Tech Show Paris 2025 - Les Datacenters à l'ère de l'IA

Cloud

Tech Show Paris 2025 : L’IA pousse les datacenters à repenser puissance et sobriété

Par Laurent Delattre, publié le 12 novembre 2025

Sous la pression de l’IA, le datacenter européen mute à grande vitesse : plus dense, plus vert, plus proche. L’enjeu n’est plus seulement technologique mais systémique : garantir souveraineté, puissance pilotable et sobriété énergétique. Du SMR au jumeau numérique, de la consommation énergétique à la consommation en eau, quatre invités exceptionnels témoignent au micro d’IT for Business.

Le Tech Show Paris est le grand rendez-vous européen des professionnels du numérique. Son édition 2025 s’est tenue la semaine dernière. Un événement à part dans le paysage IT qui réunit plusieurs milliers de décideurs et d’experts autour de cinq salons complémentaires couvrant le cloud, la cybersécurité, l’IA, le DevOps et les infrastructures.
L’édition 2025 s’est distinguée par une réflexion profonde sur la manière dont l’Europe peut bâtir une technologie souveraine et compétitive sans céder à l’autarcie, en insistant sur l’importance des standards ouverts, de l’interopérabilité et d’une gouvernance crédible. Elle s’est aussi beaucoup interrogée sur la résilience humaine autant que technique, avec des panels sur l’inclusion, la diversité et la capacité des équipes à durer dans un contexte de transformation numérique accélérée.
Enfin bien des débats ont également souligné l’urgence d’une sobriété numérique, notamment face à la consommation énergétique croissante des modèles d’IA, avec des solutions innovantes comme le refroidissement liquide ou la récupération de chaleur pour les data centers.

L’occasion pour IT for Business de rencontrer experts, exposants, partenaires et DSI pour évoquer les enjeux de souveraineté technologique, de durabilité et de gouvernance de l’intelligence artificielle mais aussi abordé l’évolution des datacenters à l’heure des néoclouds et de l’IA. En 2025, cette dernière a remis le datacenter au centre, avec des exigences accrues de souveraineté, de résidence des données et d’interconnexion proches des points de peering.
La contrainte n°1 devient l’énergie : sécuriser des mégawatts décarbonés, prévisibles et disponibles pèse autant que l’efficacité.
Alors, côté ingénierie, place aux baies très denses, au refroidissement liquide, aux modules préfabriqués et aux jumeaux numériques, tandis que l’architecture électrique se simplifie et intègre l’éco-conception.
De quoi tracer de grands chantiers et perspectives IT pour 2026. Les DSI doivent cartographier leurs charges IA, arbitrer « néocloud/colo/edge » avec la souveraineté by design, verrouiller leurs trajectoires énergétiques, industrialiser la densification et la mesure d’impact, rapprocher IT/OT/énergie et renforcer la gouvernance de l’IA.

Et pour évoquer cette transformation des datacenters à l’ère de l’IA, la proximité réseau, la puissance pilotable, la densité maîtrisée et les preuves de durabilité, Thomas Pagbé a reçu différents invités de marque sur le plateau d’IT for Business déplacé au cœur du Tech Show Paris 2025. Des entretiens que nous vous invitons à retrouver ci-dessous.


« L’électricité, c’est un produit qui est périssable »

Entretien avec Nicolas Breyton, fondateur & CEO de Stellaria

Stellaria est une jeune pousse co-incubée par Schneider Electric et le CEA qui conçoit des petits réacteurs nucléaires (SMR) à cœur liquide pour fournir une électricité pilotable, sûre et locale aux data centers d’IA. Objectif annoncé prototype au début des années trente puis déploiement commercial vers 2035 avec des unités d’environ 250 MW et des PPA qui stabilisent le coût sur la durée. Au micro de Thomas Pagbé, son fondateur Nicolas Breyton, martèle l’urgence énergétique créée par l’IA et la nécessité d’une puissance continue et immédiatement ajustable. Il rappelle que « l’électricité est un produit périssable » et que, pour des centres toujours plus denses et refroidis au liquide, seule une production pilotable garantit disponibilité et coûts maîtrisés. Stellaria promet des SMR installables au plus près des sites, avec une sûreté intrinsèque annoncée environ cinquante fois supérieure aux normes en vigueur et sans zone d’exclusion, afin d’accélérer les déploiements.

La démarche se veut aussi climatique avec une décarbonation quasi totale sur des réseaux encore carbonés, tout en répondant au manque de capacité en France par une approche en amont de la chaîne électrique. « À un moment, il faut switcher la machine » résume le dirigeant pour signifier le passage d’optimisations incrémentales à un changement de source d’énergie.

« Les jumeaux numériques viennent jouer un rôle assez important »

Entretien avec Alison Matte, head of Sustainability, DCIM, Schneider Electric

On ne présente plus ce géant du numérique et de l’équipement des datacenters qu’est Schneider Electric. Alison Matte, Head of Sustainability chez Schneider Electric, décrit au micro de Thomas PAgbé un virage accéléré vers des data centers plus compacts, à racks denses, où le refroidissement évolue avec le liquid cooling et le direct-to-chip pour absorber la montée en puissance. L’industrialisation des déploiements s’appuie sur des modules préfabriqués pour aller plus vite et standardiser les architectures, car la demande explose. « La partie soft devient de plus en plus importante » avec les jumeaux numériques, qui permettent de modéliser, planifier et rétrofiter avant même de construire, réduisant les risques et optimisant l’exploitation.

Côté énergie, l’accompagnement commence par le choix d’implantations favorisant une électricité plus propre, se prolonge par des logiciels d’optimisation et se concrétise par des équipements sobres et suivis dans la durée. « On va retrouver beaucoup plus de modules préfabriqués », résume-t-elle, pour des data centers AI-ready performants, efficaces et durables.

« On peut faire des économies sur la structure, sur l’architecture électrique du datacenter »

Entretien avec Fabien Laleuf, DG d’ABB France

ABB France se positionne comme un pilier de l’automatisation et de l’électrification des datacenters, depuis le raccordement au réseau jusqu’aux baies. L’ambition reste constante, offrir des équipements plus performants et plus durables pour réduire l’empreinte carbone des sites. « Notre volonté c’est de mettre à disposition de nos clients des équipements toujours plus performants, plus durables » rappelle Fabien Laleuf, son CEO.

La force d’ABB tient à sa capacité d’adaptation aux besoins de l’hyperscale, de la colocation et du edge, grâce à des briques technologiques modulaires mises en œuvre par des bureaux d’études spécialisés chez les exploitants finaux. « On est capable de s’adapter à peu près à toutes les situations » souligne notre invité.
Face à la poussée de la consommation électrique liée à l’IA, la réponse passe par la simplification des schémas électriques et la réduction des étages de conversion grâce à des onduleurs en moyenne tension, ce qui abaisse la consommation dès la conception. ABB complète l’approche par un référentiel interne écosolution qui impose éco-conception, circularité et réparabilité afin de contenir l’impact carbone même lorsque la demande énergétique progresse.

« On consomme moins qu’un foyer français sur un datacenter entier en eau »

Entretien avec Sami Slim, CEO de Telehouse

Pionnier des data centers depuis les années quatre-vingt, Telehouse s’est imposé parmi les leaders mondiaux et opère désormais dans soixante-quatre villes. À Paris, l’opérateur concentre le plus grand nombre d’interconnexions et revendique une part décisive du trafic Internet français, signe d’un rôle devenu central dans l’économie des données.

Avec Thomas Pagbé, son CEO Samy Slim évoque les défis actuels et comment il positionne aujourd’hui Telehouse sur le fine-tuning et l’inférence, au plus près des données et des nerfs de la connectivité, afin d’optimiser performances et maîtrise des risques. L’approche se veut ouverte aux modèles, des géants propriétaires aux alternatives ouvertes récentes, avec une préférence nette pour des déploiements proches des usages métiers et ancrés en France. « Telehouse, ce n’est pas une maison ni chinoise ni américaine » souligne le dirigeant, qui met en avant une emprise juridique française pensée pour écarter l’extraterritorialité et rassurer banques et grands comptes.

Côté durabilité, l’explosion des usages a été contenue par des gains d’efficacité remarquables, du refroidissement liquide aux boucles d’eau glacée fermées, limitant énergie, eau et CO₂. « On consomme moins qu’un foyer français sur un datacenter entier en eau » affirme Samy Slim, illustrant une trajectoire de croissance qui se veut soutenable et responsable.


À LIRE AUSSI :

À LIRE AUSSI :

Dans l'actualité

Verified by MonsterInsights