

Gouvernance
Centres de services IT : vers un modèle de coproduction IT au service de la performance métier
Par La rédaction, publié le 23 juillet 2025
L’évolution des centres de services IT répond à la nécessité d’industrialiser, de mutualiser et d’harmoniser les processus dans un contexte de transformation digitale accélérée et de raréfaction des compétences. Seule une coproduction maîtrisée, intégrant proximité culturelle et pilotage partagé, permet de concilier flexibilité, contrôle et performance opérationnelle.
De Ghali Moussaoui, Directeur Solutions Applicatives, Intelcia IT Solutions
Alors que 56 % des DSI rencontrent des difficultés de recrutement et de rétention pour disposer des bonnes compétences IT (source Enquête Cegos 2024), le modèle des centres de services IT revient sur le devant de la scène. Mais pour être efficace, il doit sortir du modèle low-cost et devenir un levier organisationnel structurant.
Les DSI sont confrontées à un paradoxe : elles doivent faire plus avec moins, tout en garantissant la continuité opérationnelle et la sécurité. Dans ce contexte, le recours à un centre de services IT devient un levier d’industrialisation, mais aussi de standardisation des pratiques. Il permet en outre de rationaliser la relation avec les fournisseurs, homogénéiser les processus de delivery, et mutualiser les ressources sur plusieurs périmètres applicatifs ou métiers.
L’objectif n’est pas simplement de déléguer pour réduire les coûts, mais de construire un modèle réplicable, évolutif, et résilient.
Contribuer à la qualité de service
Face à la raréfaction des talents IT (56 % des DSI rencontrent des difficultés de recrutement et de rétention pour disposer des bonnes ressources IT), à la pression croissante sur les coûts et à la nécessité d’accélérer la transformation digitale, de nombreuses entreprises choisissent d’externaliser tout ou partie de leurs activités IT.
Ce choix répond à plusieurs objectifs : accéder rapidement à des compétences pointues, lisser les charges opérationnelles, améliorer la couverture des plages horaires critiques, ou encore renforcer la résilience face aux aléas internes. Mais au-delà des économies immédiates, les DSI attendent des centres de services une contribution tangible à la performance globale du SI et à la qualité de service rendue aux métiers.
Bien orchestrer la mise mise en oeuvre
Le recours à un centre de services repose sur une mécanique projet exigeante. Les premières semaines de mise en œuvre conditionnent la réussite de cette collaboration. Trois phases sont structurantes :
1 – La phase de cadrage, trop souvent sous-estimée, doit définir le périmètre exact des activités transférées, d’identifier les flux critiques, et d’embarquer les parties prenantes internes (métier, technique, pilotage). C’est là que se joue l’adhésion opérationnelle. Sans elle, une résistance passive peut gripper le projet.
2 – La phase de transition, souvent répartie sur trois à cinq mois, est celle qui demande la plus grande attention. Elle suppose un transfert progressif de connaissances (via un modèle en trois temps : observation, accompagnement, puis autonomie), avec une mesure continue des écarts de compétences (matrice de montée en compétences, KPI de traitement, taux de réussite des tickets, etc.). À ce stade, tout écart non adressé peut compromettre la qualité du service.
3 – Le passage en mode RUN, qui marque la stabilisation de l’activité, ne doit pas être vu comme une fin. Il ouvre une nouvelle étape, celle de l’amélioration continue, avec des chantiers sur l’automatisation, la rationalisation des workflows, voire la montée en valeur (prise en charge de la conception ou du pilotage technique).
Certaines erreurs classiques, bien connues, sont à éviter : précipiter la bascule, négliger la conduite du changement, ou sous-estimer l’effort de gouvernance. À l’inverse, les projets structurés affichent des résultats concrets : un client dans le secteur du voyage a pu constater, au bout de 6 mois, un gain de productivité de 15 %. Pour un autre dans le secteur des Télécoms, une division par 10 du backlog de tickets incidents, ou encore 40 % d’économies sur les coûts d’exploitation pour une qualité de service équivalente.
Où déployer un centre de services en 2025 ?
Les choix de la localisation ne sont plus dictés uniquement par les coûts. Ceci reviendrait à retomber dans les travers bien connus. Ils doivent prendre en compte la proximité linguistique, la maturité technique, le cadre légal, et surtout la compatibilité culturelle.
Aujourd’hui, deux grandes approches coexistent :
>> L’offshore (lointain), historiquement en Inde ou en Asie du Sud-Est, reste pertinent pour les tâches très industrialisées et faiblement évolutives. Mais il suppose une très forte maturité du client dans la gestion à distance, avec peu d’interactions quotidiennes.
>> Le nearshore, notamment en Afrique du Nord (Maroc, Tunisie), connaît une montée en puissance. Ces destinations offrent un équilibre entre coûts maîtrisés et qualité relationnelle. Le même fuseau horaire, la langue partagée, une forte proximité académique avec les cursus européens, et la présence historique de nombreux profils dans les DSI françaises, facilitent l’inclusion de ces centres dans les cycles projet, y compris sur des sujets à forte valeur (développement, innovation, architecture, pilotage).
La capacité à créer des équipes “miroirs”, autonomes mais intégrées, constitue un avantage stratégique décisif pour les entreprises, qui cherchent à allier flexibilité, contrôle et montée en compétence progressive.
Dans un écosystème IT marqué par l’instabilité des effectifs, l’empilement des outils et la pression sur la continuité de service, le centre de services IT moderne ne peut plus se contenter d’être un prestataire lointain et à bas coût. Il doit devenir un partenaire opérationnel, inscrit dans les cycles de vie métiers, piloté par des indicateurs partagés, et apte à évoluer au rythme des priorités de l’entreprise. C’est à ce prix – celui de la rigueur organisationnelle, de la clarté des rôles et d’un véritable engagement qualité – que ce modèle délivre ses promesses. Ceux qui l’ont compris ne parlent plus d’externalisation, mais de coproduction IT distribuée ou d’extension DSI client. Et c’est sans doute là que se joue l’avenir des directions informatiques réellement performantes.