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Management de transition : rôle et plus-value des cabinets d’intermédiation

Par Xavier Biseul, publié le 03 octobre 2023

Entre les spécialistes historiques du management de transition et les nouveaux entrants, les intermédiaires se multiplient. Comment opérer une sélection ? Généraliste ou spécialiste de l’IT, plateforme digitale ou cabinet à taille humaine, chaque acteur met en avant ses points forts.

Avec un temps de retard sur les pays anglo-saxons et scandinaves, les entreprises françaises ont compris l’intérêt qu’elles avaient à passer par le management de transition. En s’appuyant sur l’expérience de managers surdimensionnés et immédiatement opérationnels, elles peuvent éteindre les incendies ou franchir un cap dans leur stratégie, en particulier numérique. Depuis la fin de la crise sanitaire, le marché connaît même un emballement. Les adhérents du syndicat professionnel France Transition ont vu leur chiffre d’affaires s’envoler de 39 % en 2022.

Avec une telle dynamique, ce marché – intermédié à hauteur de 65 % selon une étude de Xerfi –, attise les convoitises. Aux historiques du management de transition, se sont ralliés récemment de nouveaux acteurs. Des cabinets de conseil, des sociétés d’intérim ou des plateformes d’intermédiation pour les freelances, à l’image de Malt qui revendique plus de 300 managers de transition, ont investi le créneau.

Un marché qui attire les opportunistes

« Le nombre de cabinets spécialisés a presque doublé en 2022 , observe Guillaume Stankowiak, associé chez IMT Partners, qui en dénombre de 120 à 130 au niveau national. Des structures rajoutent, par opportunisme, la corde du management de transition à leur arc. »

En attendant que l’écrémage naturel fasse son œuvre, comment séparer le bon grain de l’ivraie ? L’adhésion au syndicat professionnel France Transition, conditionnée par le respect d’une charte de déontologie et d’un audit annuel de Bureau Veritas, est un premier critère de sélection. L’ancienneté et le positionnement des acteurs – généraliste ou pure player IT, plateforme digitale ou communauté d’experts – donnent aussi de précieuses indications.

Auto-proclamé « leader européen », Robert Walters est avant tout connu pour être un cabinet de recrutement, tout en proposant depuis une vingtaine d’années des prestations de management de transition. Pour Clémence Richard, senior manager, head of technology & transformation, qui a développé l’offre DSI en 2013 : « Il y a des synergies et une complémentarité évidentes entre le management de transition et la chasse de tête. Des passerelles existent et nous partageons les informations entre divisions. Un candidat peut souhaiter un temps effectuer une mission puis signer un CDI, ou inversement. »

Management de transition IT : généraliste vs pure player

Robert Walters met en avant sa dimension internationale, avec des bureaux ouverts aux Pays-Bas, en Belgique, en Allemagne, en Suisse, en Espagne et au Royaume-Uni. Elle fait aussi de son positionnement généraliste une force. « Une entreprise qui mène une grande transformation a besoin ponctuellement de renfort, le management existant étant déjà accaparé par le quotidien, poursuit Clémence Richard. Nous pouvons proposer une offre complète couvrant les fonctions de directions générales, IT, RH, finance, juridique, marketing… »

Alexandre Lecherf

Managing partner – IMT Partners

« Le suivi de mission doit permettre de rapidement crever l’abcès et de gérer les non-dits. »

Directeur associé IT et digital chez X-PM, Jean-Christophe Lasvergnas abonde dans son sens. « Être un cabinet multi-spécialiste donne de l’ouverture. Un DSI de transition doit avoir une approche transverse et maîtriser des aspects liés à la finance ou aux RH. La RSE dans le numérique ne se limite pas à la green IT. »

Infortive Transition défend à l’inverse sa position de pure player de l’IT. Revendiquant la deuxième place du marché français en volume, le cabinet place des DSI, des DSI adjoints, des directeurs de production ou des directeurs des études et développement. Un positionnement qui fait sa force. « Certains associés de cabinets viennent des ESN. Ils envoient seulement des CV sans réelle compréhension des besoins », tacle Pierre Fauquenot, son PDG fondateur qui a lui-même effectué dix missions en tant que DSI de transition.

Jérôme Vercaemer

Associé – Valtus

« Si le savoir-faire technique est validé assez vite, il faut en revanche s’assurer que le manager va “matcher” avec la culture de l’entreprise cliente. »

Atypique, Adequancy se présente, elle, comme « la première plateforme digitale dédiée au management de transition ». Avec près de 9 000 managers inscrits, dont 500 environ relèvent de la fonction IT, le site génère 6 000 recherches de profils chaque mois.

Grâce à un accès gratuit à la plateforme, côté candidat comme donneur d’ordres, une entreprise peut rechercher en toute autonomie son manager de transition. Elle a aussi la possibilité de faire appel à l’équipe d’Adequancy (une vingtaine d’experts) pour gérer la sélection et lui proposer des profils sous 48 à 72 heures. « Je ne crois pas au 100 % digital », avance Anthony Baron, son PDG.

L’épreuve du feu de la première mission

De fait, l’accompagnement humain est clé. Le management de transition ne se limite pas à la seule mise en relation. Il exige en amont une sélection rigoureuse des profils – des pointures dans leur domaine –, et en aval un suivi de la mission dans la durée.

Chaque cabinet a sa méthode d’évaluation. X-PM a mis en place une grille d’évaluation des compétences en termes de savoir-faire comme de savoir-être : les « soft skills » comme l’aisance relationnelle, l’esprit de synthèse ou l’adaptabilité apparaissent en effet essentielles dans ce métier. Et pour qualifier le profil, le cabinet consulte au moins deux ou trois références.

Bernard Etchenagucia

Associé – X-PM

« C’est lors de la première mission que le primo accédant montre sa capacité à faire ce métier spécifique. »

« Valtus ne propose pas de CV sans avoir rencontré le manager, précise Jérôme Vercaemer, associé de ce cabinet. Si le savoir-faire technique est validé assez vite, il faut en revanche s’assurer que le manager va “matcher” avec la culture de l’entreprise cliente. C’est une relation tripartite. » Mais rien ne vaut l’épreuve du feu pour Bernard Etchenagucia, associé en charge de l’IT chez X-PM : « C’est lors de la première mission que le primo accédant montre sa capacité à exercer ce métier spécifique, à s’intégrer rapidement et efficacement dans une organisation. »

« Si un candidat ne nous semble pas éligible, nous le lui disons en toute transparence et l’orientons vers une autre voie grâce à notre réseau, complète Jean-Christophe Lasvergnas. Il y a beaucoup d’intuitu personae dans le management de transition. À la différence d’une ESN, nous avons une réelle valeur ajoutée en faisant du sur-mesure et non de la production de masse. »

De son côté, Robert Walters a recours aux tests d’AssessFirst, un éditeur qui s’est spécialisé dans le recrutement prédictif. Clémence Richard procède aussi à une évaluation à 360° du manager, en contactant ses pairs, ses n+1 et n-1. « Le monde est petit », sourit-elle. Pour compléter ses compétences, le cabinet peut diriger le candidat vers une formation certifiante à l’Institut de Formation au Management de Transition (IFMT).

Le suivi de mission, un élément clé

Au-delà de l’évaluation, tous les professionnels interrogés dans ce dossier insistent sur l’importance donnée au suivi de mission. Classiquement, un associé du cabinet débriefe avec le manager à la fin de la première semaine. À l’issue de la phase d’observation qui ne dépasse guère les trois semaines, le rapport d’étonnement vient confirmer la lettre de cadrage du client ou mettre en évidence des écarts. Dans ce second cas, une feuille de route rectificative est élaborée.

Une fois la mission sur les rails, les points tripartites – associé, manager, client – s’espacent pour devenir mensuels voire trimestriels. « Le dernier mois de la mission doit permettre d’opérer la réversibilité et le transfert de compétences, précise Jérôme Vercaemer. Pour que le projet vive après le départ du manager, il faut identifier des relais en interne qui vont assurer la reprise des sujets. »

Dans une proportion infime, il arrive que la greffe ne prenne pas entre le manager et le donneur d’ordre. Le contrat est alors rompu de façon anticipée et le cabinet est contractuellement tenu de trouver au pied levé un autre candidat. « Le suivi de mission doit permettre de rapidement crever l’abcès et de gérer les non-dits, note Alexandre Lecherf, managing partner chez IMT Partners. Pour autant, les relations humaines comprennent toujours une part d’irrationnel. »

Clémence Richard

Senior manager, head of technology & transformation – Robert Walters

« Il y a des synergies et une complémentarité évidentes entre le management de transition et la chasse de tête. »

Au-delà du suivi de mission, un cabinet conseille le manager sur le choix du statut juridique. En général, il démarre en portage salarial et, s’il poursuit dans la voie du management de transition, crée sa société de type SASU ou SARL. Le cabinet peut le mettre en relation avec des sociétés partenaires dans l’assurance (RC pro) ou l’expertise comptable. IMT Partners met, lui, un point d’honneur à payer le manager à la réception de sa facture, sans attendre le règlement de l’entreprise à 30 ou 60 jours fin de mois. « Payer “au cul du camion” rassure le manager mais aussi le client », estime Alexandre Lecherf.

En dépit des efforts entrepris par les cabinets, certains managers de transition se disent suffisamment expérimentés et autonomes pour se passer de leurs services. Sous couvert d’anonymat, l’un d’eux estime que, non seulement la marge prise par le cabinet ne se justifie pas toujours, mais aussi que la relation tripartie peut être contreproductive. Elle nuirait à la relation de confiance entre le manager et le donneur d’ordre.


Un taux de commission élevé justifié ?

Classiquement, un cabinet de management de transition applique un taux de commission sur le tarif journalier pratiqué par le manager. En fonction de la durée ou de la criticité de la mission, il se situe généralement entre 30 et 35 %. Du fait de son positionnement atypique, Adequancy dit prélever une marge inférieure, entre 25 % et 30 %.

« L’originalité de notre métier, c’est que l’avant-vente est gratuit, rappelle Bernard Etchenagucia, associé chez X-PM. Nous demander de chercher un mouton à beaucoup de pattes ne coûte rien au client. Il n’est facturé qu’au démarrage de la mission. » « Une entreprise peut toutefois donner à un cabinet une exclusivité sur une durée de 10 à 15 jours environ », complète Clémence Richard de Robert Walters. Son cabinet propose une période pendant laquelle le client peut librement mettre fin à la mission : typiquement 15 jours pour une mission de trois mois, et un mois pour une durée de six mois.

Soumis à obligation de moyens, un cabinet travaille généralement au succès. Pour sa part, IMT Partners dit travailler dans 5 % des cas avec une obligation de résultats. « La tarification varie en fonction des résultats obtenus avec la mise en place d’indicateurs, de dates de jalon, d’enveloppes budgétaires tenues ou pas, etc., explique Alexandre Lecherf, managing partner. Il s’agit souvent de PME qui veulent mesurer la prestation. »

De son côté, Valtus laisse la possibilité au client de verser un bonus au manager en fin de mission. Et si le client veut recruter le manager, il doit verser au cabinet un dédommagement défini contractuellement. « Pour autant, le management de transition n’a pas pour objectif de servir de période de pré-embauche, juge Jérôme Vercaemer, associé. Cela fausse la donne, le manager perd sa liberté de ton. »

Management de transition : quelques acteurs


Robert WaltersAdequancyInfortive Transition
Année de création198520162004
PositionnementCabinet de
recrutement, généraliste
Plateforme
digitale
Cabinet
spécialisé
Part de l’activité
dédiée à l’IT
NC6 % environ100 %
Membre de France TransitionOuiNonOui

Management de transition : quelques acteurs


ValtusIMT PartnersX-PM
Année de création200120132001
PositionnementCabinet
généraliste
Cabinet
généraliste
Cabinet
généraliste
Part de l’activité
dédiée à l’IT
15 % environ16 %16 %
Membre de
France Transition
OuiNonOui

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