Eramet produit des modèles IA à la chaîne grâce à sa Data Foundry...

Data / IA

Eramet : Sa « data foundry » produit les modèles IA à la chaîne

Par Alain Clapaud, publié le 31 mai 2023

Le groupe minier Eramet traque les gisements de productivité et de réduction de son empreinte carbone dans la data. Dans ce secteur, les champs d’application de l’IA sont particulièrement vastes et le payback parfois très rapide.

Groupe minier et métallurgique français, Eramet extrait notamment du nickel, du manganèse, du lithium, des sables minéralisés et autres métaux qui participent à la transition énergétique, notamment dans la fabrication des batteries. « Il faudra trouver autant de métaux dans les dix à quinze prochaines années que ce qui a été extrait depuis les débuts de l’Humanité, résume Ludovic Donati, directeur Transformation & Performance Numérique du groupe Eramet. Pour accompagner cette évolution, notre transformation digitale nous permet de produire plus et de produire mieux. Nous l’avons construite autour de plusieurs axes : connecter la géologie à l’économie ; lier le monde des matières premières aux besoins de l’industrie et de toutes les filières aval ; optimiser nos procédés par le big data et l’intelligence artificielle ; et enfin, assurer la traçabilité et la qualité de nos produits depuis leur élaboration jusqu’aux clients, dans le respect de notre stratégie RSE. »

Une approche de recherche de la valeur métier pragmatique

L’idée d’exploiter la data et l’intelligence artificielle se concrétise en 2018, avec une approche très pragmatique : identifier des cas d’usage qui permettront de démontrer l’utilité de ces technologies, puis capitaliser autour de ces premières pistes pour monter une véritable équipe data.

Le premier projet concerne l’activité métallurgie. Il faut en effet chauffer le minerai de manganèse à plus de 1 500°C pour produire des alliages qui servent ensuite à la production d’acier. Ce processus industriel consomme énormément d’énergie et son empreinte CO2 est très élevée. « Pour ce cas d’usage, nous avons développé des algorithmes qui exploitent en temps réel les données produites par le processus de production. À partir des capteurs placés sur les fours, ces algorithmes fournissent aux métallurgistes des recommandations d’optimisation de leurs réglages, afin de maximiser le rendement et de diminuer la consommation d’énergie des fours. Nous sommes ainsi parvenus à réduire de 2 à 4 % cette consommation, ce qui représente des montants énormes et réduit aussi l’empreinte environnementale du processus. »

L’optimisation de l’exploitation des mines à ciel ouvert à partir des images de drones permet de gagner quelques pourcents sur la consommation de carburant des dumpers, ces camions géants à l’appétit gargantuesque. Un gain dont l’impact est immédiat.

Un deuxième cas d’usage déployé en Nouvelle-Calédonie porte sur l’optimisation du mix énergétique qui alimente la fonderie du groupe. Le choix de la source d’énergie est modulé en fonction de divers paramètres, dont la météo, les réserves hydroélectriques ou les énergies fossiles.

« Nous avons mené ces premiers projets avec plusieurs partenaires, dont Capgemini Invent et des start-up, avec pour but d’apprendre comment structurer une équipe data et, de proche en proche, atteindre la bonne taille et la meilleure organisation possible. Nous devions notamment tenir compte du fait que notre groupe a une empreinte en France métropolitaine assez légère par rapport à notre présence à l’international. »

Peu à peu, une « data foundry » est organisée. Elle réunit aujourd’hui une quarantaine d’experts du digital et de la DSI : des chefs de projet, des designers UX et des experts du design thinking, ainsi que des data scientists et des développeurs frontend / backend, des data engineers et des experts cybersécurité venus de la DSI. En parallèle, cette dernière a mis en place une infrastructure data qui s’appuie essentiellement sur les solutions de Microsoft Azure Data Factory pour la collecte des données issues du système d’information, sur Databricks pour nettoyer ces données, et sur Azure Web Apps pour le volet restitution des résultats.

Ludovic Donati
Directeur Transformation & Performance Numérique du groupe Eramet

« Bien utilisés, le digital et la data peuvent être des leviers complémentaires pour remplir des objectifs RSE extrêmement importants dans les secteurs minier et de la métallurgie. »

Après ces projets très industriels, les domaines d’étude de l’équipe data vont se diversifier. Outre la maintenance prédictive sur la filiale ferroviaire au Gabon afin d’accroître la capacité de transport de la voie unique qui traverse ce pays d’Est en Ouest, les data scientists vont imaginer de multiples cas d’usage à partir d’une nouvelle source de données, les drones.

L’analyse des images des drones, une source inépuisable

Ainsi au Sénégal : Eramet y extrait des sables minéralisés qui permettent notamment la fabrication de pigments pour les peintures. Une drague flottante pompe du sable dont on extrait ensuite les minéraux lourds qu’il contient (1 % du volume), avant sa réinjection sur le banc d’origine. « Ces bancs de sable sont à re-végétaliser avant d’être restitués au gouvernement. Nos data scientists ont développé des algorithmes d’IA afin de reconnaître les différentes espèces d’arbres qui doivent être replantés après l’exploitation. Les drones surveillent ensuite la nouvelle végétation bien plus facilement que des agents qui doivent se déplacer au sol. Nous avons ainsi pu remettre au Sénégal une partie des parcelles qui ont été exploitées avec plus d’arbres qu’avant l’exploitation. »

L’utilisation intensive des drones pour alimenter le modèle d’un jumeau numérique n’a pas été retenue. L’empreinte CO2 du process complet était trop élevée.

Des drones survolent aussi les mines à ciel ouvert du groupe en Nouvelle-Calédonie et au Gabon afin de réaliser très régulièrement des relevés topographiques. Analysées par des algorithmes, ces images permettent d’évaluer les niveaux de stocks de minerai et l’état des routes empruntées par les énormes dumpers. Cette information est précieuse pour l’optimisation du transport. Mais attention à ne pas aller trop loin dans l’usage du digital, souligne Ludovic Donati : « Nous avions le projet de créer un jumeau numérique et de faire voler les drones tous les jours afin de l’alimenter. Cela représente énormément de données à traiter et c’est relativement coûteux. Or nous n’avons pas nécessairement besoin de traiter autant de données. Nous avons fait évoluer ce cas d’usage en introduisant une notion de “retour sur environnement” sur le CO2 généré. »

Pour le responsable, il est important d’évaluer l’impact carbone dès la phase d’étude du cas d’usage afin de s’assurer que le projet n’aura pas une empreinte carbone supérieure à ce qu’il pourrait permettre d’économiser. Néanmoins, dans une industrie dont les process sont très électro-intensifs et demandent beaucoup d’énergie, le digital démontre très rapidement ses vertus.


LE PROJET EN CHIFFRES

40 personnes dans la « data foundry »

20 projets data & IA, dont une dizaine en production

3 à 12 mois: le ROI par projet


L’ENTREPRISE ERAMET

Activité : Activités minières
Effectif : 8 523 collaborateurs
CA (2021) : 3,67 Md€


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