les 8 tendances IA qui redessinent la direction financière

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Direction Financière : ces 8 tendances Tech qui vont tout changer

Par Laurent Delattre, publié le 01 septembre 2025

Gartner identifie huit leviers technologiques qui vont recomposer la fonction finance d’ici 2030. Bien évidemment, l’IA y joue un rôle crucial mais c’est loin d’être la seule force transformatrice des années à venir.

Face à une économie instable, à des règles qui évoluent sans cesse – de la facturation électronique aux exigences ESG en passant par un contrôle interne renforcé – et à la nécessité de devoir quasiment tout piloter en temps réel, les directions financières jonglent encore bien trop avec des systèmes disparates, des processus trop manuels et des données incomplètes.
Elles doivent, en même temps, sécuriser la trésorerie, fiabiliser le reporting, accélérer les clôtures et éclairer les choix d’investissement, tout en gardant la maîtrise des coûts et des risques.

Pour relever ce défi, il est crucial de standardiser ce qui peut l’être, d’industrialiser les flux, d’ouvrir la donnée via des API et de passer d’un reporting à l’ancienne à une performance suivie en continu.

Bien évidemment, l’IA est souvent perçue et présentée comme un des moyens d’atteindre ces objectifs en concrétisant l’automatisation du procure-to-pay grâce à la reconnaissance documentaire, le rapprochement intelligent des paiements, la détection proactive des anomalies et fraudes, les prévisions de trésorerie et de ventes, les copilotes capables d’expliquer un écart ou de suggérer un plan d’action, voire les agents exécutant certaines tâches sous supervision.

On le sait tous, la technologie seule ne suffit pas. Pour créer de la valeur, l’IA doit s’appuyer sur une gouvernance solide des données, des garde-fous clairs (auditabilité, journalisation, seuils d’autonomie), une architecture prête pour l’événementiel et des talents hybrides, à la croisée de la finance et de la data. L’objectif n’est pas de briller par la prouesse technique, mais d’assurer fiabilité, rapidité et traçabilité sur l’ensemble du cycle financier.

Dans une nouvelle étude, Gartner identifie 8 « forces » qui vont « remodeler la fonction finance d’ici 2030 » au point d’obliger les directions financières à repenser leur organisation de fond en comble dans les 5 prochaines années. Ces dernières doivent s’intéresser à ces 8 tendances à la fois technologiques et organisationnelles afin de prendre des décisions éclairées sur l’avenir de leur fonction. Les voici avec leurs implications sur l’IT et la DSI.

1 – Une workforce IA

La fonction finance n’échappera pas à l’ère agentique. L’IA agentique s’installe au cœur des ERP, FP&A et outils de trésorerie. Gartner prévoit qu’à l’horizon 2030, un tiers des applications d’entreprise seront dotées d’une IA Agentique qui prendra 15% des micro-décisions de travail quotidiennes (lettrage, priorisation des paiements, contrôles de conformité) de manière quotidienne, que les équipes ne feront plus qu’orchestrer. Typiquement, les rapprochements complexes, le tri des factures, le paiement automatique de certaines factures, l’optimisation des flux financiers pour améliorer la trésorerie sont des tâches qui seront prises en charge automatiquement par les agents IA dans un proche avenir.

Bien évidemment, pour les DSI, cela impose préalablement d’ouvrir les SI par des API fiables et bien documentées permettant aux agents d’interagir avec les systèmes, mais aussi de mettre en place des mécanismes de traçabilité (des décisions prises par les IA) ainsi que des mécanismes de contrôle pour éviter les dérives, garantir la qualité et la sécurité des décisions automatisées. Il faudra définir des seuils d’autonomie et des circuits d’escalade.

2 – La prise de décision automatisée

Les Anglo-saxons appellent cela le « Machine Decision Making », ou la capacité d’une machine dopée à l’IA de prendre des décisions de manière autonome après analyse des données, évaluation des options et choix d’une action, le tout sans intervention humaine directe. Dit autrement, l’IA prend des décisions opérationnelles et financières en temps réel.
Conséquence d’une telle approche, la finance bascule d’un pilotage en J+30 à des arbitrages continus nourris par données opérationnelles (IoT, supply, prix énergie). Selon Gartner, 70% des fonctions financières utiliseront l’analyse par l’IA sur les coûts opérationnels et la gestion des flux de trésorerie. « Le personnel des finances supervisera les systèmes d’IA, ce qui nécessitera une évolution vers une pensée probabiliste et moins de temps consacré au type d’activités actuellement effectuées par les postes de premier échelon » ajoutent les experts de Gartner.

3 – La Tech en Libre-Service (DIY Tech)

Le No-Code dopé à l’IA va d’ici deux ans permettre aux équipes métiers de monter leurs propres micro-apps et workflows : suivi CAPEX, contrôles 3-voies, calculs de taxes pays, etc.
Une autonomie synonyme d’accélération des processus et de la réactivité de l’entreprise à condition que la DSI puisse cadrer la plateforme : catalogue de composants validés, connecteurs officiels ERP/banques, politiques d’accès et de tests, revue de code assistée par IA.

4 – La fin de la personnalisation

Alors que, dans bien des domaines c’est l’atout d’une personnalisation par l’IA qui est souvent mise en avant, c’est exactement l’inverse qui émerge dans la fonction finance. D’ici 2030, la plupart des fonctions financières auront des processus transactionnels presque identiques, prédit le Gartner. « Les processus transactionnels standardisés réduiront les coûts et la dépendance à l’égard des solutions personnalisées, mais la personnalisation analytique restera », anticipe Brian Stickles, chercheur chez Gartner Finance Practice. « La finance doit préparer les talents et les systèmes à ce changement. ». Autrement dit, les processus transactionnels vont converger vers des « best practices » éditeurs ; l’avantage compétitif ne se joue plus sur les notes de frais ou la saisie de facture, mais sur l’analyse et la vitesse d’exécution.
Les DSI devront focaliser leur attention sur les schémas canoniques, veiller à la non-régression des API, mettre en place des équipes IT plus orientées configuration que développement.

5 – L’entreprise isolée

Conséquence inattendue et effet de bord des éléments vus plus haut, l’automatisation et le travail distribué réduisent les interactions. Dès lors la finance peut perdre du contexte business. « Le service financier se concentrera sur la fourniture d’outils en libre-service afin de fournir une assistance plus efficace et à plus grande échelle », explique Brian Stickles. « Cependant, il y a un risque que les employés de la Direction Financière deviennent plus cloisonnés avec une compréhension dégradée des besoins de l’organisation dans son ensemble… ». Dit autrement, les collaborateurs « Finance » deviendront plus isolés en raison de la spécialisation des tâches et des interactions de plus en plus automatisées par la technologie. Pour limiter cet effet de bord, les DSI devront injecter plus de collaboration dans les flux, fournir des vues à 360°, reconnecter les collaborateurs au fonctionnement général de l’organisation.

6 – Des organisations matricielles

Avec plus d’inputs et d’acteurs, la responsabilité se dilue. Les droits de décision organisationnels deviennent troubles, ce qui entraîne généralement l’implication de personnes plus expérimentées. Pour Gartner, « plus on monte dans la hiérarchie, plus l’expertise locale peut être perdue, de sorte que les équipes financières devront s’assurer qu’elles tirent parti de l’expertise locale pour maintenir la qualité des décisions. »
 Corolaire, ce sera probablement à la DSI d’outiller le « qui décide quoi » par le truchement de plateformes d’orchestration de règles et de policy-as-code pour les signatures et les seuils.

7 – « Talent crash » en finance (pénurie et hybridation des compétences)

Il découle des points 5 et 6 une règle qui s’étend partout où s’infiltre l’IA : on n’interroge bien et n’exploite bien l’IA que si l’on a la compétence du métier. L’IA est un frein à l’embauche des débutants et un « killer » des premiers emplois. Et Gartner d’anticiper déjà un « crash », une crise imminente des talents dans le secteur financier. Cette crise résulte de deux tendances : 75 % des experts-comptables (CPAs) sont proches ou déjà à l’âge de la retraite d’une part, et de moins en moins de juniors formés aux tâches de base (répétitives et chronophages) à cause de l’IA. Pour Gartner, « La finance aura besoin de plus de talents technologiques pour développer les compétences des talents financiers restants et devra adapter les rôles pour équilibrer les compétences financières et technologiques ».

8 – Des chocs réglementaires discontinus

La conformité devient mouvante, chaotique, et l’entreprise doit s’adapter à l’imprévu. Pour Gartner « des réglementations imprévisibles mettront à l’épreuve la capacité du secteur financier à maintenir la conformité et la cohérence. La finance devra décentraliser et augmenter les effectifs pour gérer l’expertise locale et l’analyse rapide des scénarios. »

Il résulte de toutes ces tendances un besoin d’anticiper la modernisation de la donnée financière, avec, par exemple, un « lakehouse » alimentant à la fois le reporting réglementaire et les agents IA opérationnels tout en permettant une gouvernance centralisée des données et des agents.
Par ailleurs, il faudra agir par étape, probablement en commençant rapidement par mettre au travail des agents IA sur des cas d’usages relativement déjà éprouvés, comme le lettrage cash ou le tri des factures fournisseurs tout en mettant en place des objectifs mesurables (délais, taux d’exception, coûts par transaction, etc.).

Cette modernisation à moyen terme de la fonction finance est un défi organisationnel et technique à anticiper dès à présent. De quoi imposer une toute nouvelle ère de collaboration entre DSI et DAF…



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