Gouvernance

César Cernuda (NetApp) : « La réglementation doit nous pousser à innover davantage »

Par Thierry Derouet, publié le 04 septembre 2025

À l’occasion d’une rencontre dans le cadre feutré d’un hôtel parisien, César Cernuda, Président de NetApp, a accepté de revenir sur la responsabilité particulière de son entreprise : accompagner les CIO dans l’ère de l’intelligence artificielle et des réglementations européennes. Entre IA durable, souveraineté et conformité, il défend une vision où la responsabilité devient un levier stratégique d’innovation.

“Construire un meilleur monde » : la formule sonne grandiloquente, sauf qu’il l’adosse à des choix concrets — 70 % d’énergie en moins chez certains clients, traçabilité native, gouvernance unifiée.

Président de NetApp, César Cernuda assume une vision simple : apporter l’IA aux données, pas l’inverse, et faire de la règle un accélérateur. Installé confortablement dans un salon d’un hôtel du 8ᵉ arrondissement, il prend le temps de poser le décor. « Nous vivons ce que beaucoup appellent la quatrième révolution industrielle, celle de la transformation numérique. Et au cœur de cette transformation se trouvent les données. »

Depuis près de 30 ans, NetApp est implanté en France pour accompagner les entreprises dans la gestion de leur actif le plus précieux. « Historiquement, nous avons aidé les organisations à stocker leurs données. Aujourd’hui, nous leur apportons une infrastructure intelligente, capable d’absorber l’IA et de soutenir leurs opérations », résume-t-il.

Le dirigeant insiste sur la continuité : « Le cloud a été la première étape de ce voyage. Mais le cloud n’était pas une fin en soi. C’était un moyen d’aller plus vite et de réduire les coûts. Aujourd’hui, l’IA représente une nouvelle étape de cette transformation. Elle n’est pas fondamentalement différente : c’est toujours une question de données, mais à une échelle inédite. Notre rôle est d’accompagner cette transition comme nous l’avons fait pour le cloud. »

César Cernuda (NetApp) « Beaucoup d’entreprises veulent embrasser l’IA en lançant des projets massifs qui finissent par échouer. Mon conseil est clair : commencez par vos données. Modernisez vos pipelines, nettoyez-les, structurez-les. Apportez l’IA aux données, pas l’inverse. C’est la seule façon de transformer l’essai et de générer de la valeur rapidement. »
César Cernuda (NetApp) « Beaucoup d’entreprises veulent embrasser l’IA en lançant des projets massifs qui finissent par échouer. Mon conseil est clair : commencez par vos données. Modernisez vos pipelines, nettoyez-les, structurez-les. Apportez l’IA aux données, pas l’inverse. C’est la seule façon de transformer l’essai et de générer de la valeur rapidement. »

Être numéro un du marché en France et sur plusieurs marchés européens ne va pas sans responsabilités. « La plupart de nos clients réfléchissent à la façon dont ils vont adopter l’IA — et ils veulent le faire de manière responsable, en intégrant durabilité, intégrité, confidentialité et sécurité des données. »

Vers une IA durable et sobre

Pour NetApp, la durabilité est devenue un axe majeur d’innovation. « La croissance exponentielle des données exige de nouvelles approches. Nous avons conçu nos technologies pour être à la fois plus performantes et plus sobres en ressources, qu’il s’agisse d’énergie ou même d’eau », insiste César Cernuda.

La promesse se mesure en chiffres : « Certains clients ayant migré vers nos nouvelles solutions ont réduit leur consommation énergétique de 70 %. » Une performance qui s’inscrit dans la trajectoire climatique 2050 et qui illustre un principe cher à NetApp : faire plus avec moins.

L’entreprise a structuré une division ESG dédiée, qui agit sur deux fronts. « Nous intégrons ces objectifs dans notre R&D pour aider nos clients à atteindre leurs propres engagements, et nous réduisons nous-mêmes nos émissions, de 50 % sur nos scopes 1 et 2 d’ici 2030, sans oublier le scope 3. »

La durabilité, martèle-t-il, est devenue « un différenciateur majeur » dans un marché où performance et sobriété sont désormais indissociables.

BlueXP, cockpit d’une conformité européenne

L’IA Act, mais aussi le RGPD, DORA ou NIS2, redéfinissent le quotidien des DSI. Pour César Cernuda, ce cadre réglementaire est une chance : « NetApp est présent dans plus de 100 pays. Mais notre force, c’est d’allier cette dimension mondiale avec un ancrage local très fort. Rien qu’en France, nous avons plus de 200 collaborateurs, 200 partenaires et 30 ans d’histoire. Cette combinaison global/local est essentielle : elle nous permet de suivre le rythme des innovations mondiales tout en respectant les règles et besoins propres à chaque marché. »

La démonstration passe par la plateforme BlueXP, véritable cockpit de gouvernance : « Elle permet de suivre à la fois l’empreinte carbone et la traçabilité des données. Elle garantit que les données sont stockées conformément au RGPD, accessibles par les bonnes personnes et prêtes à être utilisées dans des modèles d’IA sûrs et protégés. »

Mais la force de NetApp tient aussi à son positionnement unique vis-à-vis des géants du cloud. « Nous sommes la seule entreprise dont la technologie est intégrée de manière native chez Microsoft, Google, AWS ou Oracle. Cela signifie qu’ils revendent notre technologie pour protéger les workloads de leurs clients. »

Résultat : quel que soit l’environnement — on-premise, cloud souverain ou hyperscaler —, les entreprises peuvent garder la main sur leurs données grâce à un tableau de bord unifié qui matérialise la promesse de gouvernance continue.

Des cas clients comme preuves de force

NetApp revendique une implantation profonde dans l’économie française : « 90 % du CAC 40 travaille avec nous, ainsi que 12 ministères sur 13, et la quasi-totalité des grandes banques. Or, dans ces environnements, la réglementation n’est pas une option. »

Il cite aussi un exemple hors secteur financier, celui de l’Ifremer : « Ils collectent des téraoctets de données marines et climatiques. Avec NetApp, ils disposent de la performance et de la sécurité nécessaires pour créer des jumeaux numériques de l’océan, anticiper le changement climatique et les migrations de poissons. C’est un cas exemplaire d’IA responsable au service du bien commun. »

Et de rappeler que cette exigence de conformité n’est pas nouvelle : « La réglementation ne fait souvent que formaliser des pratiques que nous appliquons déjà. Depuis des années, nos technologies sont utilisées par des environnements où l’exigence est maximale : la défense, le renseignement, ou encore les secteurs financiers. Quand DORA ou NIS2 arrivent, nous n’avons pas besoin de réinventer la roue : nous sommes déjà au niveau attendu. »

De la contrainte au levier stratégique

La conformité est souvent perçue comme un surcoût. César Cernuda nuance : « Réduire de 70 % la consommation énergétique permet aussi de réduire les coûts. Nous avons investi dans des technologies qui maximisent la capacité tout en minimisant l’espace nécessaire dans les data centers. »

Avec ses nouvelles gammes Flash, haute performance comme haute capacité, NetApp veut prouver que la réglementation peut rimer avec compétitivité. « Notre engagement, c’est d’aider les clients à faire plus avec moins. »

Il insiste aussi sur la démarche : « Beaucoup d’entreprises veulent embrasser l’IA en lançant des projets massifs qui finissent par échouer. Mon conseil est clair : commencez par vos données. Modernisez vos pipelines, nettoyez-les, structurez-les. Apportez l’IA aux données, pas l’inverse. C’est la seule façon de transformer l’essai et de générer de la valeur rapidement. »

Pour lui, la réglementation n’est pas une limite, mais un catalyseur. « La vérité, c’est que les règles ne devraient pas limiter l’innovation. Elles devraient nous pousser à innover davantage. »

Et d’ajouter l’enjeu central pour les CIO : « Exploiter non seulement les 30 % de données structurées qu’ils utilisent déjà, mais aussi les 70 % de données non exploitées. C’est là que se trouvent de nouvelles sources de valeur et de compétitivité. »

Un métier guidé par le (bon) sens

Quand on l’interroge sur ce qui fait l’intérêt de son rôle de président, César Cernuda répond sans hésiter : « Je crois à l’impact de ce que nous faisons chaque jour. En aidant les entreprises à construire leur intelligence et leur infrastructure, nous construisons un meilleur monde. »

Mais l’inspiration ne fait pas oublier le concret. Dans l’après-midi, le dirigeant enchaîne les rendez-vous avec des clients du CAC 40, des ministères et des hôpitaux. « Quand vous traitez des données bancaires ou médicales, la responsabilité n’est pas théorique. C’est une obligation absolue », insiste-t-il.

Entre vision globale et exigences locales, son rôle est clair : démontrer que la plateforme NetApp peut rendre compatibles innovation, conformité et compétitivité.


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