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La France s’apprête à dévoiler 18 mesures omnibus, promesse d’un « choc de simplification »

Par Thierry Derouet, publié le 29 janvier 2025

Alors que l’Union européenne s’apprête à présenter, le 26 février prochain, un vaste paquet législatif « omnibus » pour alléger les contraintes pesant sur les entreprises, la France a déjà révélé sa propre feuille de route dans une note datée du 20 janvier, sur laquelle nous avons pu mettre la main. Voici les principaux points à retenir.

Le 20 janvier dernier, le commissaire français Stéphane Séjourné, vice-président exécutif de la Commission européenne à la prospérité et à la stratégie industrielle, a provoqué une vive réaction dans le monde de la RSE en évoquant à l’antenne de France Inter une suppression du reporting « à des fins de simplification » en affirmant « On garde les objectifs climat, notamment, mais on change le parcours pour les entreprises pour y arriver, avec une suppression du reporting ». Bourde ? Assurément, car le sujet est quelque peu sensible et pour l’heure rien n’est réellement acté.

Un paquet législatif nommé« omnibus »

C’est un fait : l’Union européenne se prépare à publier un important paquet législatif « omnibus » le 26 février prochain pour alléger la charge bureaucratique pesant sur les entreprises. L’objectif principal est de réduire les charges administratives et réglementaires pesant sur les entreprises européennes, notamment en matière de reporting de durabilité et de devoir de vigilance, tout en maintenant les objectifs de transition écologique.

Cette initiative intervient en réponse aux critiques émises par plusieurs gouvernements européens, dont la France, ainsi que par le patronat, dénonçant la complexité et la lourdeur de certaines réglementations.

L’attention se porte désormais sur le 26 février, date à laquelle seront dévoilés les détails du paquet « omnibus ». Les mesures de simplification concrètes envisagées par la Commission européenne seront présentées, de même que les textes législatifs concernés et les modalités d’application.

Les entreprises et les parties prenantes attendent en particulier de savoir dans quelle mesure les lois existantes seront modifiées, si les normes environnementales et sociales seront préservées ou revues à la baisse, à quel moment les nouvelles règles entreront en vigueur, et surtout, quelles initiatives concrètes seront mises en place pour alléger les procédures et réduire les obligations de reporting.

Simplifier n’est pas si simple

Une fois le paquet rendu public, il devra logiquement suivre l’ensemble du processus législatif européen : la Commission européenne, qui en est à l’origine, soumettra son texte aux institutions, tandis que le Conseil européen — représentant les États membres — et le Parlement européen — incarnant les citoyens de l’Union — devront à leur tour l’approuver. Cette procédure peut s’étaler sur une période significative, en fonction de la complexité des amendements proposés et du consensus politique au sein de chaque institution.

Une note interne que devra présenter le gouvernement

La rédaction d’IT for Business a mis la main sur la note interne où la France détaille son propre plan de simplification dans une note interne datée du 20 janvier. S’inspirant du constat de Mario Draghi — selon lequel l’UE perdrait 10 % de son potentiel de PIB à cause d’une réglementation trop complexe —, le gouvernement français préconise un gel réglementaire et un réexamen des textes existants, une meilleure protection des ETI, ainsi qu’un allègement des obligations de reporting en matière de développement durable. Des mesures qui suscitent autant d’espoir que de débats parmi les acteurs économiques et environnementaux, à l’approche de la publication de la loi « omnibus ».

Le ministre délégué chargé de l’Europe, Benjamin Haddad, devrait officiellement présenter ces 18 mesures dans les jours précédant la publication du paquet “omnibus”

Le ministre délégué chargé de l’Europe, Benjamin Haddad, devrait officiellement présenter ces 18 mesures dans les jours précédant la publication du paquet “omnibus”

Au cœur de cette note figure l’idée d’une pause réglementaire « massive », assortie d’un réexamen des législations en cours de négociation et même de certains textes fraîchement adoptés, afin de les ajuster au nouvel environnement concurrentiel mondial et de répondre aux pratiques souvent considérées comme « non coopératives » des concurrents internationaux.

Une nouvelle catégorie d’entreprises

La France propose par ailleurs la création d’une catégorie statistique dédiée aux ETI (de 250 à 1 500 employés, avec un chiffre d’affaires maximal de 1,5 milliard d’euros ou un total de bilan n’excédant pas 2 milliards d’euros), leur permettant de bénéficier d’allègements administratifs jusqu’ici réservés aux seules PME.

Dans la foulée, une législation « omnibus » pourrait étendre à ces mid-caps divers dispositifs de simplification : un signal, selon Paris, de la volonté de valoriser leur potentiel et de leur conférer une plus grande marge de manœuvre dans l’arène économique européenne.

Simplifier pour certaines entreprises la directive CS3D

Sur le volet du développement durable, la France suscite autant d’espoir que de débat en demandant un report indéfini de l’entrée en vigueur de la directive CS3D (Corporate Sustainability Due Diligence). Ce texte impose aux entreprises de solides obligations en matière de vigilance sur l’ensemble de leurs chaînes d’approvisionnement, avec pour ambition de prévenir les atteintes aux droits humains et de limiter l’impact environnemental. Paris suggère de réserver cette obligation aux entreprises dépassant un certain seuil (5 000 salariés et 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires pour les Européennes, ou 1,5 milliard d’euros pour les non-Européennes intervenant sur le marché intérieur), de confier la supervision à une autorité unique au niveau de l’Union et de centraliser les démarches au sein du groupe pour éviter les lourdeurs administratives.

Alléger la CSRD mais par pour toutes les entreprises

Autre thème phare, la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), saluée pour son objectif de transparence sur la durabilité, fait l’objet de critiques quant à sa proportionnalité. La France souhaite ainsi en alléger la charge : réduire le nombre d’indicateurs exigés, élargir aux ETI l’accès à des normes de reporting simplifiées et plafonner le fardeau imposé aux sous-traitants. Elle se dit également prête à accepter un report de deux ans de l’entrée en vigueur de la directive, sous réserve d’une coordination avec les États ayant déjà entamé sa transposition.

Et tout un chapelet de propositions

Ces propositions s’accompagnent d’autres ajustements notables : la refonte du ratio d’actifs verts prévu dans le cadre de la taxonomie, la diminution des obligations de reporting pour les installations industrielles, l’allègement de certaines normes bancaires (avec un nouveau report des exigences prudentielles liées à Bâle III (1)), ou encore la mise en place d’un cadre temporaire pour accélérer l’octroi d’aides d’État aux secteurs cruciaux de la décarbonisation et de la transition industrielle.

Un joyeux fourre tout ?

La note française liste également la modernisation des procédures de notification des règles techniques, la révision du règlement REACH (2), l’harmonisation des dérogations pour les régions ultrapériphériques, ou encore la définition d’un statut européen unique pour les jeunes entreprises innovantes, conjugué à l’éventualité d’un « 28e régime » de droit des sociétés. De plus, elle suggère diverses mesures de simplification pour le secteur agricole, afin de réduire le nombre de contrôles, de faciliter l’accès aux aides et de renforcer la gestion des risques liés aux aléas climatiques et sanitaires.

Des questions à juste titre

En toile de fond, une question anime les observateurs : à quel point la loi « omnibus » en préparation, censée réviser plusieurs textes du Green Deal (dont la CSRD, la directive sur le devoir de vigilance et la taxonomie verte), tiendra-t-elle compte de ces demandes de simplification ? Certains craignent un dangereux coup de rabot sur les objectifs sociaux et environnementaux, tandis que d’autres plaident pour un équilibre : alléger les contraintes bureaucratiques sans pour autant renoncer aux ambitions initiales. Les entreprises déjà investies dans la transition réclament une approche ciblée et des dérogations à la marge, plutôt qu’un abandon général des obligations de transparence. Les détails définitifs de l’« omnibus » devraient être précisés le 26 février 2025, laissant encore planer un certain flou sur l’ampleur véritable de cette réforme et le visage qu’elle donnera à la future réglementation européenne.

(1) Bâle III est un ensemble de mesures convenues à l’échelle internationale, que le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire a élaboré en réponse à la crise financière de 2007-2009. Ces mesures visent à renforcer la réglementation, le contrôle et la gestion des risques des banques.

(2) REACH est un règlement européen (règlement n°1907/2006) entré en vigueur en 2007 pour sécuriser la fabrication et l’utilisation des substances chimiques dans l’industrie européenne.

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