Jules Verne, le premier HPC exaflopique hébergé en France

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La France accueillera le second HPC exaflopique de l’Europe

Par Laurent Delattre, publié le 22 juin 2023

Après l’Allemagne sélectionnée dès l’an dernier, la France accueillera bien le second supercalculateur exaflopique d’Europe, nommé Jules Verne. C’est ce que vient de confirmer l’initiative commune EuroHPC qui financera la moitié du projet.

Voilà, c’est fait. Le projet « Jules Verne » du GENCI vient d’être approuvé par l’organisme européen EuroHPC qui gère et finance les projets de supercalculateurs en Europe. Ce n’est pas une surprise, et la nouvelle était attendue. Mais dans l’univers d’incertitude des petits jeux politiques européens on n’est jamais à l’abri d’une déconvenue.

Le TGCC (Très Grand Centre de Calcul) du CEA va donc bien accueillir ce qui sera le second super-ordinateur HPC « exaflopique » de l’Europe.

L’Europe talonne les USA

Pour rappel, il n’existe aujourd’hui qu’un seul supercalculateur dans le monde à être entré dans l’ère exascale : Trônant tout en haut du célèbre classement TOP500.org, le Frontier du Oak Ridge National Laboratory (dans le Tennessee aux USA) culmine à 1,194 ExaFLOPs, soit plus de 1 milliard de milliards d’opérations en virgule flottante (de précision 64 bits) par seconde !

Un 1 suivi de 18 zéros… C’est ça l’Exascale !

Pour contrer l’avance américaine née en mai 2022 avec la mise en opération du Frontier, l’Europe avait durant l’été 2022 annoncé son intention de financer deux HPC exaflopiques. Quelques semaines plus tard, on apprenait que JUPITER, le premier de ces deux monstres informatiques, serait hébergé en Allemagne au Jülich Supercomputing Center.

Après Jupiter, Jules Verne…

Cette semaine, le second élu a donc été dévoilé. C’est bien le projet « Jules Verne » porté par la France et les Pays-Bas qui a été retenu. Le supercalculateur sera construit et hébergé au TGCC du CEA à Bruyères-le-Châtel (dans l’Essonne) sous la supervision du GENCI.

Tout comme les 8 autres supercalculateurs EuroHPC existants, ce nouveau système sera mis à la disposition d’un large éventail d’utilisateurs européens, où qu’ils se trouvent en Europe, dans la communauté scientifique, ainsi que dans l’industrie et le secteur public.

Le communiqué de presse du GENCI précise : « Ce projet répond à des enjeux sociétaux et globaux majeurs correspondant aux stratégies nationales des Pays-Bas et de la France, notamment dans le cadre de France 2030 pour cette dernière. Le supercalculateur agira comme un accélérateur souverain dans la modélisation plus fine des effets du changement climatique, dans le développement de nouveaux matériaux, d’énergies et de solutions pour la mobilité décarbonées, dans la création de jumeaux numériques du corps humain permettant la médecine personnalisée ou encore dans l’entraînement de la prochaine génération d’IA générative ou de modèles multimodaux. Il abordera également les défis liés à l’explosion des données générées par les instruments scientifiques (tels que les télescopes, les satellites, les séquenceurs, les microscopes, les réseaux de capteurs…), par les dispositifs IoT/Internet ou par les grandes simulations multi-numériques. Cette avalanche de données rend l’utilisation de ces supercalculateurs cruciale pour la science, l’industrie et les décideurs, afin de traiter ces données dans des délais compétitifs et de la manière la plus efficace possible sur le plan énergétique ».

Le projet, qui représente un investissement de 542 millions d’euros sur 5 ans, sera financé à 50% (271 millions d’euros) par EuroHPC, à hauteur de 8 millions d’euros par le Ministère néerlandais de la Culture, de l’Éducation et des Sciences, et à hauteur de 263 millions d’euros par le gouvernement français. L’ONERA et l’IFPEN ont exprimé leur intention de rejoindre la partie française du consortium ouvrant la voie à d’autres instituts de recherche et à des industriels français.

De grandes ambitions

« L’approbation par EuroHPC de la candidature du consortium Jules Verne est une excellente nouvelle pour la recherche française et européenne. Il s’agit d’une nouvelle étape importante dans la sécurisation du financement d’un supercalculateur de classe Exascale… » s’est félicitée Sylvie Retailleau, Ministre française de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. « Ces moyens de calcul seront nécessaires pour relever les défis scientifiques et technologiques qui nous attendent, comme le changement climatique, la transition énergétique ou la santé. Le supercalculateur jouera donc un rôle clé pour garantir notre souveraineté technologique et notre compétitivité industrielle, et j’espère que de nouveaux partenaires publics et privés rejoindront le consortium dans les prochaines semaines ».


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Pour Philippe LAVOCAT, PDG de GENCI, « c’est une reconnaissance internationale de l’expertise scientifique et technique française à combiner les applications de la simulation numérique, l’analyse de données massives, l’intelligence artificielle et bientôt l’informatique quantique hybride et en mettant en œuvre des technologies matérielles et logicielles européennes. Surtout, ce sont les premiers pas dans l’ère de l’exascale qui va permettre à nos communautés de recherche nationales de réaliser le rêve de la simulation de phénomènes complexes pour résoudre des énigmes scientifiques historiques ainsi que la possibilité de pouvoir être créatif en matière de dispositifs pour répondre aux enjeux industriels et sociétaux de l’énergie, des matériaux innovants et de la santé, comme par exemple le traitement des maladies neurodégénératives. »

Des technologies à définir et à choisir…

Et l’enjeu est d’autant plus stratégique qu’on apprend que la construction d’Aurora, le second HPC exaflopique des USA qui a pris plus d’un an de retard, est en phase d’achèvement. Intel a en effet confirmé avoir livré les 10.624 lames serveurs qui composent l’installation de base (chaque lame embarquant 2 Intel Xeon Max de quatrième génération et 7 GPU Intel Ponte Vecchio). Il doit dépasser les 2 ExaFLOPS en pic de calculs.

En revanche on ne sait encore rien des performances et des composants qui animeront le Jules Verne. On ne connaît pas non plus les prestataires techniques qui seront sélectionnés pour le concrétiser.
Ce n’est pas surprenant puisqu’on n’en sait pas plus du JUPITER dont le constructeur technologique ne sera annoncé qu’en Septembre 2023 pour un début d’installation au premier semestre 2024 et une mise en opération vers la fin de l’année 2024.

Le Jules Verne disposant d’un budget très similaire devrait être d’une puissance équivalente mais ne devrait être démarré qu’en 2025 voire 2026.

Reste à savoir si les ingénieurs oseront adopté le nouveau processeur européen de SiPearl ou s’ils préfèreront les technologies américaines d’Intel ou AMD pour animer ce futur monstre du calcul scientifique.


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