Quand les services publics utilisent l'IA générative de Mistral AI pour mieux répondre aux concitoyens....

Data / IA

Laurent Blanc (Services Publics+) : « Avec Mistral 7B, on a réduit les délais de réponse de plus de 50% ! »

Par Thierry Derouet, publié le 09 janvier 2024

Suite à l’expérimentation menée au sein de la Ministère de la Transformation et de la Fonction Publique, le traitement des réponses de la plateforme Services Publics+  serait passée de 19 à seulement 3 jours. Retour d’une expérience menée auprès d’un millier d’agents publics.

C’est en octobre 2023 que Stanislas Guerini, le Ministre de la Transformation et de la Fonction Publique, a initié un projet pilote pour incorporer l’intelligence artificielle générative dans les rouages des services publics. Ce virage numérique, s’inscrivant dans le programme Services Publics+ orchestré par la direction interministérielle de la transformation publique, a mobilisé quelque mille agents. Ces derniers ont adopté l’IA pour élaborer des réponses aux commentaires en ligne des usagers, une évolution majeure dans la manière dont le gouvernement interagit avec ses citoyens.

Pour en savoir plus, nous nous sommes rendus au sein de cette Direction pour rencontrer deux des responsables de cette initiative, Ghislain Deriano, à la tête du service Expériences Usagers et Laurent Blanc, à la tête du pôle plateforme Services Publics+ et Conseiller à la Sécurité Numérique, pour faire le point sur cette action.

Rappelons que cette expérimentation fait également suite à la décision de la Première ministre prise lors du 7e comité interministériel de la transformation publique (CITP) en mai 2023. Tout a donc été très vite.

45 millions de Français concernés

Au cœur de Service Publics+, Laurent Blanc s’attelle avec minutie à dissiper les petits tracas qui émaillent la vie quotidienne des Français. « Je peux vous lister les soucis signalés par les usagers, jour après jour, mois après mois, » révèle-t-il. Sa mission ? Identifier avec soin les points de friction, ces irritants quotidiens, afin de les résoudre promptement, garantissant ainsi une amélioration constante des services aussi bien pour les citoyens que pour les agents de l’État. Il souligne l’aspiration du programme à enrichir l’expérience de service public pour une population cible de 45 millions de Français et presque 2,5 millions d’agents, en rendant l’accès plus aisé et plus intuitif, dans un effort constant d’écoute, d’analyse et d’évolution.

Laurent Blanc se penche sur les défis que son équipe doit relever, une collecte de signaux faibles, comme ceux liés à la récente réforme de l’obligation déclarative d’occupation des biens immobiliers, instaurée pour cibler les propriétaires encore sujets à la taxe d’habitation : « Ces petits signaux, on les capte et on les envoie là où il faut, avec un ‘faites attention ici’ ».

À la tête du service Expériences Usagers, Ghislain Deriano partage avec enthousiasme comment ils parviennent à saisir l’essence des retours des citoyens : « On donne la parole à ceux qu’on sert. Chaque personne peut nous dire ce qui va ou ce qui coince », dit-il. Il illustre cette interaction en citant des exemples concrets : des remerciements pour l’accueil à la CAF de Nantes ou des frustrations dues à des attentes téléphoniques prolongées.

« Chaque personne peut nous dire ce qui va ou ce qui coince »

Ghislain Deriano – DITP

La collecte de données, la clé

La plateforme sous la houlette de Laurent Blanc a ouvert une fenêtre pour que les citoyens expriment en toute sincérité leurs opinions sur les services publics. Grâce à l’application de l’IA, aucun commentaire ne reste inexploré : chaque louange et chaque récrimination est soigneusement analysée, ce qui attribue une valeur réelle à chaque retour d’expérience. C’est cette analyse détaillée qui permet d’affiner l’écoute des services et de les ajuster précisément aux attentes variées des usagers.

Laurent Blanc reconnaît les défis auxquels les services publics doivent faire face : « Les citoyens attendent des services de qualité, et il est de notre responsabilité de répondre à ces attentes. »
Il admet que des problèmes comme les longs délais de traitement et la communication difficile avec les services doivent être adressés, et parle des efforts pour améliorer la situation, comme un plan pour faciliter l’accès téléphonique. Malgré les défis, comme une charge de travail conséquente et des ressources limitées, Blanc affirme que l’administration est unie dans son engagement à améliorer les services.

Laurent Blanc voit dans le retour des agents de terrain la vraie mesure du succès de l’IA dans les services publics. « C’est eux qui en parlent le mieux. Ils trouvent ça bluffant, » dit-il, prêt à montrer les résultats concrets de cette innovation. Il note aussi que l’IA aide les agents à éviter de partir de zéro, facilitant leur travail et leur permettant de mieux formuler leurs réponses.

Une IA destinée à gagner du temps pour l’essentiel

Pour Blanc, accompagner les agents dans l’usage de l’IA est essentiel. Il souligne que l’IA n’est pas là pour remplacer leur savoir-faire, mais pour les soutenir, notamment dans les situations complexes qui demandent plus d’attention. « Les agents, impressionnés, voient dans l’IA un outil pour se concentrer sur des tâches plus ardues, » explique-t-il.

« Les agents, impressionnés, voient dans l’IA un outil pour se concentrer sur des tâches plus ardues »

Laurent Blanc – DITP

L’open data à l’origine de la démarche

Laurent Blanc précise certains éléments techniques de l’utilisation de l’IA dans les services publics, en se focalisant sur les données utilisées. « Nous avons des fiches open data de servicepublic.fr qui sont structurées et réglementées, utiles pour l’entraînement de nos modèles d’IA, » dit-il. Ces fiches offrent des informations claires pour aider à créer des réponses précises pour les usagers.

Il explique aussi l’importance des retours d’expériences collectés sur ServicePublic+. « Des centaines de milliers d’avis d’usagers nous aident à affiner nos IA pour répondre avec précision aux besoins spécifiques, » ajoute-t-il. L’approche technique inclut l’entraînement des modèles d’IA avec des données complètes et l’application de pré-filtres pour cibler les réponses, que ce soit pour des questions relevant de la gendarmerie, de la police ou de la distinction entre les CARSAT et la CNAV.

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Une approche technique pragmatique

Blanc aborde ensuite l’évolution des modèles d’IA : « Dans un premier temps, on s’est appuyé sur une start-up française qui utilisait Claude, le modèle d’Anthropic, et on a basculé très rapidement. Une fois qu’on avait trouvé qu’il y avait soit des limites, soit des modèles open source disponibles, on s’est appuyé depuis début novembre sur le modèle Open Hermès, le 7B, de Mistral AI. »
Il souligne les résultats « tout à fait surprenants » obtenus grâce à cette technologie.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes selon Blanc : « On a aujourd’hui trois informations qui sont incontestables, en tout cas par rapport à cette expérimentation-là, et par rapport à la fonctionnalité d’IA dans ce service. Le premier, on a réduit les délais de plus de 50%. » Il illustre cette amélioration par une réduction significative des délais de réponse, passant de plus de 19 jours à seulement 3 avec l’utilisation d’Open Hermès 7B. Il exprime également son impatience face aux développements futurs.

Un « fine tuning » de tous les instants

Laurent Blanc, évoque avec nous les méthodes rigoureuses pour affiner l’usage de l’IA dans les services publics. Il note que chaque avis reçu est scruté et évalué : « On vérifie chaque retour, » dit-il. Cette analyse permet d’améliorer les réponses futures dans des situations similaires, montrant une volonté de perfectionnement constant. Il mentionne aussi l’importance de mesurer l’impact de l’IA sur l’expérience utilisateur. Avec l’IA, les réponses sont 10% plus satisfaisantes pour les usagers, prouvant que l’IA peut enrichir le dialogue entre les citoyens et les services publics.

Big data et métadonnées

Il aborde la capacité analytique du programme : « Dans Service Public+, on analyse… on analyse toutes les expériences des usagers avec de l’analyse sémantique. » Cette analyse vise à identifier les « signaux faibles » et à améliorer continuellement le service en fonction des retours des usagers.

En termes de données, il révèle que « 140 métadonnées sont associées à chaque avis, » ce qui permet une analyse approfondie des retours. L’IA n’est pas seulement là pour traiter des problèmes, mais aussi pour apprendre et s’adapter grâce aux données accumulées.

Blanc détaille ensuite le fonctionnement et l’application de l’IA dans le service : « On est capable d’aller flécher de manière automatique les fiches qui renvoient vers de l’informationnel sur service-public.fr directement dans la réponse de l’IA qui va être proposée à l’usager. »

C’est l’humain qui pilote

Il souligne l’importance de l’interaction humaine, même dans un environnement technologiquement avancé : « Le troisième niveau, c’est… un bouton qui s’appelle ‘de détresse’. » Ce bouton permet d’assurer que l’humain reste au cœur du processus, offrant une échappatoire en cas de complexité trop importante pour l’IA.

Laurent Blanc, en endossant sa casquette de conseiller à la sécurité numérique, souligne l’importance de la sécurité dans la coordination des actions avec différents acteurs dans le domaine de l’intelligence artificielle : « Parce que l’aspect sécurité, pour le coup, elle est prépondérante et ça donne du sens à toute l’action qui est aujourd’hui coordonnée avec tout un ensemble d’acteurs, » il exprime, reconnaissant la primauté de la sécurité dans les initiatives numériques.

Une gouvernance prudente de la donnée publique

Abordant le sujet de la formation et des modèles d’IA, il précise : « Il y a la partie ‘Entraînement et modèle’. Et puis, il y a l’autre partie qui est celle, entre guillemets, de la ‘Souveraineté et l’entraînement des modèles’. » Il met en avant le double aspect technique et stratégique de l’utilisation des données dans l’IA.

Il met en avant les avantages des données ouvertes de Service Public+ : « Le gros avantage que nous avions sur Service Public+ ce sont des données qui sont toutes ouvertes et en open source. Elles sont toutes disponibles. Donc, si vous allez sur data.gouv, vous allez retrouver l’intégralité des avis des usagers de manière anonyme avec la réponse aussi formulée par l’IA. »

Enfin, il reconnaît les défis futurs : « Pour la suite, il va bien falloir effectivement opérer sur des données hautement sensibles, sur lesquelles il y a encore beaucoup à dire » posant ainsi des questions de sécurité et de souveraineté des données.


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