Les agents IA pratiquent l'obéissance optionnelle et ne respectent pas les instructions des fichiers "robots.txt" qui leur sont destinés.

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Quand « robots.txt » ne suffit plus : les limites de l’application des politiques IA

Par La rédaction, publié le 11 novembre 2025

À mesure que les agents IA s’imposent dans tous les domaines, leurs mécanismes d’obéissance aux règles du web et de sécurité révèlent leurs limites. Entre le respect incertain des instructions « robots.txt » et la vulnérabilité face aux prompt injections, ces systèmes exposent les failles d’une autonomie encore mal maîtrisée.


Par Jérôme Segura, VP Threat Research, DataDome


Les agents d’intelligence artificielle s’imposent désormais partout. Ils assistent, rédigent, résument, décident parfois à notre place. Mais à mesure qu’ils gagnent en puissance et en autonomie, leurs zones d’ombre apparaissent. Derrière la promesse d’efficacité se cachent des comportements incohérents, parfois même contradictoires.

Deux points en particulier illustrent cette fragilité : la manière dont ces systèmes respectent (ou non) les fichiers robots.txt, un ensemble de directives indiquant aux robots d’exploration la conduite à adopter, et la facilité avec laquelle un utilisateur peut contourner leurs règles internes.

Robots.txt : quand les agents IA se contredisent

Le fichier robots.txt, rappelons-le, est une règle de courtoisie universelle : il indique aux crawlers ce qu’ils peuvent explorer ou non. En théorie, un agent IA devrait en tenir compte. Dans les faits, ce n’est pas si simple. Des tests réalisés avec ChatGPT ont montré des réponses différentes à une même question sur ce sujet. Une fois, l’agent affirme respecter robots.txt. Une autre fois, il dit l’inverse.

Lequel dit vrai ? Et surtout, comment faire confiance à un système qui n’est pas cohérent avec lui-même ? Pour les propriétaires de sites, c’est un vrai problème : impossible de savoir si leurs consignes seront suivies, au risque d’une collecte non souhaitée ou d’une charge inutile. Pour les utilisateurs, c’est un signe d’instabilité : l’IA peut se tromper jusque dans la description de son propre fonctionnement.

Ce flou s’explique par la nature même des grands modèles de langage. Ils ne raisonnent pas au sens strict : ils génèrent des réponses en fonction de probabilités apprises, sans logique déterministe. Résultat : une même question peut produire deux vérités différentes.

Des garde-fous détournables : les infiltrations de requête

L’autre talon d’Achille des agents IA, c’est la possibilité de contourner leurs garde-fous. Ces systèmes sont censés refuser l’accès à certaines données sensibles ou à des fichiers protégés. Pourtant, il suffit parfois d’un enchaînement de questions bien choisies pour les faire dérailler.

Prenons un exemple simple. L’IA déclare : « Je ne peux pas accéder à des mots de passe ou à des fichiers privés. » Jusque-là, tout va bien. L’utilisateur demande alors le contenu d’un fichier anodin, disons random.txt. L’agent obéit. Puis il enchaîne avec password.txt. Et dans certains cas, l’IA affiche le contenu, oubliant sa propre règle.

Cette faille, connue sous le nom de prompt injection ou attaque de rôle, montre à quel point les politiques de sécurité internes restent fragiles. Dans un échange à plusieurs tours, l’agent perd le fil, réinterprète ses règles et finit par contourner ses propres limites.

Une vulnérabilité préoccupante, surtout à mesure que ces systèmes accèdent à des données plus sensibles ou à des fonctions plus larges.

Ce que cela signifie pour l’avenir de l’IA ?

Ces exemples ne remettent pas en cause l’utilité de ces technologies, mais ils rappellent un fait essentiel : l’IA actuelle n’est pas aussi fiable qu’on le croit. Elle doit encore progresser pour devenir prévisible, cohérente et responsable. Cela suppose d’améliorer la constance des réponses, de renforcer l’application des règles à chaque étape du dialogue, de stabiliser la mémoire contextuelle et d’être plus transparent sur les limites du système.

La promesse des agents IA reste immense, mais la responsabilité des concepteurs l’est tout autant. Pour inspirer confiance, il faudra résoudre ces incohérences avant de déléguer davantage de décisions à des modèles encore sujets à l’erreur. En attendant, mieux vaut garder une forme de prudence. Même les IA les plus avancées peuvent se contredire, oublier ou contourner leurs propres garde-fous.

Repenser le contrôle du trafic IA

Les tests menés montrent que certains agents ne respectent pas toujours les directives de robots.txt. Parfois ils ignorent simplement le fichier. D’autres fois, ils demandent à l’utilisateur l’autorisation de l’enfreindre. Et il leur arrive aussi de se contredire d’un échange à l’autre.

Rien d’étonnant : robots.txt n’a jamais été conçu comme un outil de sécurité. C’est un protocole d’usage, pas une barrière. Pour gérer les risques liés au trafic automatisé des agents IA, il faudra aller plus loin : surveiller, encadrer, rendre les interactions plus transparentes et surtout plus prévisibles.

L’un des défis majeurs aujourd’hui réside dans l’ambiguïté même du concept d’agent d’IA. Certains opèrent comme de véritables crawlers, explorant le web pour indexer ou collecter des données, tandis que d’autres agissent comme des intermédiaires entre l’utilisateur et les sites qu’il consulte. Ces derniers estiment souvent que certaines règles du web ne les concernent pas, brouillant encore un peu plus les frontières. Le problème, c’est que tous ne respectent pas le même cadre, ni les mêmes intentions. Pour les administrateurs de sites, il devient alors difficile de savoir ce qui se cache réellement derrière chaque requête. D’où la nécessité d’une visibilité fine et d’outils capables d’analyser, en temps réel, la nature exacte du trafic afin de permettre des décisions éclairées et une protection adaptée.

L’enjeu dépasse la simple technique. Il touche à la gouvernance des systèmes intelligents. Entre innovation et responsabilité, c’est maintenant que se joue la capacité de nos IA à rester sous contrôle et à demeurer dignes de confiance.



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