Gouvernance
La longue marche de la transition numérique des collectivités territoriales
Par Patricia Dreidemy, publié le 17 novembre 2025
Fruit d’une enquête inédite menée auprès de 3 000 acteurs locaux, le premier Baromètre de la transformation numérique des collectivités dresse un constat en demi-teinte : si la dématérialisation progresse, la cybersécurité et la gouvernance restent encore à la traîne.
« Ce baromètre est le fruit de plus d’un an de travail avec l’association Déclic et de nombreuses associations de collectivités partenaires« , explique Maria Cotora, directrice du Programme TNT (Transformation Numérique des Territoires) à la DINUM.
« Ces associations, à l’origine de l’initiative, souhaitaient disposer d’une vision globale et territorialisée de la transformation numérique, afin de mieux comprendre les leviers à actionner pour accompagner les territoires dans leur transition. Du côté de l’État, le besoin était également manifeste car nombre de ses services adressent les collectivités. »
L’enquête, diffusée en plusieurs vagues par voie électronique entre novembre 2023 et mai 2025, explore neuf thématiques dont la cybersécurité, la dématérialisation et la gouvernance de la stratégie numérique. Plus de 3 000 réponses ont été recueillies auprès d’agents territoriaux (DGS, DSI, agents chargés du numérique…) et d’élus locaux (maires, adjoints au numérique…) dans des collectivités de toutes tailles, avec une forte représentation des petites et moyennes structures.
Des écarts selon la taille des collectivités
D’après l’étude, près de la moitié des répondants travaillent dans un territoire disposant d’une structure de mutualisation numérique. « Il existe évidemment des disparités entre petites, moyennes et grandes collectivités, notamment sur la cyber. Plus la collectivité est importante, plus la fonction de RSSI est présente », souligne Maria Cotora.
Ce qui fait que seuls 26,7 % des répondants bénéficient d’un RSSI interne ou mutualisé.
Le Baromètre révèle au passage que 8 % des collectivités ont déjà été confrontées à un incident cyber, tandis que 78 % d’entre elles disposent de protections contre ces risques.
Sur d’autres sujets, ces écarts liés à la taille s’amenuisent. « Par exemple, l’existence d’un plan de continuité d’activité ou de reprise d’activité relève davantage d’une question de compréhension. De quoi s’agit-il, à quoi va-t-il servir ? Pourquoi y intégrer les sujets cyber ? Certaines collectivités n’ont peut-être pas pris la mesure du caractère paralysant que pouvait avoir une crise cyber et de la nécessité, au même titre que pour une catastrophe environnementale, d’en anticiper les effets pour préserver la continuité des services essentiels. »
Mais au final, les plans de continuité ou de reprise d’activité sont encore rares (16 % et 18 %).
La dématérialisation progresse, notamment dans la relation avec les usagers et les démarches règlementaires, mais les services destinés aux agents sont encore à la traîne : par exemple, les bulletins de paie restent sous forme papier dans 78 % des cas.
« Comme dans d’autres secteurs, les collectivités ont plutôt accéléré sur la relation usagers sous l’effet d’une pression politique ou réglementaire. Les agents sont un peu les parents pauvres de cette transformation », note Maria Cotora.
Dans le registre de la mutualisation par ailleurs, l’étude pointe également le faible recours à l’open data (26 %). « La France se classe pourtant quatrième à l’échelle mondiale sur le sujet. Mais les petites collectivités manquent de moyens techniques et humains pour ce faire ».
Gouvernance : des stratégies numériques encore peu formalisées
Enfin, on note que moins d’une collectivité sur deux dispose d’un élu référent au numérique et que plus des trois quarts n’ont pas encore formalisé de feuille de route dédiée, cependant courante dans celles de plus de 30 000 habitants.
« Plus la collectivité est grande, plus il y a un élu au numérique pour porter la stratégie, mais le pilotage opérationnel demeure en général assuré par le DSI. » Maria Cotora place pourtant la cybersécurité en « urgence absolue, non seulement avec l’arrivée de NIS 2, mais aussi parce que le numérique est imbriqué dans toutes les politiques publiques. »
Et si elle insiste aussi sur l’enjeu de la mutualisation à l’échelle territoriale, indispensable pour offrir un service public numérique de qualité, force est de constater qu’il y a encore loin de la coupe aux lèvres.

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