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Gouvernance

« Le DSI doit être à la fois client centric, collaborateur centric et business centric »

Par La rédaction, publié le 28 juin 2018

Comme prévu depuis la mi-2017, Mokhtar Ben Belgacem succède à Xavier de Broca à la tête de la DSI de Bpifrance et au sein du Cigref. Il va parachever le projet de transformation qui va mener à un modèle plus intègre dans le business, avec comme rôle principal l’orchestration des meilleures solutions disponibles sur le marché au bénéfice des lignes métiers et des clients finaux de Bpifrance.

Quels ont été vos grands chantiers depuis la préannonce de votre prise de fonction à la tête de la DSI de Bpifrance ?

Une fois nommé DSI adjoint, je me suis attelé avec Xavier de Broca et nos équipes à un grand projet de transformation. Nos dirigeants sont conscients que la DSI n’est plus une ESN interne, mais un véritable partenaire des métiers avec des compétences particulières sur la qualité, la sécurité, l’intégration au business et le delivery. Nous allons renforcer la proximité avec les métiers, et nous allons capitaliser sur nos forces actuelles pour accroître notre alignement sur la stratégie de Bpifrance. Depuis l’été dernier, j’ai rencontré une quarantaine de clients finaux et de cabinets de conseil pour avoir des retours d’expérience. En parallèle nous avons élaboré nos axes stratégiques, issus essentiellement de ceux de la maison Bpifrance.

L’axe d’évolution le plus important semble être celui de l’agilité ?

Tout à fait. Et on parle ici d’agilité de bout en bout, pas seulement des méthodes agiles, de scrum, etc. On parle d’agilité des process. J’y intègre tous les chantiers DevOps commencés fin 2017 qui permettent d’optimiser tous les process d’intégration, de préproduction et de production. C’est vraiment le continuum de projet de la phase expression des besoins, en contact avec les métiers, jusqu’à la mise en production. L’idée est de faire en sorte que les équipes dégagent du temps pour être vraiment sur les sujets à valeur ajoutée pour Bpifrance. L’agilité est donc une grosse priorité pour 2018, avec également l’évolution du modèle de sourcing. Nous allons développer nos centres de services et faire en sorte que les équipes internes puissent vraiment être positionnées sur des actions à forte valeur ajoutée pour le business. Je veux que nous soyons « customer centric », centrés sur le client, tout en étant positionnés sur l’intégration des composants digitaux. Nous allons sortir du mode de développement spécifique pour nous placer comme une DSI orchestratrice de solutions autant que possible prêtes à l’emploi.

Pouvez-vous nous décrire votre parc applicatif, votre DSI et son fonctionnement actuel ?

Aujourd’hui, notre parc applicatif compte environ 300 applications : ce sont beaucoup de progiciels, mais également beaucoup de développements spécifiques. La DSI comprend un peu plus de 160 personnes en interne et nous fonctionnons dans un modèle très orienté régie. L’idée est donc de passer progressivement d’un modèle régi vers un modèle davantage centres de services.

Les métiers sont-ils prêts à cette mutation ?

L’engagement des collaborateurs IT et métiers est d’autant plus fort que notre Comex est très orienté IT et que la maturité des Métiers par rapport à l’IT est montée en flèche depuis un ou deux ans. Les deux populations sont d’autant plus satisfaites de cette nouvelle organisation et motrices de la mutation. Demain, les équipes métiers et Business Analyst côté DSI feront équipe commune. Il ne doit plus y avoir de frontières, il faut qu’il y ait des passages dans les deux sens de manière transparente. C’est mon souhait : une DSI complètement intégrée avec les métiers, mais une DSI qui reste par ailleurs très techno, pour faire en sorte qu’on profite de l’écosystème IT, de ce que peuvent nous apporter les startup et les Fintechs par exemple.

Au sein de cette nouvelle organisation, vous allez donc développer de nouvelles compétences et usages autour de la donnée.

Oui, nous allons positionner la data au cœur de nos préoccupations, au cœur de l’entreprise. C’est pour cela qu’au centre de la nouvelle organisation j’ai créé une direction data, qui m’est rattachée directement. Nous allons y mettre la gouvernance des données, l’animation de toute l’entreprise sur le sujet de la data, c’est-à-dire le sujet de valorisation de la data, la connaissance, le partage des informations entre nous sur ce qu’il y a dans nos bases de données, l’identification des cas d’usage, notamment sur des données externes qu’il serait intéressant d’intégrer dans notre système d’information. Pour quel type d’usage, pour quelle valeur ? Tous les sujets liés à l’expérience client et au RGPD en particulier et plus globalement à la conformité, car nous sommes une banque et avons donc un certain nombre de contraintes. Également tous les sujets liés à l’architecture et la sécurité des données. Notre monde est en train d’évoluer. C’était un monde un peu BI classique où on mettait en place des entrepôts, des datamarts. Il est en train de se transformer avec une vitesse incroyable et personne ne sait où ça va aller. La data, c’est le domaine sur lequel j’ai trouvé le moins de retours d’expérience concrets. J’ai juste constaté que tout le monde se cherche.

Quels pourraient être certains usages autour de la donnée pour Bpifrance ?

Nous sommes une banque. Nous gérons nos risques. Il y a donc toutes les données liées à la gestion du risque sur les dossiers. C’est un premier volet très important. Bien gérer ses risques, c’est bien connaître ses clients, bien suivre ses portefeuilles de dossiers, leur évolution. Nous sommes aussi une banque digitale. Il y a donc un vrai sujet autour de la donnée pour la force commerciale, pour nos chargés d’affaires. Nous avons opté pour Dynamics de Microsoft pour notre CRM et greffons dessus des outils qui leur permettent d’avoir une vision à 360° de leurs clients. Pas seulement leur dossier, leur activité chez nous, mais également ce que l’on peut collecter de l’extérieur. L’un de ces outils recueille ainsi les communiqués de presse qu’ils diffusent. Nous l’intégrons dans notre CRM. Avec ces nouvelles données, les chargés d’affaires pourront proposer aux clients des offres spécifiques au bon moment, selon leur contexte : une subvention liée à l’innovation, un financement court, moyen ou long terme, un crédit-bail mobilier ou immobilier, etc.

Vous êtes depuis longtemps chez Bpifrance. Est-ce un avantage ou un inconvénient ?

J’étais dans les différentes couches historiques qui forment aujourd’hui Bpifrance. Je suis arrivé en janvier 2001, comme DSI adjoint de la filiale Sofaris, qui gérait l’activité de garanties bancaires accordées aux entreprises. J’étais alors en charge de la refonte des SI. Devenu DSI de Sofaris, j’ai vécu la fusion, en 2008, des différentes entités IT de la maison et ai rejoint l’équipe de Xavier de Broca. À l’époque, les études au sein de la DSI représentaient uniquement de la maîtrise d’œuvre. La maîtrise d’ouvrage était éparpillée dans différentes directions métier, chaque métier avait la sienne. Il y avait aussi une direction de l’organisation des maîtrises d’ouvrage qui centralisait les sujets liés aux projets transverses. Lorsque Nicolas Dufourcq a pris la tête de Bpifrance en 2013, avec son expérience chez Capgemini, il a constaté les problèmes d’organisation de la DSI et nous a demandé avec Arnaud Caudoux, notre directeur général adjoint, de simplifier l’organisation, et notamment d’intégrer les équipes AMOA, de maîtrise d’ouvrage, fonctionnelles, au sein de la DSI. Nous avons alors créé la DPMSI, direction des projets métiers des systèmes d’information, qui est la base sur laquelle nous construisons notre nouvelle organisation. J’ai donc participé à toutes les étapes du projet et en comprends bien la difficulté, notamment en termes d’accompagnement des collaborateurs et de management.

Avez-vous adopté une posture particulière en matière de management ?

Nous sommes dans un vaste projet de transformation. Et notre orientation centrée sur le client doit se doubler d’un positionnement centré sur le collaborateur, que doit assurer chaque manager. Je pense qu’on ne pourra pas fidéliser la génération Y et les collaborateurs si on n’arrive pas à créer, je ne vais pas aller jusqu’à parler de bonheur, mais du moins un cadre et des conditions de travail adaptés par rapport aux exigences de demain sur la collaboration intra- DSI et intra-Bpifrance. C’est pourquoi nous nous attachons, de concert avec la DRH, à gérer chaque collaborateur de manière individuelle, notamment sur tous les sujets de formation, de montée en compétences, de mobilité… Nous devons, à tous les étages, adopter une culture de management de transparence, de confiance, de délégation aussi, de proximité et de bienveillance.

Y a-t-il des outils et méthodes à mettre en place pour faciliter ce type de management ?

L’outillage de la collaboration est un des sujets que je suis en train d’instruire. Nous avons mis en place des outils de visioconférence un peu partout. Du Skype, et du Teams, qui est en cours de déploiement. Mais il faut aussi améliorer certaines pratiques et les espaces de travail. Il faut que ces derniers soient adaptés au nouveau modèle de collaboration, notamment en ce qui concerne les locaux qui doivent aller vers encore plus de décloisonnement. Il nous faut augmenter les espaces de co-working pour faciliter la collaboration à tous les niveaux : entre les métiers, entre les différentes équipes projet… Et nous devrons également trouver le meilleur moyen de collaboration avec les centres de services externalisés, comme avec les start-up avec lesquelles nous travaillons, par exemple celles que nous accélérons, ou encore avec les collaborateurs de Bpifrance Le Lab, notre think tank. Ce n’est qu’en maintenant un même niveau d’information, une même vision de là où nous souhaitons aller et des sujets prioritaires, que nous pourrons mieux servir nos clients et emmener les équipes le plus haut possible.

Mokhtar Ben Belgacem

2018 DSI Bpifrance

2013-2017 Directeur de la DPMSI, puis DSI adjoint Bpifrance

2012 Diplome HEC

2008-2013 Responsable des etudes et des realisations informatiques Bpifrance

2001-2008 DSI adjoint puis DSI de Sofaris (Oseo Garantie) 1999-2000 Responsable de l’activite BI, Kertel

1998-1999 Consultant telecoms, Capgemini Consulting 1998 Diplome d’ingenieur, Polytechnique

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