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Nutanix : vers un cloud hybride et multiple

Par Laurent Delattre, publié le 30 novembre 2018

Nutanix a profité de sa conférence .NEXT Europe à Londres pour éclaircir sa stratégie et proposer sa vision d’un cloud multiple favorisant la mobilité des applications et des données entre le cloud privé, l’intelligent Edge et les différents clouds publics.

Dans l’esprit de la plupart des DSI et des IT, le nom de Nutanix reste intrinsèquement attaché à l’hyperconvergence. Beaucoup ont encore en tête les appliances qui ont contribué, ces dernières années, à imposer les systèmes hyperconvergés comme des réponses viables et simples à bien des problématiques de modernisation des infrastructures.
Pourtant, depuis plus d’un an, Nutanix est devenu une entreprise « 100% » logicielle. Durant sa conférence « .NEXT Europe » qui s’est tenue cette semaine à Londres, il n’a d’ailleurs guère été question d’hyperconvergence en tant que telle, le mot n’ayant été prononcé qu’une seule fois lors du keynote d’ouverture.
Car Nutanix voit désormais bien au-delà. L’hyperconvergence n’aura été qu’un tremplin. L’avenir se trace dans un monde de clouds interconnectés, privés et publics. Et Nutanix compte bien accompagner les entreprises vers cet avenir. Ces dernières peuvent s’appuyer sur les technologies de base de l’éditeur pour construire une infrastructure flexible puis l’étendre en cloud privé et enfin entreprendre une approche hybride dans laquelle données, applications et même le poste (virtualisé) des utilisateurs acquièrent une totale mobilité au sein d’un système d’information étendu formé par les ressources privées et celles hébergées dans les clouds d’AWS, Azure, GCP et consorts.

Les pièces du puzzle s’assemblent

Pour réaliser cette évolution, Nutanix ne cesse d’ajouter de nouvelles briques à son offre par le biais d’acquisitions (Calm, Beam, Frame, etc.) et de nouveaux développements internes. Si elle a pu sembler anarchique et éclatée, l’offre prend forme petit à petit.
Les briques de base au cœur de ses solutions hyperconvergées d’autrefois (le système AOS, l’administration Prism, et l’hyperviseur AHV) servent de fondation à une infrastructure interne agile et transparente. Une fois ces briques en place, les entreprises sont encouragées à évoluer – à leur rythme – vers un système d’information étendu en poursuivant deux axes simultanés :
* la transformation de l’infrastructure interne en cloud privé grâce aux briques PrismPro (gestion des opérations à large échelle boostée au Machine Learning), Files (consolidation des stockages de fichiers sous forme de NAS distribué), Volumes (pour faciliter l’intégration en permettant aux serveurs historiques de l’infrastructure de percevoir l’infrastructure de stockage Nutanix comme des baies SAN en iSCSI).
* l’adoption d’une approche hybride en évoluant vers DevOps (brique Calm pour l’automatisation et une orchestration centrée sur les applications ainsi que la brique Flow pour la micro-segmentation et la sécurité des applications), les micro-services & containers (brique Karbon, une implémentation de Kubernetes au-dessus d’AOS et administrée via Prism), le stockage objet (Buckets), et la gestion simplifiée du cycle de vie des bases de données (brique Era qui facilite les déploiements et mises à jour d’Oracle, SQL Server, Postgres SQL et Maria DB sur site ou dans les clouds ainsi que la sauvegarde des bases).

Les Xi Cloud Services sont là

Cette approche hybride est à la fois étendue et fluidifiée par un ensemble de services Cloud en mode SaaS (Software as a Service). Ils procurent une vision globale du système d’information et facilitent l’administration et le déplacement des applications et des données entre les clouds du SI étendu. Annoncés lors de la conférence « .NEXT » Américaine en mai dernier, ces services ont été officiellement lancés durant l’événement européen.
Xi Leap est un service de Disaster Recovery (DRaaS) qui s’appuie directement sur AOS (et ne nécessite donc l’installation d’aucun agent) afin d’utiliser le cloud public pour assurer la continuité des activités en cas de défaillance des VMs sur votre infrastructure Nutanix locale. Depuis Prism, les administrateurs désignent en quelques clics les VMs qui doivent être protégées. Ces dernières seront dupliquées et mises à jour en arrière-plan dans le cloud. Elles prendront ainsi quasi instantanément le relai en cas de défaillance interne.
Xi Epoch est un service de surveillance et d’observation des applications multicloud modernes basées sur les micro-services et les APIs qu’ils soient hébergés au sein de VMs ou de containers. Disponibilités des services, dépendances, performances et goulots d’étranglement s’affichent en une vue très graphique.
Xi Beam est sans aucun doute l’une des plus belles pépites de l’offre en ligne de Nutanix. Cet outil de gouvernance « multicloud » permet un contrôle et une optimisation des dépenses. Jusqu’ici limité à AWS et Azure, Xi Beam intègre désormais l’infrastructure Nutanix à ses analyses. Des assistants vous aident à évaluer le coût de chacune des applications et services cloud et suggèrent des optimisations pour réduire les dépenses. Vous savez exactement ce que vous coûte une application que vous la déployiez sur votre infrastructure Nutanix, sur AWS, sur Azure et prochainement sur GCP.
Xi Frame est un service DaaS (Desktop as a Service) pour héberger des postes de travail dans le cloud. L’une de ses particularités est d’orchestrer vos postes virtuels qu’ils soient hébergés sur AWS, Azure ou sur le cloud Nutanix. Un bureau entier peut-être exposé aux utilisateurs ou simplement les applications. L’accès se fait depuis n’importe quel navigateur Web ou l’un des clients Xi Frame proposés pour Windows, Mac, iOS et Android. L’autre particularité de Xi Frame est d’intégrer la gestion des disques Cloud (type Box, Dropbox, OneDrive…) sans avoir besoin d’installer les clients de ces services sur les postes virtualisés.

Nutanix se positionne aussi sur l’Edge

Très illustratifs de la vision à long terme de Nutanix, tous ces services tendent à centrer la gestion de votre infrastructure étendue autour des applications plutôt qu’autour des ressources sous-jacentes.
Mais Nutanix a aussi ajouté un nouveau service à son portefeuille SaaS. Dénommé « Xi IoT », celui-ci marque la première incursion de l’éditeur dans l’univers des objets connectés et du Edge Computing. Ce service comporte un tableau de bord SaaS pour déployer, administrer et orchestrer vos appareils IoT ainsi qu’une plateforme « Xi Edge » directement exécutée sur l’IoT. Cette dernière comporte un système d’exécution de conteneurs (compatible Kubernetes), un moteur d’exécution de fonctions événementielles (dans un pur esprit serverless), un moteur d’inférence TensorFlow ainsi qu’une gestion avancée et automatisée de « data pipelines » acceptant des sources et des destinations de données multicloud. Ces pipelines de données sont définis de façon interactive par « drag and drop » depuis l’interface SaaS pour permettre de lier l’Edge aux Clouds. Les problématiques de cache des données et de rapatriement des informations dans le cloud en fonction de la connectivité sont automatiquement gérées par la plateforme. La solution Nutanix « Xi IoT » a été mise en œuvre par la société de restauration Compass pour animer des bornes de paiement automatisées qui reconnaissent automatiquement le contenu des plateaux présentés par les usagers des restaurants…

Un long chemin à parcourir

2019 sera probablement une année stratégique pour Nutanix. Ses services clouds « Xi » naissants vont devoir trouver davantage de lieux d’hébergement, autres que les trois régions actuellement disponibles (deux US et une à Londres, un choix surprenant à l’heure du Brexit) pour séduire les entreprises françaises.
L’éditeur va aussi devoir s’imposer en s’affichant ouvertement comme un concurrent direct de VMware et en marchant sur les platebandes d’AWS et Microsoft (avec ses nouveaux services clouds comme Xi Frame ou Xi IoT). Des « partenaires d’aujourd’hui » qui risquent désormais de percevoir ce nouvel entrant comme un acteur bien plus agressif et dangereux qu’il ne l’était jusque-là. Ils ne resteront sans doute pas sans réaction…

À court terme, l’un des écueils que devra absolument éviter Nutanix sera de trop se rapprocher de Google. La force de son offre réside dans son approche très multicloud et sa volonté affichée de favoriser la mobilité des données et des applications, non seulement entre les clouds publics et « son » cloud privé mais également entre les clouds publics eux-mêmes. Alors qu’AWS cherche à s’encanailler avec VMware pour trouver une respectabilité dans les datacenters d’entreprise (les dernières annonces autour d’AWS Outpost et VMware Cloud on AWS le démontrent largement), et que Microsoft joue sa convergence Azure Cloud/Azure Stack, la tentation est grande de favoriser des rapprochements entre Google Cloud Platform et Nutanix. Le géant du Web a en effet tout à y gagner pour, lui aussi, trouver une forme de légitimité dans les datacenters d’entreprise. En revanche, la vision de Nutanix perdrait en crédibilité et en cohérence à trop privilégier un rapprochement avec Google (une direction que certaines annonces comme GCP Test Drive – hébergement d’une infrastructure Nutanix dans GCP – peuvent laisser craindre).

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