Réseaux quantiques et cybersécurité s’invitent au cœur de Paris. Orange et Toshiba lancent « Quantum Defender », la première offre commerciale en France alliant cryptographie post-quantique et distribution quantique de clés, posant ainsi les bases d’une nouvelle génération de réseaux ultra-sécurisés pour les entreprises à l’ère de l’informatique quantique.

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Réseaux quantiques : Orange et Toshiba inaugurent la cybersécurité du futur à Paris

Par Laurent Delattre, publié le 13 juin 2025

Les réseaux quantiques seront la colonne vertébrale de l’informatique quantique de demain. Une colonne vertébrale qui devra exister avant et pour que les entreprises puissent s’emparer de cette révolution à des fins utiles. Orange et Toshiba en ont conscience et lancent à Paris le premier service commercial qui conjugue cybersécurité et innovation quantiques : « Orange Quantum Defender ». Parce que la protection des données critiques à l’ère quantique se construit dès à présent.

Jusqu’ici, l’Internet reposait sur des bits classiques (des 0 et des 1) acheminés par fibre ou onde radio. Les réseaux quantiques, eux, transportent et exploitent les qubits : des particules de lumière intriquées dont l’état, impossible à cloner, change dès qu’un tiers tente de les intercepter. Au-delà du simple transport, ces réseaux ouvriront, un jour, sans doute, la voie à un « quantum-internet », où ordinateurs quantiques, capteurs ultrasensibles et horloges atomiques dialogueront à grande distance.

L’écosystème européen fourmille de jeunes pousses deeptech qui transforment le rêve d’un internet quantique en projets industriels. En France, Welinq stocke et achemine des qubits. À Bristol, KETS miniaturise la distribution de clés quantiques sur puce. À Cambridge, Nu Quantum orchestre l’intrication. À Delft, QphoX conçoit de véritables « modems quantiques » pour permettre une interconnexion quantique par fibre optique.  Ce ne sont là que quelques exemples tirés du programme EuroQCI qui vise à mailler les 27 États membres d’une dorsale quantique sécurisée d’ici 2030.

Mais l’enjeu le plus immédiat est le chiffrement post-quantique, la « quantum-safe » cryptographie : la distribution quantique de clés (QKD) permet de produire des clés symétriques incomparablement sûres et suffisamment solide pour résister aux capacités de calcul quasi-infinies des futurs ordinateurs quantiques. Il y a urgence comme l’a rappelé la roadmap d’IBM publiée cette semaine. Le constructeur prédit disposer d’un premier ordinateur quantique FTQC dès 2029, et reste convaincu de pouvoir exploiter l’avantage quantique sur des applications d’entreprise dès l’an prochain.

Orange Quantum Defender : première offre commerciale en France

Cette semaine, Orange et Toshiba ont officialisé la première offre commerciale de cybersécurité quantique, Orange Quantum Defender, qui s’appuie sur le réseau fibre parisien d’Orange pour combiner distribution quantique de clés (QKD) et cryptographie post-quantique (PQC). Son offre connecte déjà plusieurs sites d’un grand groupe financier via le réseau fibre parisien d’Orange.

Cela fait maintenant 5 ans que les équipes R&D d’Orange explorent la QKD dans les laboratoires du groupe et sur des boucles métropolitaines de test. Ces travaux ont amené l’opérateur à éprouver la cohabitation de canaux quantiques et de trafic « classique » sur les mêmes fibres sans perte de performance, antichambre d’un déploiement réel.

Toshiba s’est lancé dans la sécurité quantique dès 1999. Ses équipes de Cambridge ont multiplié les premières mondiales : réseau métropolitain quantique sécurisé, multiplexage QKD à très haut débit, intégration de cryptographie post-quantique (PQC) et QKD dans une même pile.

Cette complémentarité, infrastructure vs. composants et protocoles, explique leur alliance stratégique.

Une offre pour préparer aujourd’hui la nécessité de demain

Le service assure un tunnel de données chiffré de bout en bout entre plusieurs sites clients ; la clé symétrique est régénérée en continu par QKD et encapsulée dans des algorithmes PQC pour les couches applicatives. Orange Cyberdefense supervise le tout depuis son SOC afin de détecter toute anomalie de réseau ou de clé.

« Nous sommes ravis de lancer Orange Quantum Defender, une première en France », déclare Aliette Mousnier-Lompré, CEO d’Orange Business. « C’est une avancée majeure dans notre stratégie de réseau sécurisé quantique multicouche, qui vise à aider nos entreprises clientes face aux menaces croissantes et évolutives de sécurité posées par l’informatique quantique… Nous ne protégeons pas seulement les données sensibles aujourd’hui, nous nous engageons à accompagner dès aujourd’hui nos clients vers un avenir sécurisé et résilient »

« L’ère quantique n’est plus un concept marginal, et les grandes organisations sont en première ligne face aux dangers que représentent les ordinateurs quantiques  » insiste de son côté Hiroshi Tsukino, vice-président de Toshiba Corporation.

Selon les deux partenaires, l’offre s’intègre sur un lien fibre existant sans travaux lourds et peut évoluer vers un futur internet quantique européen. Cette avancée s’inscrit par ailleurs dans la stratégie quantique nationale française, qui vise à sécuriser communications et infrastructures critiques bien avant l’ordinateur quantique à grande échelle.

Les premières mises en service devraient rapidement dépasser le périmètre parisien pour couvrir d’autres métropoles françaises puis européennes. En parallèle, Toshiba planche sur des répéteurs quantiques qui allongeraient la portée de la QKD à plusieurs centaines de kilomètres sans relais physiques, tandis qu’Orange étudie la fédération de réseaux quantiques inter-opérateurs. Les applications visées vont de la finance à la santé, en passant par la défense et l’IoT industriel.

L’initiative arrive alors que les agences nationales, à commencer par l’ANSSI française et le NCSC britannique, exhortent les opérateurs vitaux à migrer le plus rapidement possible vers des solutions post-quantiques. Après tout, IBM annonce 2033 comme date de déploiement à grande échelle de machines quantiques FTQC.

Même si d’autres acteurs testent la QKD (BT, Deutsche Telekom, Telefonica) et ont annoncé différents projets pilotes, Orange est, à notre connaissance, le premier grand opérateur européen à facturer un service managé « clé en main » reposant sur une infrastructure existante, réduisant drastiquement le coût d’entrée, pour les secteurs les plus critiques. Son offre Quantum Defender apporte dès maintenant une réponse opérationnelle au risque « store now, decrypt later ». Elle rappelle que l’informatique quantique se concrétisera d’abord sur une couche réseau hybride et préfigure un internet quantique avec une sécurité quantique native. Bref, une initiative à suivre de près…



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