Gouvernance

“Papa, je veux être DSI”

Par Mathieu Flecher, publié le 24 septembre 2019

“DSI, c’est un métier où tu prends des décisions que peu de gens comprennent dans ton organisation”.

Par Mathieu Flecher (*)

J’aime bien la rentrée ! Les enfants se posent des questions sur leur avenir, et ont toujours des questions que l’on croit stupides au premier abord, mais qui finalement nous font réfléchir sur le fond.
Derrière cet anodin « Papa, je veux être DSI », je me suis du coup posé la question du cursus à suivre et de la valeur de ce poste généralement unique dans une entreprise, plutôt bien placé en termes de salaire, sur un secteur d’activité porteur.
L’explosion de l’ère digitale fait flamber les prix : les plus petits postes de DSI en province avoisinent les 90/100 k€ pour atteindre des sommets à parfois plusieurs centaines de milliers d’euros sur les DSI du CAC 40. Mais où est-elle cette formation qui forme les élites de l’IT ? Autant faire X-Mines vous prédestine très fortement à être PDG dans l’industrie, autant aucune école ne se détache pour être DSI…

Bon, soyons clair, sur une DSI de 100 personnes, il n’y a qu’un patron, ça limite déjà le nombre de postes à pourvoir. Mais vu l’explosion des technologies, chaque entreprise d’une taille respectable a un DSI, ce qui milite pour une vraie formation pour ce job.
Toutefois, DSI est un poste d’expérience – un peu comme tous les postes de direction cela dit -, et il n’y a pas de DSI « jeune ».
Sur le site de l’étudiant, on trouve une phrase qui, à défaut de promouvoir le poste de DSI, le rend encore plus inaccessible et tuerait dans l’œuf une vocation naissante : « Certaines formations peuvent permettre de se lancer dans le métier pour peut-être avoir la chance de devenir DSI d’une grande entreprise en fin de carrière ». On aura compris : c’est « peu » de formations, c’est du conditionnel, voire de l’aléatoire, et en plus il faut de la « chance », et pour couronner le tout c’est « à la fin de ta carrière », mon jeune! Va créer des vocations avec un argumentaire pareil…
Ce que l’on ne dit pas, mais qu’Isabelle Vialettes (DSI d’Eutelsat) résume bien, c’est que DSI c’est un métier de liberté et de créativité. Traduction, c’est un métier où tu prends des décisions que peu de gens comprennent dans ton organisation. Je suis rosse, mais le gros avantage reste la polyvalence des sujets traités. Rare de s’ennuyer dans nos postes… Mais tout ça ne me donne pas le cursus miracle…

La majeure partie des DSI que je connais sont quasiment tous des ingénieurs, de préférence en informatique (ou plus rarement généralistes) qui se sont retrouvés à travailler au sein d’une DSI, avec un ou deux postes managériaux, ceci doublé d’une bonne capacité à comprendre les enjeux métiers et à sortir de son cocon technologique.
Et durant ma carrière, j’ai laissé ma place ou pu former trois « jeunes » espoirs-DSI que j’avais dans mes équipes, qui remplissaient ces critères. Ils ont pris leur poste entre 35 et 40 ans environ et sont tous issus de formation ingénieur (Telecom Bretagne, INSA de Rennes, Polytech Lille). La valeur reste donc une école d’ingénieur assez standard. Ce qui fait la différence c’est l’envie, l’ouverture d’esprit et la capacité à embrasser et comprendre les métiers que l’on sert.

Au-delà des formations post prépa, il existe pour les personnes expérimentées des formations Executive, qui viennent renforcer et confirmer sa capacité à prendre un poste de DSI. La plus prestigieuse, celle d’HEC/Mines, forme des cadres informatiques à la fois sur le renforcement des acquis digitaux, mais aussi sur tous les métiers annexes, ce qui leur permet de monter en maturité, et de prendre potentiellement un poste de DSI. L’Essec et l’Insead proposent aussi ce type de cursus, mais soyons clair, même les professionnels de l’informatique ne savent pas vraiment quelle école faire. Le MBA généraliste est aussi une option fortement recommandée, car au-delà de l’aspect technique on attend du DSI dans son job qu’il ait la « vista » du business, qu’il le comprenne.

D’autres alternatives existent, plus basées sur l’efficacité que sur la reconnaissance académique d’un « diplôme de DSI ». Il s’agit d’AtoutDSI qui propose une formule très originale de coaching d’un nouveau DSI par un DSI plus mature et ayant déjà l’expérience du poste. Par des échanges ponctuels, cela permet à un nouveau DSI d’échanger avec un autre DSI, non partisan, sur les problématiques qu’il rencontre. Pas de diplôme, mais une sorte de montée en puissance et un accompagnement.

Comment ne pas finir ce billet par l’essentiel. La vocation. DSI n’est pas un métier facile et ne suscite pas de franches bousculades. Vos middle managers voient directement les sujets auxquels vous êtes confrontés et ne se sentent pas pousser des ailes pour prendre votre place. Même si le métier évolue, il n’en reste pas moins un métier de support technique avant d’être un véritable levier pour l’entreprise elle-même. Vous pouvez avoir la meilleure démarche digitale, faire de l’IT un levier de disruption de l’activité, si vos serveurs sont en panne, vous aurez l’entreprise sur le dos…
Qui voudrait d’un poste comme cela ? Moi… Et vous…

(*) Mathieu Flecher est le pseudonyme d’un DSI bien réél

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