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Légiférer sur la neutralité d’Internet pour en finir avec l’utopie numérique

Par La rédaction, publié le 11 juillet 2013

La société numérique n’est pas cette île dont nous rêvons tous. Elle n’est pas séparée du monde réel par l’Océan du virtuel. Les deux univers ne font qu’un. Pour que cela fonctionne, nous devons collectivement en définir les règles.

L’impact des technologies de l’information sur l’ensemble des activités humaines est tel que désormais, on peut raisonnablement prétendre que la société – et même le monde – est devenue numérique. Fruit de l’utopie des inventeurs d’Internet, du Web, des logiciels libres et open source, des modèles économiques alternatifs et autres avatars en ce domaine, cette évolution de la société s’est produite essentiellement à côté des structures classiques de gouvernance. Des réseaux de savoir, d’expression et d’information se sont constitués parallèlement aux hiérarchies de pouvoir.

Mais, bien entendu, ces technologies ont également été utilisées à des fins moins nobles, illégales voire dangereuses, risquant de mettre en cause leurs fondements. La société est devenue numérique, mais elle n’est pas meilleure pour autant. Et elle reste une société de droit ! Que l’utopie cède la place à l’éthique, à la déontologie, aux normes… Après de nombreuses consultations publiques, la France se prépare à devenir le troisième pays d’Europe à légiférer sur la neutralité du Net (après les Pays­Bas et la Slovénie).

L’avis du Conseil national du numérique pour la législation sur ce sujet, et plus particulièrement le rapport qui l’accompagne, vise à contrer le développement des pratiques de filtrage, de blocage, de censure, ou encore de ralentissement du trafic. En s’adressant, en particulier, aux fournisseurs d’accès Internet mais aussi à ceux qui proposent des services, cet avis met en avant une controverse qui “ porte essentiellement sur le contrôle que les opérateurs de réseaux exercent et ont la possibilité d’exercer sur le trafic acheminé. Dans quelle mesure, et sous quelles conditions, ont­ils le droit de bloquer (ou non) des services, de ralentir des applications, de prioriser certaines catégories de contenus ? ”

Les obstructions à la neutralité d’Internet et du Web peuvent provenir non seulement des opérateurs du réseau, mais aussi de tout acteur qui risque d’empêcher l’acheminement du contenu ou la libre expression sur ces réseaux, ou encore d’intervenir dans la discrimination du trafic. Cela sera le navigateur, le système d’exploitation, l’équipement (que ce soit un ordinateur ou un terminal mobile), un fournisseur de contenu… Car ce dernier, qui est souvent le propriétaire de l’un ou l’autre des moteurs de recherche, peut être tenté d’ignorer, ou de donner une faible priorité, aux contenus provenant d’un concurrent.

“Tout acteur du Net peur empêcher la libre expression”

Un navigateur peut également empêcher certaines applications d’utiliser des informations utiles pour une publicité ciblée. Le blocage des solutions de voix sur IP dédiées aux téléphones mobiles est quelquefois prévu par le constructeur de l’équipement. Celui­ci peut également installer sur l’appareil certains logiciels et pas d’autres. Mais la neutralité doit aussi être garantie vis­à­vis des personnes et pas uniquement des contenus. L’utilisation par des applis de données personnelles ne doit être autorisée que par celui à qui appartiennent ces informations.

Plus encore, il faut que le comportement des solutions numériques respecte les personnes, en particulier celles en situation de faiblesse. Le Conseil national du numérique propose de mettre en place des indicateurs de mesure du niveau de neutralité des réseaux et des services, afin de s’assurer de sa mise en œuvre effective dans le temps. Allons plus loin et mesurons aussi la neutralité des navigateurs, des moteurs de recherche, des systèmes d’exploitation et des applications.

Une démarche qui serait très importante, puisqu’il y a de plus en plus de monopoles verticaux. La société numérique n’est pas cette île dont nous rêvons tous. Elle n’est pas séparée du monde réel par l’Océan du virtuel. Les deux univers ne font qu’un. Pour que cela fonctionne, nous devons collectivement en définir les règles.

 

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