RH
L’État se transforme pour attirer les talents du numérique
Par Xavier Biseul, publié le 07 août 2024
Généralisation du recours au CDI, assouplissement des critères de diplôme, transparence sur les salaires, stratégie active d’inclusion et de diversité, renforcement de sa marque employeur… La fonction publique fait feu de tout bois pour renforcer son attractivité.
Près de 3 500, c’est le nombre de postes qu’il faudra créer dans les cinq prochaines années pour répondre aux enjeux du numérique au sein de l’État, selon un rapport de janvier 2023 de l’Inspection générale des finances et du Conseil général de l’économie. Avec les départs naturels durant cette période, cela correspond à 2 500 recrutements par an.
Le spectre des postes à pourvoir est large. Des ministères cherchent notamment à réinternaliser certaines compétences clés dans les domaines prioritaires de la cybersécurité, du développement, du cloud, de la data et de l’IA. En parallèle, la fonction publique recherche toujours des techniciens réseaux ou des spécialistes des infrastructures.
Pour tenir ces objectifs, l’État, confronté aux mêmes difficultés de recrutement que le secteur privé, fait feu de tout bois pour attirer les talents. « Le recours au CDI pour les contractuels du numérique est désormais largement facilité, ce qui n’était pas jusqu’alors une pratique répandue dans le secteur public », explique Cornelia Findeisen, cheffe du département « RH de la filière numérique de l’État », à la Direction interministérielle du numérique (Dinum). Les critères concernant les diplômes se sont également assouplis. « Nous ne recrutons pas que des diplômés bac +5. Des formations émergentes comme celles proposées par Ada Tech School, 42 ou Simplon sont davantage prises en considération. Plus que le diplôme, c’est l’expertise et une première expérience qui priment. »
Une grille de salaires pour 55 métiers du numérique
Les offres d’emploi sont par ailleurs largement diffusées. Elles sont publiées sur les pages dédiées des différents sites des ministères et sur le portail « Choisir le service public ». En complément, des recruteurs relaient leurs offres sur le site spécialisé « Welcome to the Jungle » pour cibler des profils métiers très spécifiques. Il s’agit également de gagner en réactivité. « Nous cherchons à réduire la durée du processus de recrutement afin de donner rapidement une réponse au candidat. Notre objectif est aussi de réduire la durée d’élaboration du contrat de travail. »
Côté salaires, l’État joue la carte de la transparence en publiant, depuis janvier, une grille des rémunérations pour les 55 métiers de la filière numérique. « Le candidat a ainsi connaissance d’une fourchette de rémunérations quand il postule, explique Cornelia Findeisen. Une grille aux montants plutôt compétitifs. » À titre d’exemple, la fourchette de rémunération d’un développeur oscille entre 44 et 57 K€ avec moins de cinq ans d’expérience, et de 63 à plus de 94 K€ au-delà de 20 ans d’expérience.

Les enjeux du numérique au sein de l’État sont devenus considérables au fil du temps, avec 2 500 postes nouveaux à pourvoir chaque année. Pour les relever avec succès, de nouvelles pratiques de recrutement voient le jour, ainsi qu’un ambitieux programme de formation continue.
Côté conditions de travail, la fonction publique propose des éléments contractuels comparables au secteur privé avec la période d’essai, les RTT ou le télétravail. Elle se distingue sur le temps partiel choisi. « Un collaborateur peut travailler à 80 ou 60 % du temps, y compris parfois à des postes de responsabilités. Cela correspond à une demande des profils du numérique de disposer de plus de temps pour mener à bien leurs activités diverses : projets, bénévolat, loisirs, famille. » La semaine en quatre jours sera aussi expérimentée cette année.
Un programme de coaching pour les femmes du numérique
Pour élargir son bassin d’emploi, l’État mène une stratégie active d’inclusion et de diversité. « Il est démontré que des équipes projets diversifiées obtiennent des résultats plus probants », plaide Cornelia Findeisen. Des aménagements du temps de travail sont envisageables pour faciliter l’insertion de personnes en situation de handicap. L’État entend aussi se rapprocher de la parité. « Se couper de 50 % du potentiel du marché n’est pas acceptable. » Pour rectifier le tir, la Dinum pilote Ada, un programme d’accompagnement et de coaching dédié aux femmes du numérique de l’État. « Ces femmes coachées deviennent ensuite ambassadrices quand elles rejoignent leur service. »
Montrer la diversité de ses métiers et des opportunités de carrière
La fonction publique renforce aussi sa stratégie de marque employeur. Pour gagner en visibilité, elle a accentué sa présence sur les salons. « Les talents, jeunes ou moins jeunes, peuvent faire de superbes carrières dans le numérique de l’État, estime Cornelia Findeisen. Les parcours ne sont pas figés, la variété des projets et des missions d’un ministère à l’autre est très importante et il existe des allersretours possibles avec le privé. Notre objectif est aussi de fidéliser les talents, même si on sait qu’on ne les gardera peut être pas durant toute leur vie professionnelle. »
Dans cette guerre des talents, la fonction publique a, selon elle, un atout indéniable. « Nous proposons des métiers à impact, au service des citoyens. Les grands projets dédiés à l’écologie, au logement ou aux infrastructures, mais aussi à l’éducation, aux solidarités ou à la santé touchent le quotidien des Français. Ils ne peuvent voir le jour qu’avec le levier du numérique. »
Cornelia Findeisen
RH de la filière numérique de l’État à la Dinum
« Les talents, jeunes ou moins jeunes, peuvent faire de superbes carrières dans le numérique de l’État. »
Les « start-up d’État », qui sont des services numériques créés selon les méthodes agiles à impact, mènent des projets innovants pour répondre aux grands enjeux sociétaux et environnementaux. Le site beta.gouv.fr donne une idée des services publics numériques créés selon cette méthode. « En rejoignant la filière numérique de l’État, les candidats participeront à quelque chose de grand, qui les dépasse ».
Au-delà du volet de recrutement, la fonction publique conduit aussi une politique ambitieuse de formation au numérique. Lancé en début d’année, le Campus du numérique public a vocation à assurer la formation continue des quelque 21 000 agents publics du domaine civil exerçant dans le numérique, mais aussi de faire monter en compétences les 600 000 agents des administrations centrales et services déconcentrés.
Le Campus a enfin pour objectif d’accompagner les agents en voie de reconversion. « Certains métiers peuvent être en déclin, notamment du fait de la transformation numérique et de l’essor de l’IA . Je pense, entre autres, à certains postes liés à l’accueil du public. À tort, des collaborateurs pensent que la filière du numérique n’est pas faite pour eux alors qu’ils pourraient s’y épanouir », conclut Cornelia Findeisen.
Le projet en Chiffres
21 000 agents publics exercent une activité essentiellement numérique dans le domaine civil
3 500 postes supplémentaires devront être créés dans les cinq prochaines années
4 391 offres d’emploi dans le numérique sont disponibles sur le site « Choisir le service public » (en date du 17 avril)
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