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Les 6 tendances qui dessinent le futur du Cloud selon Gartner
Par Laurent Delattre, publié le 16 mai 2025
Face aux pressions économiques, réglementaires et technologiques croissantes, Gartner identifie six dynamiques qui vont transformer en profondeur les stratégies cloud des entreprises à l’horizon 2029.
Le regard souvent porté vers demain, Gartner publie un rapport sur 6 tendances globales qui impacteront le futur du Cloud d’ici à 2029. Ces six tendances, aux impacts aussi bien négatifs que positifs, redessinent l’adoption du Cloud dans les prochaines années et appellent les DSI à leur porter une attention particulière.
Six tendances qui ont interpelé la rédaction et que nous vous proposons de découvrir ici :
N°1 – Insatisfaction vis-à-vis du cloud : la fin de l’innocence
Gartner anticipe que 25 % des entreprises seront « significativement déçues » de leur cloud d’ici 2028, pour cause de coûts hors-contrôle ou d’implémentations bâclées. Entre attentes irréalistes, déploiements mal orchestrés et coûts incontrôlés, bien des entreprises continuent de migrer vers le Cloud sans une gouvernance rigoureuse ni une feuille de route clairement priorisée. Pas étonnant, dès lors, que le Cloud – qui peut aussi être un piège de dépenses incontrôlées – ne génère pas la valeur attendue.
Depuis quelques années, plusieurs études (IDC, Nutanix Cloud Index, etc.) soulignent l’existence croissante d’une tendance « cloud repatriation » qui consiste à rapatrier on-prem (ou sur l’Edge) des workloads un peu trop rapidement basculer sur le cloud et à la facture devenue déraisonnable.
Pour Joe Rogus, directeur conseil chez Gartner, « la réussite des projets Clouds passe par une stratégie claire et une exécution disciplinée ».
Conseils DSI :
Il est notamment conseillé d’instaurer un comité FinOps bi-mensuel, de lier chaque nouveau projet cloud à un business case chiffé et de prévoir le plan de sortie du cloud dès la phase de conception.
Le Framework FinOps ouvert « FOCUS » (FinOps Open Cost and Usage Specification) est un outil utile et répandu, supporté nativement par AWS, Azure, GCP et Oracle) pour normaliser les données de facturation et d’usage du cloud à travers différents fournisseurs et aider à la mise en œuvre de bonnes pratiques.
Enfin, maîtriser AWS Cost Explorer, Azure Cost Management, Google Cloud Billing Reports est désormais un impératif pour tout client de ces hyperscalers.
N°2 – L’essor de l’IA et du ML : attention à la saturation des ressources
Gartner prévoit que 50 % des ressources de calcul louées dans le cloud seront consacrées à l’IA en 2029, contre moins de 10 % aujourd’hui. « C’est le moment pour les entreprises d’évaluer si leurs centres de données et leurs stratégies cloud peuvent absorber ce pic de demande ; dans bien des cas, il faudra rapprocher l’IA des données » souligne Joe Rogus, appelant les entreprises à ne pas attendre le dernier moment pour évaluer leurs capacités et besoins. de leurs centres de données et de leurs contrats cloud à absorber cette vague.
Conseils DSI :
Il est important ici d’anticiper très tôt le budget IA dans vos modèles FinOps mais aussi de réfléchir à l’adoption des solutions les plus efficaces soit en optant pour les GPU de toute dernière génération, soit en optant pour les accélérateurs « maison » des hyperscalers (Amazon Trainium/Inferentia, Google TPU, Azure Maia-100). Il faudra alors bien vérifier la compatibilité des pipelines MLOps existants avec ces accélérateurs IA.
Des travaux importants ont été réalisés ces derniers mois pour également optimiser les algorithmes et modèles IA. Mistral AI et DeepSeek ont ouvert la voie. Aujourd’hui des petits modèles se révèlent particulièrement agiles et bien adaptés aux besoins des entreprises : Gemini Flash 2.5, OpenAI GPT-4.1 Nano, Mistral Small 3 et Medium 3, etc. L’avenir de l’IA en entreprise réside plus dans ces petits modèles aisément personnalisables que dans les modèles frontières généralistes.
N°3 – Multicloud & cross-cloud : l’ère de l’« any-to-any »
« Plus de la moitié des organisations n’atteindront pas les bénéfices attendus de leurs stratégies multicloud avant 2029, faute d’interopérabilité et de gouvernance » prédit le Gartner. Le multicloud crée de la complexité et de la confusion. Notamment parce que chaque fournisseur tend à vouloir défendre son pré-carré en limitant ou complexifiant l’interopérabilité, un sujet qui est la raison d’être de l’initiative Gaia-X qui tarde à s’imposer
Conseils DSI
Gartner recommande d’identifier des cas d’usage précis et de concevoir des applications et des jeux de données nativement distribués qui tireront parti d’un modèle de déploiement “cross-cloud”. Une telle approche évite les silos et permet aux charges de travail de collaborer sans friction entre plusieurs plates-formes cloud, mais aussi avec les infrastructures on-premises et les sites de colocation.
Pour cela il est conseillé d’adopter des architectures réellement portables en s’appuyant sur les containers orchestrés par Kubernetes, sur les Service Mesh, sur les approches « stateless » partout où c’est possible sinon sur des data fabric ou des SGBD serverless distribués.
Autre conseil, automatiser tout autant que possible en s’appuyant sur l’Infrastructure as Code (façon Terraform ou Pulumi), sur le GitOps et sur l’observabilité distribuée (OpenTelemetry, Datadog, New Relic).
Enfin, il ne devrait pas y avoir de multicloud sans gouvernance unifiée notamment au niveau des identités, de la gestion des clés (HSM/KMS) et des outils CSPM/CIEM.
N°4 – Plateformes sectorielles : verticaliser pour gagner en efficacité
Pour Gartner, les plateformes cloud « spécialisées » pour un secteur donné qui apparaissent notamment chez les hyperscalers américains sont une tendance forte promise à un bel avenir. Microsoft avait initié le mouvement avec ses offres « Microsoft Cloud for Industry » (Microsoft Cloud for Healthcare, Microsoft Cloud for Retail, Microsoft Cloud for Manufacturing, Microsoft Cloud for Nonprofit, Microsoft Cloud for Financial Services, etc.). Depuis ses concurrents l’ont largement imité avec AWS for Industry (Média, Télécom, Retail, Manufacturing, Life Science, Finance, Gaming, Energie, Marketing, Automobile…) ou encore Google Cloud Industry Solutions (Retail, Media, Healthcare, Transport, Financial Services…).
Gartner prédit que plus de 50 % des organisations auront adopté des plateformes cloud sectorielles pour accélérer leurs initiatives métier d’ici 2029.
Conseils DSI
Selon Gartner, les entreprises devraient considérer les plateformes cloud sectorielles comme un complément stratégique à leur écosystème informatique existant, et non comme une solution de remplacement intégrale. Cette approche progressive permet de réduire la dette technique tout en favorisant l’innovation et en maximisant la valeur ajoutée pour l’entreprise.
Par ailleurs, il est important de focaliser son attention sur comment ces clouds sectoriels (et leurs briques préconfigurées) s’intègrent à votre ERP et PLM.
Enfin, essayer de négocier un « road-map commitment » avec l’hyperscaler pour éviter les « lock-in ».
N°5 – Souveraineté numérique : contrôler la donnée… pour de vrai
Le resserrement des réglementations et les tensions géopolitiques obligent les multinationales à protéger données et charges critiques contre toute ingérence extérieure. D’ici 2029, plus de la moitié disposeront d’une stratégie souveraine explicite (contre environ 10% actuellement).
« De nombreuses solutions sont déjà disponibles pour aider les entreprises à adapter leurs stratégies cloud aux enjeux de souveraineté numérique », affirme Joe Rogus. « Toutefois, une compréhension précise de leurs besoins spécifiques reste essentielle pour identifier la combinaison optimale de solutions capable de garantir la protection des données et l’intégrité des opérations. »
Le cloud de confiance français tarde à convaincre. Les clouds certifiés « SecNumCloud » (OVHcloud, Outscale, Cloud Temple, Scaleway…) peinent à convaincre les grandes entreprises qui parallèlement semblent attendre de voir si les clouds « S3NS » (de Thales avec Google) et « Bleu » (d’Orange et Capgemini avec Microsoft) tiendront leurs promesses de certification SecNumCloud.
Les tensions géopolitiques ont rebattu les cartes mais on attend toujours le visage final de l’EUCS (sorte d’implémentation européenne des idées du SecNumCloud). Car si l’EUCS se montre moins stricte que SecNumCloud, les offres dites souveraines des hyperscalers comme Microsoft EU Data Boundary, AWS European Sovereign Cloud, Google Sovereign Cloud risquent finalement de faire de l’ombre aux pures offres européennes et aux offres Bleu/S3NS : elles sont gérées par des structures européennes, opérées par du personnel européen, et garantissent un emplacement des données et des workloads en Europe.
Conseils DSI
Pour se préparer à cette tendance, les DSI peuvent déjà mettre en œuvre un système de cartographie et de classification des données et workloads pour savoir quoi protéger/chiffrer et où le faire. Ils peuvent par exemple activer les fonctionnalités de Data Discovery automatisé.
Ils devraient aussi nommer un Sovereign Compliance Officer en charge de mettre en oeuvre une veille réglementaire structurée pour suivre le calendrier des différents règlements européens.
N°6 – Éco-responsabilité : le Cloud comme levier du Green IT
Sous la pression des régulateurs, des investisseurs et de l’opinion publique, la responsabilité environnementale devient une condition d’achat : au-delà de 2029, plus de 50 % des appels d’offres IT intégreront des critères de durabilité. Pour Gartner, la valeur du cloud se mesurera autant à son impact climatique qu’à ses bénéfices économiques.
« Alors que les charges de travail liées à l’IA exigent davantage d’énergie, les organisations sont également sous pression pour mieux comprendre, mesurer et gérer les implications des technologies cloud émergentes en matière de durabilité » constate Gartner.
Conseils DSI
Pour valoriser pleinement leurs investissements cloud, les entreprises doivent dépasser la simple dimension environnementale et intégrer leurs initiatives de durabilité dans une stratégie globale en parfaite cohérence avec leurs objectifs commerciaux fondamentaux.
Ils doivent également intégrer la métrique carbone au comité FinOps et lier les bonus des équipes infra à la réduction gCO₂e.
Enfin, ils doivent apprendre à maîtriser les outils de mesure qu’il s’agisse d’outils proposés par les hyperscalers (Customer Carbon Footprint Tool chez AWS, Carbon Footprint Tool chez Google Cloud ou les API « Cloud for Sustainability » et l’outil « Sustainability Calculator » chez Azure) ou des outils tiers comme IroCO2, Frugger, Greenly ou Sweep.
Au final, force est de constater que les 6 tendances clés du Cloud mises en avant ne sont pas très originales mais elles sont désormais assez matures pour constituer, pour chaque DSI, un agenda prioritaire : gouverner les coûts en y adjoignant des indicateurs carbone, industrialiser l’infrastructure IA en mutualisant GPU et TPU dans des chaînes MLOps multicloud, consolider l’architecture distribuée grâce à des couches de contrôle unifiées et un réseau cross-cloud performant, puis sécuriser toute la chaîne de confiance en conciliant souveraineté, conformité sectorielle et objectifs écologiques.
La difficulté est que ces axes peuvent se renforcer ou se neutraliser : une IA mal pilotée fait exploser facture et CO₂ ; un cloud souverain mal conçu étouffe l’élasticité et dégrade l’expérience.
Dit autrement, l’heure n’est plus au choix d’un fournisseur ou d’une architecture. C’est en menant simultanément les quatre chantiers évoqués pour prendre en compte ces 6 tendances Cloud que les DSI pourront réellement transformer leurs initiatives Cloud en levier stratégique agile et durable.
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