Gouvernance

Appliquer la méthode agile aux grands projets informatiques

Par La rédaction, publié le 06 septembre 2017

N’y a t-il pas un paradoxe à continuer de s’appuyer sur des modèles de gestion de projet vieux de 20 ans pour développer les grands programmes informatiques ? Seraient-ils les seuls à échapper à la transformation des process et de la culture produit née de l’économie digitale ? Ces questions méritent d’être posées alors que nombre de dirigeants ont perdu toute confiance dans leur service informatique. On le sait, trop d’initiatives technologiques d’envergure déployées sur plusieurs années engloutissent des millions de dollars, mais subissent des retards coûteux et des dépassements budgétaires incontrôlables sans toujours créer la valeur attendue pour l’entreprise. Pire, certains de ces mégaprojets n’aboutissent pas, passant par pertes et profits. Ces échecs ont tendance à accentuer la méfiance des dirigeants et donc à renforcer les modèles traditionnels de contrôle prédictif et de planification qui laissent peu de place au changement. Pour sortir de cette impasse, nous sommes convaincus que les grands projets informatiques de back-office — comme la chaîne d’approvisionnement, la gestion du capital humain ou la planification des ressources — doivent adopter une approche agile. Ces méthodes inspirées des start-up du digital et axées sur des process courts d’amélioration continue sont déjà utilisées par de grandes entreprises pour la conception de produits et de services pour leurs clients. Elles peuvent être appliquées à la gestion de projets informatiques complexes en suivant cinq grands principes qui réinventent en profondeur leur exécution.

Les directeurs de projets et les architectes ne sont pas assez connectés aux utilisateurs finaux, qu’ils soient collaborateurs ou clients. Aujourd’hui, il est essentiel de faire entrer l’empathie dans la conduite du projet. La compréhension de leurs attentes et de leur expérience fait partie de l’ADN des start-up du digital. Cette observation ne peut pas se limiter à quelques entretiens. Elle passe par des tests réguliers, des hypothèses et des produits en cours de conception. Les équipes projet doivent ainsi s’impliquer directement auprès des utilisateurs potentiels, réaliser des études ethnographiques ou encore participer à des groupes de discussion.

Deuxième axe fort de l’approche agile, décomposer un projet complexe en sous-projets de taille variable et réalisables en quelques semaines ou quelques mois permet aux équipes de développer un produit un minimum viable. Testé par des utilisateurs, il pourra être rapidement amélioré par itération. Loin d’être plus coûteuse, cette méthode évite de partir dans la mauvaise direction et se concentre sur des indicateurs de performance en identifiant à temps des fonctionnalités qui se révèlent finalement inutiles ou au contraire en en découvrant d’autres, créatrices de valeur.

On le comprend, pour adopter une gestion agile, on ne peut plus s’appuyer sur le cahier des charges initial tel qu’il existe, encyclopédique et figé dans le temps. Dans un monde digital en constante évolution, ce modèle s’avère particulièrement contre-productif créant en outre de véritables dysfonctionnements dans les relations entre les équipes informatiques et les dirigeants. On préférera une approche empirique. Les prototypes des sous-projets permettent de fournir rapidement une estimation des coûts et de la valeur du produit à court et à long terme. Ils seront améliorés après avoir été testés par les utilisateurs finaux, puis réévalués. Les dirigeants peuvent ainsi piloter le projet au fil du temps sur la base de premiers résultats tangibles.

Enfin, ces nouvelles méthodes impliquent un véritable changement culturel. Il s’agit de libérer la créativité des développeurs, souvent mal utilisée, afin de trouver des solutions innovantes et inédites à des problèmes complexes. Il s’agit aussi d’encourager la transparence sur l’avancement du projet et sur les échecs afin d’en faire des sources d’amélioration.

Devenue une priorité absolue pour les dirigeants, la stratégie numérique a besoin de pouvoir s’appuyer sur la réussite de ses grands projets informatiques. L’approche agile est une des réponses à cette exigence. Les dirigeants ont un rôle essentiel à jouer en soutenant une culture organisationnelle qui valorise l’expérimentation, tolère les échecs et reste concentrée sur les besoins des clients.

Antoine Gourévitch, directeur associé senior, BCG Paris

 

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