Gouvernance

« Apporter le digital aux gestes séculaires du BTP »

Par François Jeanne, publié le 01 octobre 2018

Il a commencé sa carrière sur le « chantier du siècle », celui d’EuroTunnel. Sa passion pour les métiers de la construction est restée intacte et aujourd’hui, comme DSI d’un grand acteur français du secteur, c’est le chantier de la digitalisation qui le motive.

Homme de tempérament, Stéphane Rousseau ? Certainement. Se mettre à courir après 45 ans, jusqu’à finir des marathons, pour ne pas passer à côté d’un beau challenge, n’est pas banal ! Comme l’a été, dès le début de sa carrière de jeune ingénieur sorti de l’ISEN, sa décision de partir de son Nord natal pour s’exiler à Londres. « À une époque où il n’y avait pas encore Erasmus, le challenge était intéressant. Il m’a permis de découvrir l’ambiance d’une start-up qui faisait dans la télévision numérique, mais aussi une ville et une langue. J’ai eu envie d’y rester, et j’ai eu l’opportunité de réaliser mon VSNE* chez Eurotunnel, de l’autre côté du Channel », explique notre homme. Pour une première approche du BTP, le voilà servi : c’est le plus grand chantier du siècle et même sur le plan informatique, tout est à inventer avec, par exemple, la gestion de cartes bancaires multizones ou l’édition des premiers tickets électroniques. « Pendant trois ans, l’ambiance a été survoltée. Comme jeune ingénieur, j’ai eu des responsabilités de projets assez vite », se souvient-il.

Lorsque le rythme se calme, avec retour des équipes d’exploitation sur Calais, Stéphane Rousseau hésite : quitter Londres, vraiment ? La réponse sera positive pour atterrir… à Paris, une autre grande ville, sur un projet de mise en place d’ERP. « Sauf qu’il a été abandonné quelques mois après, avec licenciement à la clé », se rappelle-t-il. Rien de personnel, comme disent ses patrons (américains). La leçon est tout de même rude et Stéphane Rousseau choisit de poser ses valises dans une entreprise où l’IT est au centre du jeu. Ce sera chez HP où il devient responsable d’une équipe d’une vingtaine d’ingénieurs, voyage beaucoup, améliore encore sa pratique de l’anglais et apprécie les projets multiculturels. « À la fin, il m’a tout de même fallu choisir entre une carrière d’expert et celle de manager », justifie notre interlocuteur.

Et justement Eurovia, filiale Travaux Publics du Groupe Vinci, vient le chercher pour devenir le DSI d’une direction d’environ 90 personnes. « J’avais 35 ans et mon envie de travailler dans ce secteur a rejoint leur stratégie RH d’investissement sur le long terme pour les fonctions de management », ajoute Stéphane Rousseau. Les années 2003-2010 sont passionnantes à vivre pour le nouveau CIO, avec un renforcement de la place du numérique dans des métiers traditionnellement manuels. « Nous avons connu alors la dématérialisation des rapports de chantiers, l’arrivée de la mobilité sous toutes ses formes et le début de la digitalisation de nombreux processus métier », décrit notre homme. Il reprend ensuite la DSI de Vinci Autoroutes (200 collaborateurs) et mène des projets qui mixent systèmes d’information, électrotechnique ou encore génie civil.

C’est finalement chez Eiffage qu’il s’installe comme Group CIO en 2014. « Je suis directeur d’une société du groupe, avec certes un marché captif, mais des responsabilités financières, RH… C’est important dans une organisation qui valorise les entrepreneurs », souligne-t-il. Mais c’est bien sûr comme apporteur de solutions qu’il souhaite imposer sa marque et à ce titre, la transformation numérique en cours dans son secteur le passionne. « Nous avons longtemps pensé que la dimension manuelle séculaire de nos métiers les protégeraient de toute disruption. Ce n’est plus aussi certain, à l’heure où des pureplayers du digital s’invitent comme intermédiaires entre nous et nos clients historiques. Et puis comment empêcher qu’en lisant l’expression “smart building”, le public pense que l’intelligence est du côté des acteurs du numérique » ? La réponse est toute trouvée : « il faut faire le chemin inverse et inscrire nos entreprises dans leur écosystème digital en assumant notre leadership dans ce lien qui va se créer entre le digital et le physique. Ce sera évidemment un gros enjeu en termes d’innovation », conclut-il.

Portrait réalisé par François Jeanne

Mini Bio : Stéphane Rousseau

Depuis octobre 2017 : Administrateur Cigref
Depuis 2014 : CIO eiffage
2012 – 2014 : CIO Vinci Autoroute
2010 – 2012 : CTO Cofiroute (Groupe Vinci)
2003 – 2010 : CIO eurovia (Groupe Vinci)
1998 – 2002 : It manager – HP
1997 : Analyste Carrier – ETO
1991 – 1997 : Chef de projet – Eurotunnel
1989-1991 : Ingénieur développement – Questech
1989 : Diplômé ISEN (École d’Ingénieur des Hautes technologies et du Numérique)

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