Pourquoi l’avenir du SaaS appartient aux “full-stack AI companies”

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Full-stack AI : et si les startups devenaient elles-mêmes le service ?

Par La rédaction, publié le 13 novembre 2025

Finie l’époque où les startups équipaient les grands groupes : elles les remplacent. L’IA permet désormais de faire tourner une entreprise entière avec une poignée d’ingénieurs. Le modèle “full-stack AI” efface la frontière entre technologie et métier, et redessine la carte du pouvoir économique.


Par Florent Galland, Cofondateur et Directeur Général chez Dougs


Depuis 20 ans, la technologie suit un schéma classique : des startups conçoivent un logiciel, puis le vendent à des acteurs établis censés l’utiliser pour se moderniser. Concrètement, elles développent, puis les grands groupes adoptent.
Mais un changement de fond est en cours avec l’essor de l’IA. Longtemps cantonnée au rôle d’assistant, elle est désormais capable d’exécuter elle-même une grande partie des tâches humaines. Cette évolution donne naissance à une nouvelle génération d’entreprises, les “full-stack AI companies”. Leur particularité ? Elles ne se limitent plus à fournir des outils, elles deviennent directement le service qu’elles automatisent.

Une nouvelle synergie entre technologie et capital humain

Jusqu’ici, construire une entreprise intégrée dite “full-stack” nécessitait des moyens colossaux. Les succès de sociétés comme DoorDash dans la livraison ou Stripe dans les paiements se sont bâtis au prix de milliers d’employés et de levées de fonds massives. La nouveauté aujourd’hui, c’est que l’IA permet d’atteindre un niveau comparable d’intégration, mais avec des effectifs réduits et une dépendance bien moindre au capital.

Cette transformation repose sur trois forces complémentaires. En premier lieu, la maturité technologique permet à l’IA d’accomplir des tâches cognitives complexes comme analyser, décider ou produire. Ensuite, la baisse des coûts signifie qu’une tâche qui nécessitait hier des centaines ou des milliers de collaborateurs peut être désormais gérée par une équipe réduite. Enfin, l’état d’esprit des investisseurs a évolué. Des accélérateurs comme Y Combinator encouragent dorénavant les fondateurs à construire des entreprises intégrées, capables de fonctionner de manière autonome grâce à l’IA, dans des secteurs variés comme la comptabilité, l’assurance ou le conseil.

Un marché bien plus vaste que celui du logiciel

Le modèle “full-stack AI” bouleverse aussi la logique économique. Une entreprise SaaS classique, lorsqu’elle met à disposition son service, ne capte qu’une petite fraction de la valeur. Au contraire, une entreprise dite “full-stack”, elle, s’empare de la valeur totale du service. Dans les faits, elle ne se contente pas de vendre un abonnement puisqu’elle va directement opérer le métier.

Aux États-Unis, la valeur créée chaque année par les professions dites intellectuelles – comptables, avocats, consultants, analystes financiers, ingénieurs ou encore responsables marketing – est estimée à près de 5000 milliards de dollars. À titre de comparaison, le marché du logiciel B2B, qui fournit les outils numériques à ces mêmes professions, pèse environ 230 milliards. Autrement dit, les entreprises de logiciels ne captent aujourd’hui qu’une petite fraction de la valeur produite par le travail de ces métiers. Avec l’IA, cette barrière disparaît car le travail de ces professions peut être traduit en code, automatisé et opéré directement par des plateformes. C’est cette bascule qui ouvre la voie à des marchés autrement plus vastes que ceux du SaaS traditionnel.

En Europe, plusieurs startups françaises et européennes – telles que Qonto, Dougs, Mistral AI ou encore Alan – commencent à montrer ce potentiel. Certaines entreprises de comptabilité, d’assurance ou de conseil ont construit leur propre plateforme pour automatiser les tâches répétitives et les processus de conformité, réduisant drastiquement le besoin en main-d’œuvre tout en améliorant la qualité et la rapidité du service. Dans certains cas, un employé peut superviser plusieurs centaines de clients, alors qu’un modèle traditionnel en suivrait quelques dizaines seulement. Le marché adressable n’est plus celui du logiciel mais celui du service lui-même, souvent des dizaines de fois plus important.

Un modèle en passe de se diffuser à grande échelle

Ce modèle pourrait se répandre rapidement dans d’autres secteurs. Dans la santé, le conseil, la logistique ou les ressources humaines, là où les activités reposent sur des procédures codifiées, l’IA permet de repenser entièrement la chaîne de valeur. Les entreprises traditionnelles apparaissent alors comme des intermédiaires coûteux, et leur inertie devient un désavantage. Les acteurs capables de maîtriser le service de bout en bout, intégrant technologie et opérations, prennent alors l’avantage.

Pour les investisseurs, c’est un changement de paradigme. Longtemps, le logiciel pur était privilégié pour sa scalabilité et sa sécurité. Aujourd’hui, une entreprise “full-stack AI” capable d’automatiser une large partie de son activité voit ses marges converger vers celles d’un SaaS. Le risque opérationnel existe toujours, mais la valeur créée peut être beaucoup plus élevée. Concrètement, la startup qui vend un logiciel capte une part du gâteau, celle qui opère le service en récolte la totalité.

Cette évolution n’est pas une simple amélioration du SaaS. Elle redéfinit la structure économique des métiers. L’IA ne se contente plus de transformer les méthodes de travail, elle transforme les entreprises elles-mêmes. Les startups qui l’intègrent directement dans leur fonctionnement ne cherchent plus à soutenir les acteurs historiques mais bien à prendre leur place.

L’Europe possède des atouts pour se distinguer dans ce mouvement. Ses ingénieurs, sa culture de l’ingénierie ou encore son cadre réglementaire fragmenté permettent de construire des entreprises crédibles et souveraines. Mais la fenêtre d’opportunité est courte. Les premières entreprises à réussir ce modèle pourraient capturer des marchés entiers avant que d’autres n’émergent.



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