DSI françaises : ambitions fortes, mais prudence sur cloud, IA et low-code, freinées par cybersécurité, coûts et pénurie de talents.

Gouvernance

Les DSI français sont-ils trop frileux face à l’innovation technologique ? 

Par La rédaction, publié le 22 juillet 2025

Entre ambition et aversion au risque, les DSI françaises avancent à petits pas face au cloud, à l’IA et au low-code. Transformer cette réserve en avantage pourrait devenir le prochain défi stratégique.


De Mountaha Ndiaye, EMEA Director Ecosystem, Hyland 


Dans un monde où l’innovation technologique est devenue le moteur principal de compétitivité, les directions des systèmes d’information (DSI) françaises font preuve d’une prudence étonnante. Si la majorité des entreprises se disent tournées vers l’innovation, la réalité sur le terrain dépeint un tableau plus nuancé. L’adoption de technologies comme le cloud, l’intelligence artificielle ou les plateformes low-code reste modérée, et les retards accumulés peuvent avoir un impact sur la performance à long terme.

Comment expliquer cette posture des DSI, quels sont les véritables freins à l’adoption des innovations, et surtout, comment inverser la tendance ? 

Une volonté d’innover bridée par des choix prudents 

Les entreprises françaises ne manquent pas d’ambition en matière d’innovation. D’après une récente étude menée par Hyland, 78 % des organisations se déclarent pro-innovation, et 79 % des dirigeants affirment soutenir cette orientation. Toutefois, cette volonté se heurte à une réalité plus conservatrice : 65 % des cadres dirigeants préfèrent attendre que les innovations soient validées ailleurs avant de les implémenter localement. Ce réflexe de suiveur, plus que de pionnier, freine inévitablement la transformation numérique. 

Prenons l’exemple de l’adoption du cloud. Alors que ce modèle s’impose mondialement comme le standard, seulement 2 % des entreprises françaises ont totalement basculé vers le cloud. 36 % déclarent avoir migré la majorité de leurs systèmes, tandis que 30 % utilisent une approche hybride. Ce retard s’explique en partie par des préoccupations liées à la cybersécurité, citée comme principal frein par 40 % des répondants, mais également par des considérations économiques : 39 % évoquent le coût d’installation, 38 % le coût de suppression des systèmes existants, et 30 % les coûts de fonctionnement. 

L’intelligence artificielle connaît un sort similaire. Malgré son potentiel avéré pour automatiser, optimiser et personnaliser les services, seuls 22 % des DSI déclarent l’utiliser sur quelques systèmes, et à peine 1 % l’ont généralisée. La cybersécurité (37 %), le manque de compétences internes (29 %) et l’absence de personnel qualifié (24 %) sont autant de freins à sa généralisation. Même constat du côté de l’open source, un domaine où la France fait figure d’exception : 0 % des entreprises françaises utilisent des solutions open source à 100 %, une particularité unique dans de cette étude. Les freins identifiés – préoccupations sécuritaires (41 %), contraintes budgétaires (40 %), manque de documentation et d’expertise technique (38 %) – traduisent une profonde réticence culturelle et structurelle. 

Des enjeux métier complexes et une perception biaisée de l’innovation 

Il serait réducteur de réduire cette prudence à de la simple frilosité. Les DSI français opèrent dans un contexte métier particulièrement complexe, marqué par une forte pression concurrentielle, des exigences réglementaires élevées, et des enjeux RH croissants. Ainsi, 27 % des DSI affirment que leur motivation principale à innover est de se différencier ou de rattraper les concurrents. La France est d’ailleurs la région où cette motivation est la plus élevée. À cela s’ajoutent des impératifs législatifs, cités par 22 % des répondants, et une volonté d’alléger la charge pesant sur les équipes (24 %), indicateur révélateur de tensions internes. 

Paradoxalement, les objectifs classiques associés à l’innovation – comme la croissance du chiffre d’affaires ou l’engagement environnemental – sont beaucoup moins cités. Seuls 28 % des DSI mentionnent l’augmentation du chiffre d’affaires comme moteur d’innovation, et 26 % intègrent la durabilité environnementale à leur stratégie numérique, soit les taux les plus bas de l’étude. Ce désalignement stratégique contribue à une vision restrictive de l’innovation, davantage perçue comme une réponse défensive que comme un levier de transformation. 

Les chiffres relatifs à la cybersécurité viennent encore compléter le tableau. Seulement 2 % des entreprises françaises disposent d’une stratégie de cybersécurité pleinement établie, tandis que 51 % admettent ne protéger que partiellement leurs systèmes. Ce manque de maturité en matière de sécurité numérique, conjugué à la complexité de mise en œuvre (47 %), aux contraintes budgétaires (38 %) et à la résistance au changement (39 %), contribue à alimenter une forme d’auto-censure technologique chez les DSI. 

Vers une stratégie proactive : des leviers pour libérer le potentiel d’innovation 

Face à ces constats, il est nécessaire d’adopter une approche proactive et structurée pour faire de l’innovation un vecteur de compétitivité. Plusieurs leviers concrets peuvent être activés pour sortir de cette spirale attentiste. 

Le développement des compétences internes est l’un des premiers leviers possibles. Le manque de profils qualifiés freine la majorité des initiatives numériques, ce qui nécessite de mettre en place des plans de formation ciblés sur les technologies clés : cloud, cybersécurité, intelligence artificielle, développement low/no-code, workflow. Une politique active de recrutement et de montée en compétence permettra aux équipes de mieux appréhender les outils modernes et de gagner en autonomie. Par exemple, face à la faible adoption du low/no-code (seulement 18 % l’utilisent de manière majoritaire), des formations spécifiques peuvent aider à lever les craintes liées à la performance et à la scalabilité, qui inquiètent aujourd’hui 54 % des répondants. 

Il faut également lever les freins culturels et politiques à travers la construction d’un argumentaire solide. Il ne suffit plus de démontrer l’intérêt technologique d’une solution : il faut prouver son impact métier, sa rentabilité, et sa conformité. Les DSI doivent documenter des cas d’usage internes, mesurer les gains obtenus et formaliser un retour sur investissement clair. Cet effort de pédagogie, s’il est mené en collaboration avec les directions métiers, permettra de renforcer l’adhésion des instances dirigeantes. 

Par ailleurs, le choix des partenaires joue un rôle déterminant. Face à la complexité des environnements IT, les entreprises peuvent s’entourer d’acteurs fiables, capables d’accompagner la transformation dans la durée. Des fournisseurs spécialisés dans les plateformes de gestion de contenu modernes, offrant des garanties de sécurité et une capacité d’intégration fluide, permettent de progresser par paliers tout en sécurisant l’évolution du SI. 

Enfin, les DSI doivent aller au-delà de la seule conformité réglementaire. La sécurité et la régulation ne doivent plus être perçues comme des freins, mais comme des fondations. Intégrer les exigences de conformité dès la conception des solutions permet de gagner en agilité, tout en évitant les blocages ultérieurs. Une telle approche proactive renforce la confiance des parties prenantes et facilite le déploiement des projets innovants. 

La prudence des DSI français n’est pas un défaut en soi, mais elle ne doit plus être un frein. Dans un environnement où la rapidité d’adoption technologique peut faire la différence entre leaders et suiveurs, il est temps d’adopter une posture plus ambitieuse. En développant les compétences, en s’ouvrant à des partenaires de confiance, en créant des argumentaires orientés métiers et en dépassant les approches défensives, les DSI ont tous les moyens de transformer leur prudence en performance durable.  


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