IBM acquiert HashiCorp et sa plateforme IaC TerraForm pour 6,4 milliards de dollars. Une bonne affaire.

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Le gros coup d’IBM à 6,4 milliards de dollars

Par Laurent Delattre, publié le 25 avril 2024

En faisant l’acquisition d’HashiCorp, IBM réalise une opération dans le même esprit que celle de Red Hat en 2019. Big Blue récupère Terraform, Consul et Vault pour assoir un peu plus sa présence dans toutes les SI des entreprises et dans tous les clouds…

La rumeur courrait depuis quelques jours. Elle est devenue information officielle dans la soirée du mercredi 24 avril 2024 : IBM est parvenu à un accord pour acquérir l’éditeur HashiCorp pour 6,4 milliards de dollars.

Il y a dans cette acquisition une logique qui rappelle fortement celle du rachat de Red Hat en 2019 même si la proie est ici bien moins onéreuse. Elle s’aligne totalement avec la volonté d’IBM d’être un partenaire de prédilection dans toutes les aventures « cloud hybride » des entreprises. Et elle consiste à nouveau à acquérir un partenaire déjà bien implanté au cœur des systèmes d’information et plus particulièrement au cœur des SI déjà bien établis dans les pratiques DevOps, industrialisation CI/CD, mise en œuvre des containers.

Un portfolio prestigieux

Le nom de HashiCorp est sans doute moins connu que celui de son produit phare : Terraform. Mais HashiCorp, c’est aussi tout un portfolio de produits qui se révèlent finalement bien plus complémentaires que concurrents aux portfolios d’IBM (avec ses Cloud Paks et ses solutions QRadar) et de Red Hat (RHEL, OpenShift, Ansible…).

En acquérant HashiCorp, IBM récupère dans son escarcelle des produits bien connus des développeurs et des DSI :

Terraform : Infrastructure as Code et automatisation du provisionnement des ressources IT à travers de multiples et différents environnements Cloud privés et publics.

Consul : solution de gestion des services répartis avec un volet Service Mesh et un autre de découverte des services.

Vault : solution de gestion des secrets (clés de sécurité, etc.)

Boundary : solution d’accès à distance sans VPN, brique de fondation d’infrastructure Zero Trust

Nomad : orchestration des workloads

Packer : élaboration, automatisation et gestion d’images via du code

Waypoint : plateforme de développement

« HashiCorp a fait ses preuves en permettant à ses clients de gérer la complexité de l’infrastructure actuelle et la prolifération des applications. La combinaison du portefeuille et de l’expertise d’IBM avec les capacités et le talent de HashiCorp créera une plateforme de cloud hybride complète conçue pour l’ère de l’IA » justifie le CEO d’IBM, Arvind Krishna, en combinant malicieusement la raison d’être de ce rachat (le cloud hybride) avec le buzzword du moment, l’IA.


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S’imposer un peu plus dans toutes les infrastructures

Ce rachat n’est pas forcément une énorme surprise. Il faut dire aussi qu’HashiCorp semblait connaître de plus en plus de difficultés à concrétiser leur domination du marché avec TerraForm en un Business florissant. Introduite en Bourse en 2021, son action avait perdu 50% de sa valeur ces derniers mois. IBM n’a d’ailleurs pas manqué de faire remarquer que l’éditeur ne comptait dans ses clients que 20% des entreprises du Forbes Global 2000, des entreprises sur lesquelles IBM construit justement l’essentiel de son Business. Autant dire qu’IBM y voit là un gisement de croissance pour HashiCorp et pour son business centré sur le cloud hybride et les infrastructures pour le mettre en œuvre.

Dans sa quête désespérée de revenus, HashiCorp, contrariée comme d’autres par l’exploitation pas très fair-play de ses technologies par les hyperscalers, avait pris une décision critiquée, critiquable et nécessairement polémique : basculer ses produits sous une licence BSL (Business Source License). Conséquence immédiate, ses produits ont vu les communautés open source immédiatement multiplier les Forks engendrant un certain chaos. Terraform en a pris du plomb dans l’aile avec la montée d’un Fork soutenu par la Linux Foundation (OpenToFu) et la montée en puissance de concurrents (Pulumi, SaceLift, Nitric, CDKTF, Azure RM, AWS CloudFormation, Google DM, Bicep…).

Des inquiétude à lever vite

Étrangement, le rachat par IBM pourrait se révéler une bonne nouvelle pour la communauté TerraForm pour peu que l’acquéreur navigue vers un rapprochement encore possible entre TF et OpenToFu. Même si Red Hat a lui aussi, sous l’égide IBM, modifié quelque peu ses licences l’an dernier, engendrant une colère des communautés qui semble désormais calmée. À nos yeux, IBM a tout à gagner à rapprocher l’essentiel du portfolio HashiCorp de celui de Red Hat et d’aligner le tout sur les mêmes licences open source.

Parallèlement, certains s’inquiètent déjà de voir un même acteur, IBM, finalement avoir le contrôle de RHEL Linux, Ansible, OpenShift, Terraform et Consul, autrement toutes les briques les plus emblématiques du DevOps et des containers dans l’univers cloud hybride.

Beaucoup se demandent aussi ce qu’il va devenir de l’initiative « Infrastructure Cloud » lancée par HashiCorp il y a quelques jours et des autres initiatives Cloud de l’éditeur.

Enfin, de nombreux observateurs s’inquiètent également de savoir si l’éditeur donnera la même indépendance à HashiCorp qu’il l’accorde à Red Hat (qui se révèle une structure relativement autonome) ou s’il cherchera à l’inverse à dispatcher le portfolio dans ses offres Pak et QRadar d’un côté et Red Hat de l’autre. Selon le communiqué officiel d’IBM, HashiCorp devrait continuer d’opérer au sein d’IBM comme une division autonome à l’instar de Red Hat. Une option qui paraît judicieuse, la culture d’entreprise de HashiCorp étant très différente de celle d’IBM avec des employés 100% en télétravail depuis ses origines (2012).

En attendant de pouvoir éclaircir toutes ces interrogations, le deal doit encore être approuvé par les autorités internationales de régulation des marchés. IBM espère néanmoins concrétiser cette acquisition avant la fin de l’année.


Une acquisition pour masquer des résultats décevants

L’annonce du rachat d’HashiCorp est intervenue quelques minutes seulement avant l’annonce officielle des résultats d’IBM pour le premier trimestre 2024. Des résultats mi-figue, mi-raisin, qui dépassent les prévisions de Wall Street en termes de bénéfices mais pas en termes de ventes.
Le Chiffre d’Affaires trimestriel reste stable (1% de croissance par rapport à Q1-2023) à 14,5 milliards de dollars et un bénéfice net de 1,6 milliard de dollars.
La seule division en croissance (5,5%) est la division logicielle avec son CA trimestriel de 5,9 milliards de dollars essentiellement porté par Red Hat (+9%) et les Cloud Paks d’automatisation (+13%). Malgré l’optimisme affiché par Arvind Krishna, les activités « Data & IA » n’ont connu qu’un pourcent de croissance alors que 2024 est l’année de l’IA.
Des résultats assez mous qui n’inquiètent pas le CEO d’IBM : « Nous avons commencé l’année avec une solide croissance du chiffre d’affaires et du flux de trésorerie disponible, reflétant la force de notre stratégie de cloud hybride et d’IA. Nous continuons à capitaliser sur l’enthousiasme et la demande de nos clients pour l’IA d’entreprise. Notre carnet d’affaires pour watsonx et l’IA générative a de nouveau fait preuve d’une forte dynamique, augmentant d’un trimestre à l’autre, et a maintenant dépassé le milliard de dollars depuis que nous avons lancé watsonx au milieu de l’année 2023. Nous continuons de nous attendre à une performance des revenus conforme à une croissance moyenne à 1 chiffre avec environ 12 milliards de dollars de flux de trésorerie disponible pour 2024. »



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