Gouvernance

Contrefaçon de logiciel: la délicate preuve de son originalité, par Pierre-Randolph Dufau, avocat à la cour et fondateur de la SELAS PRD avocats

Par Adrien Geneste, publié le 14 février 2014

LES FAITS
 
Les créateurs du logiciel « L’analyse mensuelle » s’estimant contrefait par le logiciel « L’assistant financier » intégré par Microsoft dans la version française de sa suite « Office Edition PME » l’ont assigné en contrefaçon de leurs droits d’auteurs. L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 14 novembre 2013 permet de faire un rappel utile du critère de l’originalité d’un logiciel (Cass. Civ., 14 novembre 2013, n° 12-20.687).

Le principe de la protection du logiciel par le droit d’auteur a été consacré en France par la loi du 3 juillet 1985 et en Europe par la directive européenne du 14 mai 1991, alors qu’un 
débat l’opposait à la protection par le droit du brevet. Dès lors, le logiciel est protégé comme toute œuvre littéraire et artistique, sans aucune formalité particulière, à la seule condition qu’il soit original. Les concepts habituels du droit d’auteur sont pourtant difficilement transposables à la création logicielle. En effet, les créateurs s’intéressent souvent plus au caractère innovant de la solution, caractère toutefois indifférent du droit d’auteur et distinct de l’originalité.
 
Les contours de l’originalité d’une œuvre logicielle
 
En l’absence de définition de l’originalité du logiciel, il est communément admis de se référer à la jurisprudence Pachot (Cass, Ass. Pl., 7 mars 1986, n° 83-10477) selon laquelle « l’originalité d’un logiciel consiste dans un effort personnalisé allant au-delà de la simple mise en œuvre d’une logique automatique et contraignante ». De manière traditionnelle, le présent arrêt distingue les éléments constitutifs du logiciel protégés par le droit d’auteur de ceux qui ne bénéficient pas de protection juridique. En effet, le logiciel est composé de plusieurs éléments mais seul le matériel de conception préparatoire, les lignes de programmation, les codes ou organigrammes sont protégeables à ce titre. À l’inverse, les fonctionnalités, les algorithmes, les interfaces et les langages, les programmations, qui constituent des éléments à l’origine de la conception même du logiciel ne présentent pas un caractère d’originalité suffisant. En l’espèce, la Cour a jugé que les demandeurs ne démontraient pas l’originalité revendiquée portant sur le traitement de l’information comptable, qui, selon eux, avait nécessité de nombreuses heures de travail et plus de 2 000 lignes de programmation pour l’édition des différents tableaux de gestion, de graphiques et d’un rapport de synthèse, avec notamment la création de barres de menus spécifiques, de routines d’importation et de balances et la confection automatique de tableaux de bord. L’occasion de rappeler que la charge de la preuve en matière de contrefaçon 
pèse sur celui qui l’allègue. Sur d’autres fondements, subsiste l’action en concurrence déloyale. En l’espèce, la Cour casse
l’arrêt d’appel sur ce moyen.
 
CE QU’IL FAUT RETENIR
 
L’originalité d’un logiciel est une preuve difficile à rapporter mais nécessaire en cas d’action en contrefaçon de droit d’auteur. Il convient de conserver tout document constitutif pertinent et d’être notamment en mesure de démontrer que les choix techniques opérés sont différents de ceux des concurrents et apportent une solution particulière. Par ailleurs, il convient également de se ménager la preuve de sa titularité à une date certaine par le dépôt, par exemple, de son logiciel auprès de l’Agence pour la Protection des Programmes (APP).
 

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