisation de tâches ciblées. Ce qui importe aujourd’hui, c’est d’aborder leur mise en œuvre avec méthode et pragmatisme, de façon à renforcer à la fois l’agilité opérationnelle et la confiance dans les résultats.

Un rôle élargi pour l’audit interne

L’audit interne évolue lui aussi. L’accent se déplace de la vérification a posteriori vers une capacité d’alerte en temps réel. Grâce à l’analyse continue de grands ensembles de données, les équipes sont en mesure de détecter les anomalies dès leur apparition et de maintenir des cycles de contrôle resserrés, sans réduire leur périmètre.

En automatisant les tâches répétitives, elles peuvent se concentrer sur les domaines où l’analyse humaine apporte une vraie valeur ajoutée : repérer des signaux dans des contenus non structurés, adapter les contrôles à des référentiels en évolution, ou réévaluer les cartographies de risques à mesure que de nouvelles informations deviennent disponibles.

Dans le contexte de la durabilité, ce modèle dynamique favorise une mise à jour régulière des contrôles relatifs aux émissions de Scope 1, 2 et 3, en tenant compte des exigences changeantes et des nouvelles pratiques de reporting. Cela contribue non seulement à la fiabilité, mais aussi à la résilience.

Il en va de même pour la gestion des risques. L’IA permet d’obtenir une vue plus structurée de la manière dont les risques sont couverts, des liens entre les contrôles, et des éventuelles lacunes. Cette clarté favorise une meilleure coordination entre les équipes finance, audit et conformité.

Le reporting de durabilité trouve son rythme

Ce renforcement du rôle de l’audit interne participe d’un mouvement plus large : celui d’un rapprochement entre les logiques financières et extra-financières, où le reporting de durabilité trouve progressivement sa place. Sa structure se rapproche de plus en plus de celle du reporting financier, tant en matière d’attentes que de cadence opérationnelle. Des cadres tels que le Global Reporting Initiative (GRI), le Conseil international des normes de durabilité (International Sustainability Standards Board – ISSB) ou les normes européennes de reporting de durabilité (European Sustainability Reporting Standards – ESRS) continuent de façonner la manière dont la performance non financière est comprise et présentée.

L’IA générative accompagne ce mouvement. Les équipes financières l’utilisent pour effectuer des analyses d’écarts plus rapides et plus homogènes, comparer les données de façon plus fiable et construire des narratifs à partir d’informations structurées et traçables. Ces avancées réduisent les tensions entre les fonctions finance et durabilité et permettent de poser les bases d’un reporting plus convergent. Les équipes en charge de la durabilité perçoivent cet impact de façon encore plus nette : 64 % des professionnels de ce domaine estiment que l’IA les aide à traiter rapidement les données, contre 52 % de leurs homologues en finance et comptabilité. De même, 61 % la jugent utile pour accomplir des tâches chronophages, là encore devant les 52 % relevés en finance.

Cette utilisation croissante dans les deux univers ouvre la voie à un rôle plus déterminant de cette technologie dans le suivi et l’intégration des engagements de neutralité carbone dans les rapports. Dans de nombreux cas, elle permet de repérer plus en amont les risques liés à la durabilité dans les chaînes d’approvisionnement, rendant le reporting plus réactif et moins dépendant de jalons figés. Il ne s’agit donc pas d’élaborer un discours parallèle, mais bien de construire un récit intégré, avec la même rigueur et la même compréhension opérationnelle.

La gouvernance comme condition de confiance

À mesure que ces changements s’accélèrent, une exigence demeure : ils ne peuvent être dissociés de la gouvernance. L’usage de l’IA en finance suppose une clarté sur l’origine des données, leur traitement et les décisions qui s’en inspirent. Au-delà de la conformité, cela touche au cœur même de la confiance financière.

Par conséquent, les questions de traçabilité, d’accès et de supervision doivent être posées à chaque étape. Sans cela, même les modèles les plus avancés risquent de devenir incontrôlables. En effet, l’IA peut appuyer les décisions, mais elle ne peut pas se substituer à la responsabilité humaine de les expliquer, car la pensée critique reste essentielle. Le rôle des équipes financières est en effet de comprendre, de questionner, de valider, plutôt que de simplement exécuter. De fait, pour exercer pleinement ce rôle dans un environnement de plus en plus interconnecté, elles doivent renforcer leur culture de l’IA, aussi bien sur les plans technique et pratique que dans leurs usages, leur compréhension et leur mise en application.

Il est évident que cette transformation ne sera pas uniforme et qu’elle dépendra de la manière dont chaque organisation articule données, reporting et responsabilité, et de la capacité des équipes à évoluer dans cette complexité.

Alors que la fonction finance se situe de plus en plus au croisement de la performance, du risque et de la durabilité, le rôle du DAF devient celui d’un chef d’orchestre de la cohérence. Ainsi, l’IA ne transforme pas ses responsabilités : elle l’aide à suivre le rythme de la complexité à laquelle elle est confrontée.



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