Google Quantum Echoes on Willow

Newtech

Google revendique un avantage quantique vérifiable et une avancée pour la chimie moléculaire

Par Laurent Delattre, publié le 23 octobre 2025

Cela faisait près d’un an que Google ne s’était pas manifesté sur le terrain de l’informatique quantique. La dernière fois, c’était pour annoncer la naissance de son processeur quantique Willow de 105 qubits. Aujourd’hui ce même Willow fait vibrer le monde du quantique. Grâce à un nouvel algorithme Quantum Echoes, le géant américain revendique un calcul 13 000 fois plus rapide que les méthodes classiques, une annonce entre percée scientifique et coup marketing.

Google estime – une nouvelle fois – avoir franchi une étape décisive dans la course au calcul quantique. Dans un article publié dans Nature, ses chercheurs annoncent avoir démontré pour la première fois un « avantage quantique vérifiable » grâce à un nouvel algorithme baptisé Quantum Echoes, exécuté sur leur dernière puce quantique dénommée Willow. Concrètement, l’équipe a réussi à faire tourner un calcul que même les supercalculateurs les plus puissants ne peuvent reproduire dans un délai raisonnable : selon Google, l’algorithme a fonctionné 13 000 fois plus vite que son équivalent classique.

L’enjeu dépasse la simple performance technique. Comme l’explique Hartmut Neven, fondateur de Google Quantum AI, « c’est la première fois dans l’histoire qu’un ordinateur quantique exécute un algorithme vérifiable qui dépasse les capacités des supercalculateurs ».
Le concept de « vérifiabilité » est ici essentiel : il signifie que le résultat peut être reproduit sur une autre machine quantique de même calibre, garantissant la fiabilité du calcul.

Un algorithme aux applications pratiques prometteuses

L’algorithme Quantum Echoes repose sur une idée élégante : envoyer un signal dans le système quantique, perturber un seul qubit, puis inverser l’évolution du signal pour écouter l’« écho » qui en résulte. Cet écho, amplifié par interférences constructives, révèle avec une précision inédite comment une perturbation se propage dans l’ensemble du processeur. « Imaginez que vous cherchiez une épave au fond de l’océan. Le sonar vous dira qu’il y a bien un navire, mais pas son nom. Avec notre puce Willow, nous pouvons désormais lire la plaque fixée sur la coque », résume Hartmut Neven.
Le principe de vérifiabilité ainsi exposé revient un peu à envoyer un rayon de lumière dans une salle pleine de miroirs en essayant de le faire revenir au point de départ. Si un miroir est déplacé, le rayon revient décalé. En observant le décalage, on comprend comment la perturbation s’est propagée dans la salle. Google a fait de même avec des qubits en lieu et place de miroirs. Les chercheurs envoient un « signal quantique » dans leur processeur Willow, qui contient des dizaines de qubits. Ils perturbent volontairement un seul qubit puis inversent ensuite le calcul, pour voir si le système revient à son état initial. La différence entre l’état attendu et l’état réel forme un « écho quantique ». Cet écho révèle comment la perturbation s’est propagée dans tout le processeur. Google a inventé une façon d’« écouter » les échos produits par son ordinateur quantique pour prouver qu’il calcule quelque chose qu’un supercalculateur classique ne peut pas reproduire efficacement. Et cette façon d’écouter a des applications pratiques en chimie moléculaire. L’algorithme Quantum Echoes agit comme une loupe : il révèle des corrélations fines entre particules, un peu comme si on voyait non seulement que deux atomes sont liés, mais aussi comment l’information circule entre eux. Il permet, en théorie, de cartographier la structure de molécules ou encore d’améliorer la résonance magnétique nucléaire.

Et c’est exactement ce à quoi les chercheurs de Google se sont attelés. Au-delà de la démonstration théorique, Google a testé cette approche sur des molécules réelles en collaboration avec l’Université de Californie à Berkeley. En combinant Quantum Echoes avec la résonance magnétique nucléaire (NMR), une technique déjà utilisée en chimie et en biologie, les chercheurs ont pu obtenir des informations inédites sur la structure moléculaire. « Nous construisons une règle moléculaire plus longue », explique Tom O’Brien, membre de l’équipe, soulignant que cette méthode pourrait permettre de voir entre des atomes plus éloignés que ce que permettent les techniques actuelles.

Les applications potentielles d’un tel algorithme quantique sont vastes : de la découverte de nouveaux médicaments à la conception de matériaux innovants, en passant par l’énergie ou la compréhension des phénomènes quantiques fondamentaux. Ashok Ajoy, chimiste à Berkeley et collaborateur du projet, insiste : « Cela illustre la puissance d’un ordinateur quantique. C’est encore le début, mais les perspectives sont enthousiasmantes ».

Attention à l’effet loupe du Marketing

Sur le fond, ce « succès » démontre que les chercheurs avancent non seulement dans la fiabilisation des calculs quantiques mais aussi dans l’élaboration d’applications quantiques utiles. En un sens, IBM en a fait de même cette année, notamment avec les avancées de ses processeurs quantiques de génération Heron R2 et ses travaux sur les solveurs quantiques d’équations différentielles de la deeptech française ColibriTD. Cette fois, les chercheurs de Google ont développé un algorithme quantique novateur qui va probablement beaucoup agiter la communauté quantique et donner lieu à tout plein d’adaptations et de développements sur d’autres machines quantiques.

En revanche, sur la forme, on est ici dans le classique « enflement » marketing dont les entreprises américaines du quantique se sont fait une spécialité. Et particulièrement Google, qui proclamait déjà en 2019 avoir atteint la suprématie quantique avec un algorithme qui ne servait pas à grand-chose de pratique et que les chercheurs d’IBM ont démonté en rappelant que leur HPC pouvait faire presque aussi rapide avec bien plus de fiabilité. Google nous avait par ailleurs aussi fait le coup de simulations quantiques de molécules « complexes » en 2023 alors que ses expériences ne s’appliquaient qu’à quelques atomes.
Entendons-nous. Nous n’avons ici nullement l’intention de jeter la pierre à Google (après tout, ses concurrents américains en font autant), ni même de dénigrer les avancées quantiques de ses chercheurs qui sont par ailleurs réelles. Nous cherchons simplement à retirer l’emphase marketing pour mieux discerner la réalité. Car il y a dans ces annonces une dimension stratégique : Google est en concurrence avec IBM, Microsoft, Amazon et une myriade de start-up quantiques. Dans ce contexte, chaque annonce sert autant à séduire les investisseurs, les talents et les partenaires qu’à marquer des points scientifiques. Le marketing devient alors un levier pour maintenir l’image de leader, quitte à simplifier ou amplifier la portée réelle des résultats.

L’annonce du jour démontre une nouvelle fois l’écart entre les annonces marketings et la réalité de la percée quantique. La « découverte » n’a rien d’une percée pratique. On est encore et toujours dans le registre de l’expérience de physique fondamentale calibrée pour montrer une supériorité ponctuelle. Ensuite, et comme d’habitude, la comparaison avec les supercalculateurs classiques doit être relativisée. Dire que Willow est « 13 000 fois plus rapide » ne cherche qu’à épater la galerie et n’a pas de fondation réaliste. C’est une estimation un peu à l’emporte-pièce dont la véracité s’écroule dès que l’on sort des conditions de l’expérimentation.
Par ailleurs, l’application à la chimie moléculaire est prometteuse, certes, mais encore très embryonnaire. Les chercheurs eux-mêmes reconnaissent que les résultats obtenus sont davantage une preuve de concept qu’un outil immédiatement exploitable pour la découverte de médicaments ou de matériaux. Comme souvent dans le quantique, l’écart entre la démonstration scientifique et l’impact industriel reste considérable.

Enfin la notion « d’avantage quantique vérifiable » reste à prendre avec des pincettes. Elle repose sur un algorithme conçu sur mesure pour Willow. Et la vérifiabilité, bien que cruciale, reste ici limitée à des systèmes de taille modeste. Plus on augmente le nombre de qubits et la complexité des interactions, plus la validation devient difficile.

Reste quand même qu’un nouveau pas vient d’être franchi vers les premières applications réelles de l’informatique quantique. Ce n’est pas le pas de géant que le marketing US essaye de nous vendre. Mais c’est bien un petit pas en avant. Bien d’autres seront encore nécessaires. Mais la révolution quantique, pas après pas, se rapproche.



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