Les licenciements dans les fournisseurs IT se multiplient et les nouveaux demandeurs d'emploi visent à monter leur startup.

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Les licenciements dans l’IT sont-ils si anecdotiques ?

Par François Jeanne, publié le 28 février 2023

Après des années de plein emploi, et de surenchère salariale sur fond de pénurie de talents, un retournement s’est amorcé à l’automne. Une première vague de licenciements chez les “Maama” a été suivie d’une seconde en janvier, qui touche aussi les fournisseurs IT. Un rééquilibrage pour satisfaire la bourse : c’est le message officiel.

La litanie des annonces de licenciements a enflé cet automne aux États-Unis, avec de grosses vagues chez Twitter (3700 départs), Amazon (10000) et Meta (11000). Le site californien Layoffs.fyi a ainsi totalisé 160000 pertes d’emploi dans le secteur IT en 2022, dont 90000 rien qu’en novembre. La faute à des annonces de résultats trimestriels jugés décevants pour le secteur de la tech.

La même cause semblant produire les mêmes effets, les décideurs – surtout américains – du secteur ont choisi en janvier de donner de nouveau des gages à la bourse. Pour ce seul mois, pas moins de 75000 emplois ont été supprimés avec, en «premiers de cordée», Alphabet (12000), Microsoft (10000) ou à nouveau Amazon (8000). Les Maama (nouveau nom donné aux GAFAMs et aux géants de la Tech, contraction de Microsoft, Apple, Alphabet, Meta et Amazon) tiennent le haut de ce triste pavé, à l’exception notable d’Apple, dont les résultats ont pourtant déçu les analystes (Apple a cependant moins embauché que les autres durant les deux années pandémiques).

En cette fin février certains s’inquiètent déjà d’une seconde vague chez les “Maama” alors que Twitter se sépare à nouveau de 200 personnes et que les rumeurs annoncent de nouveaux licenciements en préparation chez Meta.


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Mais, et c’est la nouveauté de ces mois de janvier et février, ils ne sont plus seuls. Le mouvement s’étend à des acteurs plus directement au cœur des systèmes d’information des entreprises.

Salesforce a par exemple annoncé amputer ses effectifs de 10% (soit 8000 collaborateurs) ; IBM a estimé à 3900 le nombre de départs nécessaires pour «restaurer sa compétitivité», sans pour autant convaincre la bourse ; l’éditeur de solutions de sécurité britannique Sophos, malgré un marché dynamique, a évoqué 450 fins de contrats ; SAP n’a pas pu faire l’économie d’un plan social de 3000 personnes ; NetApp se sépare, lui, de 960 salariés. Pour mémoire, on rappellera que Cisco avait déjà supprimé 4100 emplois en novembre. S’y sont ajoutés en Février des licenciements chez Convoy, Spriklr (100 salariés licenciés), Twilio (1400 personnes remerciées), GitHub (10% de son effectif), GitLab (144 personnes impactées), Zoom (1300 licenciements), Dell (5% de sa workforce soit environ 6650 futurs ex-employés),…

L’épidémie se répand à toute la Tech.

Souvent, et notamment chez les Maama, ces licenciements concernent plutôt les fonctions commerciales ou de support. Les services de développement semblent moins impactés, sauf arrêt de certains produits et réaffectation des équipes, intégralement ou en partie, sur des projets «à plus fort potentiel commercial».

Par ailleurs, les filiales européennes, et notamment françaises, n’ont pas fait l’objet de communications spécifiques sur le nombre de salariés qui seraient sacrifiés. Certaines y échapperont : apparemment chez Amazon, il n’y aura pas de suppression de postes par exemple. Il est vrai que le droit du travail sur le Vieux Continent a le mérite d’amortir –un peu– les ardeurs des maisons-mères américaines.

Effectifs pléthoriques, et rendements à préserver

Faut-il se contenter des versions officielles sur la nécessité d’ajuster les effectifs à la réalité du marché après des années d’embauche à tout va, et à des salaires élevés sur fond de pénurie de talents ? Il semblerait surtout que l’ajustement concerne les rendements exigés par la bourse, car ces leaders de la tech ne sont pas dans le rouge. SAP a par exemple atteint 8Md€ de bénéfices sur l’année, et a vu son CA progresser de 11% sur un an. Microsoft, lui, a dégagé un résultat net de 16,4Md$ pour son second trimestre 2023 clos fin janvier, avec une croissance de son CA de 2% à 57,4Md$. Mais ce résultat net est en chute de 12% par rapport à l’année précédente. Et la progression de son CA trimestriel la plus modeste depuis 2016. Les actionnaires n’apprécient pas…

Les leaders de l’IT mondiale s’efforcent surtout de nous convaincre qu’il ne s’agit que d’un épiphénomène, d’une crise de croissance normale, en somme. Mais en filigrane, des inquiétudes plus lourdes se font jour, sur le maintien des investissements des entreprises pour leurs projets de transformation numérique, mais aussi sur leurs dépenses dans le cloud. L’inflation et les incertitudes géopolitiques sont suffisamment préoccupantes pour craindre que la demande des consommateurs, en s’affaiblissant durablement, entraînera des restrictions de budgets dans les entreprises, et même à l’IT.

Une réaction en chaîne donc. Et on sait qu’elles ne sont pas faciles à contrôler.


Vers un pic de start-up ?

Selon Layoff.fyi, la Tech a “viré” 160 000 travailleurs en 2022 et plus de 120.000 depuis le début de l’année 2023. Selon plusieurs sources américaines, Au lieu de chercher d’autres postes au sein de géants de la Tech qui ont plus ou moins gelé les embauches depuis le milieu de l’année dernière, bien des demandeurs d’emploi choisissent de devenir leurs propres patrons. D’autant que les souvent généreuses indemnités de licenciement des “Maama” leur permettent de prendre quelques risques, de poursuivre leurs propres idées et de financer leurs projets personnels.
De premiers indicateurs laissent entrevoir un afflux de nouveaux fondateurs aux USA. L’accélérateur de startups Y Combinator a vu les candidatures augmenter de 20 % fin 2022. Le nombre de demandes tardives, déposées en janvier 2023, a été multiplié par cinq !
Problème de taille cependant pour ces nouveaux explorateurs, les financements pourraient être plus trouver. Les fonds sont devenus plus frileux à convaincre même si selon PitchBook, 585 milliards de dollars de capitaux n’avaient pas été attribué à la fin du 3ème trimestre 2022, un record. Les scandales de WeWork et Teranos, les entrées en bourse ratées, la baisse des évaluations des startups, la hausse des taux d’intérêt; la stagnation nouvelle des valeurs technologiques… tout contribue à rendre les “capital-risqueurs” plus prudents.


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