Data / IA

Tibco Now : l’intégration à l’ère du big data

Par Marie Varandat, publié le 30 septembre 2019

Spécialiste de l’intégration, Tibco a su très tôt étoffer son offre de solutions adaptées à la gestion d’une donnée devenue centrale dans la transformation des entreprises. L’éditeur a plus de mal, en revanche, à partager et faire valoir la cohérence et la complétude de son offre.

Par notre envoyée à Londres, Marie Varandat

Réunis à Londres la semaine dernière pour la conférence annuelle de la société, Tibco Now, les clients et partenaires de Tibco ont été abreuvés d’annonces ! Issue du rachat d’Orchestra Networks l’an dernier, une nouvelle solution de gestion des métadonnées, baptisée Cloud Metada, va enrichir Tibco CIC (Connected Intelligence Cloud), plateforme qui réunit les services d’intégration, d’API management et d’analytique. Cloud Mashery, la solution d’API Management rachetée à Intel en 2015, intègre désormais un portail déployé en local et destiné aux développeurs. Spotfire, outil de dataviz racheté en 2007, s’ouvre aujourd’hui non seulement aux données des datalakes de Snowflake et de Google (BigQuery) mais aussi à celles des processus industriels grâce à l’intégration du standard OPC Foundation Unified Architecture (gestion de la communication entre les processus industriels). Parallèlement, en bon spécialiste du CEP (Complex Event Processing), Tibco dote son projet open source Flogo (moteur d’intégration ultra léger installé dans les capteurs IOT) de la gestion des flux de données en temps réel. Actif, le terminal ne se contente plus de collecter les données, il les exploite pour réagir en temps réel en fonction d’événements comme dans un processus CEP traditionnel. Au passage, Flogo s’enrichit aussi d’un format « universel », dénommé CatalystML, pour décrire les transformations de données et simplifier le dialogue entre datascientists et développeurs. Ce format défini par l’éditeur est placé en open source avec l’espoir de le voir être adopté par tous les acteurs. Tibco a également annoncé des avancées significatives dans le domaine de l’intelligence artificielle avec l’intégration d’AutoML (Automated machine learning) qui permet d’entrainer des algorithmes prêts à l’usage afin de simplifier et accélérer le travail des datascientists, voire permettre à des néophytes (les Citizens Data Scientists) d’entrainer une IA. Enfin, l’éditeur investit également le domaine du process mining avec un nouvel outil baptisé Project Discover. Le Data Mining consistait à explorer les données présentes pour y extraire du savoir. Nouvelle discipline à l’heure de l’IA, de la RPA et d’automatiser tout ce qui peut l’être, le Process Mining consiste à déduire les processus métier de l’entreprise – dont la plupart ne sont pas formalisés – à partir des traces générées dans les journaux d’événements du SI afin de les analyser et de les modéliser. En quelque sorte, le Process Mining a une approche inverse de celle du BPM (Business Process Management).

Une stratégie difficile à décrypter …

Matt Quinn, un COO transhumaniste

Cette pluie fournie d’annonces pourrait en déstabiliser plus d’un. Qui est Tibco ? Où veulent-ils en venir ? Il faut dire que le spécialiste de l’intégration né en 1997, à la grande époque de SOA et des ESB, a enchainé les rachats, semant des graines de-ci de-là, donnant l’impression de vouloir à la fois devenir un leader de l’intégration et de la dataviz. En soi, la stratégie semble concluante : les solutions de Tibco sont en effet bien positionnées sur le marché. Gartner place Tibco dans les leaders des solutions de data science et de Machine Learning. De son côté, Forrester a classé Tibco dans la vague de tête des plateformes de BI, des solutions d’analyse de flux temps réel ainsi que de l’IPaaS. Avec Mashery, l’éditeur brille un peu moins sur l’API Management selon Forrester mais apparait quand même sur la seconde vague, loin devant des Microsoft ou des RedHat. Voilà donc un joli palmarès qui pourrait toutefois laisser croire à une stratégie désordonnée tous azimuts.

… mais en phase avec les besoins du marché

Avec le rachat d’Orchestra Networks, la métadonnée infiltre l’offre Tibco

En réalité, l’approche de Tibco a toujours été celle d’un spécialiste de l’intégration qui avait compris dès 2007, quand il rachète Spotfire, à quel point la donnée allait être centrale dans la transformation des entreprises. « Le lien avec l’intégration n’était pas clair à l’époque, avoue Christian Duprat, Regional Vice President for France, United-Kingdom, Belgium, Luxembourg and Netherlands, mais l’histoire nous a donné raison ». Et d’illustrer cette affirmation, et par la même occasion ce portefeuille en apparence très hétéroclite, à travers un exemple simple : « Une entreprise qui se lance dans un projet de master data va avoir besoin de connecter son référentiel avec le reste du système d’information, là où sont les données. Sur un projet simple, on peut se contenter d’utiliser les API pour récupérer les données mais dans le cadre d’un véritable projet d’entreprise, la question d’une plateforme industrielle pour utiliser et gérer les API va se poser. Autrement dit, le marché silote les solutions mais en pratique les entreprises ont besoin d’interconnexion, de gestion des APIs, d’analyse et même d’automatisation « intelligente » des processus ».

Une image à clarifier

Reste à convaincre lesdites entreprises de voir en Tibco un fournisseur global d’intégration. Pour l’heure, ce n’est clairement pas encore le cas. Ses clients semblent s’attacher à une solution sans adopter l’approche globale proposée. Présent sur Tibco Now, Renault s’est par exemple arrêté à l’offre dataviz qu’il exploite abondamment : 25 000 utilisateurs de Spotfire dans 20 pays avec plus de 160 projets en cours.
« C’est un vrai challenge pour Tibco, reconnait Christian Duprat. Mais il n’est pas lié uniquement à notre parcours car tous les éditeurs sont aujourd’hui confrontés à une démultiplication des interlocuteurs dans l’entreprise. Ce qui suppose que nos équipes parlent aux techniques (DSI, CTO, architectes, etc.)  mais aussi aux métiers et aux équipes digitales. La complexité provient plutôt du fait que nos technologies sont consommées par des personnes très différentes avec des besoins liés à leur périmètre ».

Stimuler l’innovation et accélérer la transformation

Christian Duprat, Regional Vice President France, United-Kingdom, Belgium

En parallèle des annonces produits, Tibco a également affiché sa volonté de poursuivre son voyage vers le cloud avec la migration progressive de sa solution de MDM et l’adaptation de sa plateforme CIC à Azure et AWS. « L’idée n’est clairement pas d’abandonner nos solutions ‘on-premise’, prévient Christian Duprat, très fier par ailleurs de ces deux partenariats. Peu d’éditeurs dans le monde peuvent se vanter d’avoir réuni Amazon et Microsoft sur un même événement. Malgré tout notre vocation est de rester agnostique ». Et de préciser que s’il n’existe pas encore d’accord de partenariat, les solutions Tibco peuvent fonctionner sur Openshift (IBM) et sur Google Cloud via Kubernetes.

Enfin, interrogé sur un potentiel rachat dans le domaine du RPA, technologie qui complèterait parfaitement la vision d’un éditeur qui possède déjà le BPM, l’orchestration mais aussi le Process Mining, Christian Duprat reconnait que Tibco a peut-être raté une opportunité : « Nos solutions d’orchestration des processus métiers sont complètement complémentaires des approches RPA. Mais je ne suis pas sûr qu’un rachat serait pertinent aujourd’hui. Le marché du RPA est devenu très mature très vite et la valorisation des sociétés est désormais très élevée avec un potentiel de croissance qui est peut-être derrière nous. Si nous avions dû faire ce mouvement, nous aurions dû le faire avant, à une époque où nous étions concentrés sur d’autres rachats. Nous avons donné la priorité à d’autres sujets en ratant peut-être celui-là. Aujourd’hui, c’est trop tard. Cela étant, je ne suis pas en charge de la stratégie d’acquisition de Tibco… ».

 

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