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L’intelligence collective en question (3/3)

Par La rédaction, publié le 19 juin 2013

L’intelligence collective change les rôles des managers, des leader, des DRH et des experts dans l’organisation. Et elle entraîne la création de nouvelles fonctions comme celle de community manager ou de connecteur.

Ce billet fait suite à mes deux précédents : l’un rapportait une étude de neurosciences donnant un point de vue intéressant sur l’intelligence collective ici, et l’autre parcourait quelques outils et méthodes sur la manière d’encourager l’intelligence collective dans l’entreprise là.

Dans ce troisième billet, j’aborde ce que l’intelligence collective va changer pour certains rôles. Regardons de plus près quelques personnes clés de l’entreprise actuelle : le manager, le leader, l’expert, le Community Manager, le DRH. Comment sont-ils touchés, comment peuvent-ils se redéfinir pour accompagner la transformation ? A cette courte liste, j’ajouterais le « connecteur » : un peu comme l’expert, ce n’est pas forcément un rôle à proprement parler, mais un talent que de nombreuses personnes peuvent développer. Pour tous les autres, je proposerais à la fin du billet quelques idées qui leur permettront de participer plus activement au développement de l’intelligence collective dans leur organisation.

Le manager

Dans l’entreprise traditionnelle, le leader montre la direction et le manager trace la route. Dans l’entreprise actuelle, où l’on développe l’intelligence collective, le leader inspire tandis que le manager responsabilise et autorise. Déléguer prend tout son sens : ce n’est pas uniquement se défausser des tâches fastidieuses, c’est donner carte blanche et se mettre en support de ses équipes. Pas toujours facile, bien sûr, car il faut convaincre ses équipes qu’elles peuvent à la fois prendre des initiatives, apporter des idées nouvelles et sortir de leurs strictes descriptions de poste.

Le leader

Si l’on regarde les leaders des entreprises qui se portent bien, ils ont un point commun : ils encouragent la créativité autour d’eux. On pense à Amazon, dont le CEO, Jeff Bezos a fait de l’expérimentation une partie intégrante de la culture d’entreprise. Il va jusqu’à dire : « Si vous doublez les expériences, vous doublez la créativité. »

Le leader du XXe siècle devait son charisme à sa capacité à répondre à tout, à emmener les suiveurs dans une direction décidée par lui, à convaincre par sa vision claire. On se rappelle de Margaret Thatcher ou de Jack Welch, CEO de GE, tous les deux très autoritaires et dans le contrôle. Ce dernier disait dans une interview de 1989 : « Les bons leaders créent la vision, la mettent en mot, la personnalisent, et travaillent sans relâche à la faire aboutir. »

Celui de ce début de XIe siècle doit sa réussite à son aptitude à faire émerger les bonnes idées. Le leader n’est pas là pour donner les bonnes réponses, mais pour poser les bonnes questions. C’est le cas de Vineet Nayar, CEO d’HCL Technologies. Il écrit dans son livre Employees First, Customers Second : « Le CEO n’est pas celui dont viendront les idées les plus brillantes. Le rôle du CEO est de permettre aux personnes de d’exceller, de les aider à découvrir leur propre sagesse, à s’impliquer entièrement dans leur travail et à accepter la responsabilité du changement. »

Au fur et à mesure que l’intelligence collective se développe, cette position de « révélateur » va devenir encore plus flagrante. Mais attention, en général les leaders sont aussi au sommet de la pyramide, donc ont un bon appétit pour le pouvoir. Or les leaders modernes sont aussi ceux qui sont capables de mettre leur pouvoir au service de leur leadership, et pas l’inverse.

L’expert

Encore un métier qui change. Si l’expert se considère comme le gardien exclusif du savoir, il sclérosera l’entreprise. Dans l’entreprise 2.0, il se considère comme un élève perpétuel, et part du principe que son savoir est relatif et provisoire. Bref, l’expert 2.0 met son savoir au service de la communauté, donc le rend abordable et questionnable.

Le Community Manager

Autre individu pivot de l’entreprise moderne : le Community Manager. Il peut se contenter de faciliter les interactions, bien connaître la communauté et les outils, et encourager les utilisateurs. Mais il peut aussi aller plus loin en participant aux conversations et en étant l’ambassadeur de sa communauté auprès des autres.

Le connecteur

C’est un nouveau rôle ou un nouveau talent à développer pour fluidifier les échanges. Les connecteurs sont des personnes à aptitudes multiples, qui ont fait plusieurs métiers, ont travaillé dans des départements diversifiés et peuvent parler avec différentes parties de l’organisation, parfois servir d’interprète éclairé, souvent de dénicheurs de synergies. Si on regarde par la lorgnette de la technologie, plutôt que des évangélistes qui défendront le 2.0, une entreprise a besoin de connecteurs qui auront les capacités de l’utiliser à fond pour faire avancer les projets.

Le DRH

Peut-être l’un des métiers qui a le plus de leviers pour transformer l’entreprise. Du coup, il a aussi beaucoup de défis à relever. On aimerait ben que le mot Ressources disparaisse de son intitulé, l’humain n’étant pas qu’une matière première… En attendant de lui trouver un meilleur titre, on le verrait bien champion du combat contre la bureaucratie qui s’est développée avec les structures hiérarchiques. De manière plus pragmatique, il devrait repenser la formation pour qu’elle s’appuie plus sur l’intelligence collective, favoriser les carrières non linéaires, aider au développement de la créativité générale en repensant les descriptions de postes et parfois même le temps de travail. Comme Google et 3M, qui incitent leurs employés à utiliser une partie leur temps sur des projets innovants de leur cru ou sur ceux d’autres employés ou groupes.

Et pour tous les autres

D’une manière générale, il y a quelques idées simples que toute personne peut reprendre à son compte :

• Ne pas chercher à simplifier, mais plutôt à enrichir sa compréhension de l’entreprise, du marché, de la société. La curiosité et l’ouverture alimentent l’intelligence, et favorisent les contacts, donc le collectif.

• Repérer et traverser les barrières organisationnelles ou administratives qui limitent la circulation des idées et de l’information, y compris opérationnelle : traquer les processus obsolètes, traditions (« c’est comme ça ») de la culture d’entreprise, la concurrence interne …

• Aborder la technologie 2.0 avec décontraction et bon sens. Comme tout progrès, elle peut être négative, surtout quand on bascule dans l’utilisation excessive ou inappropriée ; mais elle met à portée les personnes qui y participent, qui peuvent aider à décrypter les signaux faibles, comprendre les problèmes, trouver des solutions. Un ami prof me disait il y a trois ans : je ne veux pas instrumentaliser mes contacts. Je lui ai répondu : lorsque tu envoie tes vœux, est-ce que tu instrumentalise tes contacts ? Il y a eu d’autres conversations et maintenant il utilise plusieurs plates-formes pour garder le contact avec ses anciens élèves, faire des recherches collaboratives et partager sur son domaine.

Cécile Demailly

Cécile Demailly

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