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OpenAI marche un peu plus sur les platebandes de Google et Microsoft en lançant son navigateur Web
Par Laurent Delattre, publié le 22 octobre 2025
L’IA d’OpenAI ne se contente plus d’assister vos recherches : elle pilote désormais votre navigation. Avec ChatGPT Atlas, l’IA prend le volant du Web, prête à défier Chrome, Edge et Safari sur leur propre terrain. Au passage, le Web devient un terrain d’exécution agentique plutôt qu’un simple lieu de consultation.
Décidément, OpenAI n’a peur de rien et surtout de personne. Même pas de géants comme Google et Microsoft. La jeune pousse star, qui a métamorphosé le monde en lançant ChatGPT fin 2022, ne se contente pas de faire entrer l’IA générative et agentique dans nos vies. Elle veut l’insuffler au cœur de tous nos usages numériques au travail comme à la maison.
Quitte à venir bouleverser les géants de la Tech sur leurs marchés de prédilection. OpenAI a lancé ChatGPT Web Search et complètement bouleversé l’univers de la recherche Web secouant Google sur son cœur de métier, concurrençant le moteur BING de son partenaire Microsoft et réinventant (détruisant ?) l’économie du Web.
OpenAI a lancé un « GPT-Image » et « Sora 2 » bouleversant l’univers de la création graphique tout en remettant en cause la pertinence et l’usage d’outils comme Photoshop ou Première.
OpenAI a lancé le mode « Étudier et Apprendre » dans ChatGPT remettant en cause le business de soutien scolaire d’Acadomia, Khan Academy, Coursera, Udemy, OpenClassrooms, SuperProf, etc.
OpenAI a aussi lancé des initiatives autour du marché de l’emploi et des usages de l’IA qui viennent directement concurrencer certains services RH de LinkedIn (Microsoft).
Et la semaine dernière, à l’occasion de son DevDay 2025, OpenAI a officialisé l’arrivée des Apps dans ChatGPT pour faire de ce dernier l’interface universelle vers tous les services numériques.
Hier soir, OpenAI a encore franchi une étape en osant venir attaquer de front Google Chrome, Apple Safari et Microsoft Edge ! L’éditeur a lancé ChatGPT Atlas, son propre navigateur Web. Un navigateur « natif IA » et « AI-first » dans la lignée des Comet de Perplexity, Dia de The Browser Company ou encore du méconnu et pourtant redoutablement réussi « Copilot Mode » de Edge (qui transforme Edge en navigateur AI-First).
Une navigation Web copilotée

ChatGPT Atlas place l’assistant conversationnel et agentique au premier plan et ambitionne de réinventer la manière de chercher, lire et agir sur le Web. Il est une nouvelle démonstration du « culot » de la jeune pousse et de son ambition de reprendre, à sa façon, tous les outils numériques du quotidien pour les remodeler à l’ère des agents IA.
Atlas n’est pas un simple navigateur « à l’ancienne » auquel on aurait greffé une barre latérale. OpenAI le présente comme un environnement où ChatGPT accompagne l’utilisateur sur chaque page : résumer un long article, comparer des informations, extraire des données d’un tableau, reformuler un passage, ou encore poursuivre une recherche sans changer d’onglet. L’assistant exploite le contexte de la page en cours, ce qui évite les copier-coller incessants vers une fenêtre de chat séparée. Cette approche, déjà expérimentée par d’autres, est ici poussée plus loin par une intégration native et systématique.
Vers un Web agentique

La vraie rupture tient surtout à « Agent mode ». Ce dernier installe ChatGPT aux commandes du navigateur. Concrètement, l’agent peut enchaîner des actions de bout en bout : parcourir des sites, cliquer, remplir des formulaires, comparer des offres, puis préparer l’étape finale — par exemple un panier d’achats ou une réservation — en vous demandant le feu vert au moment décisif. OpenAI affiche d’ailleurs des cas d’usage très terre-à-terre, comme la préparation d’un plan de repas, la liste d’ingrédients et l’ajout des courses dans un panier prêt à être commandé. Le tout fonctionne nativement dans le navigateur, sans copier-coller ni changement d’onglet, et s’appuie sur le contexte de la page que vous regardez. À ce stade, la fonction est lancée « en préversion » et réservée au départ aux abonnés Plus, Pro et Business.
L’ergonomie mise sur le contrôle utilisateur. L’agent sollicite une autorisation explicite avant toute action ayant des effets réels, et vous pouvez l’interrompre ou « reprendre le volant » à tout moment. S’il rencontre un écran de connexion, il s’arrête et vous laisse saisir vos identifiants sans effectuer de captures d’écran, avant de reprendre là où il s’était arrêté. OpenAI dit également avoir ajouté des garde-fous côté exécution : en mode agent, Atlas ne lance pas de code local, n’installe pas d’extensions, n’accède pas à vos fichiers ou à d’autres applis, et suspend ses automatismes sur des domaines sensibles — typiquement bancaires — pour vous forcer à superviser.
Des limites et des bonnes intentions
Cette montée en puissance ne se fait pas sans un discours appuyé sur la confidentialité. Par défaut, les contenus consultés avec Atlas ne sont pas utilisés pour entraîner les modèles. L’utilisateur peut activer — ou non — des « browser memories » : des mémoires facultatives qui retiennent des éléments de contexte pour proposer des suites d’actions utiles (reprendre un dossier, retrouver des annonces déjà consultées, générer une to-do list à partir des navigations récentes). Tout cela se pilote depuis les réglages du navigateur, avec la possibilité d’ouvrir une fenêtre de navigation privée qui déconnecte ChatGPT, d’effacer l’historique et les mémoires associées, ou de couper l’accès de ChatGPT à une page donnée via un simple interrupteur dans la barre d’adresse.
Il ne faut toutefois pas s’attendre à des miracles. L’éditeur le reconnaît lui-même, tout ceci est encore très expérimental et l’IA agentique manque de maturité. Certes, les agents IA progressent vite mais ils ne sont pas infaillibles, surtout quand les enchaînements deviennent longs, ambigus ou dépendants de sites changeants. OpenAI présente donc ce mode comme une « preview » qui gagnera en fiabilité, tout en rappelant que l’humain doit rester dans la boucle pour les parcours complexes ou sensibles. Autrement dit, Atlas accélère déjà les tâches du quotidien et réduit la friction entre intention et action, mais le pilotage automatique complet n’est pas encore la norme.
Côté disponibilité, Atlas arrive d’abord sur macOS, pour les comptes Free, Plus, Pro et Go. Les éditions Windows, iOS et Android sont annoncées comme « à venir » dans les prochaines semaines. OpenAI propose une importation guidée des mots de passe, favoris et historique afin de faciliter le basculement depuis un autre navigateur.
À l’heure où Chrome et Edge multiplient les fonctionnalités IA, OpenAI avance son propre « point d’entrée » sur le Web, centré non plus sur la page de résultats mais sur la réponse et l’action. En s’installant au niveau du navigateur, la start-up espère capter davantage de temps d’usage et potentiellement redistribuer des flux de trafic… et de revenus publicitaires. Tout comme le mode Web Search de ChatGPT, Atlas ressemble fortement à une nouvelle tentative assumée d’OpenAI de s’attaquer à la domination historique de Chrome et aux monopoles « pré-IA » de Google.
Reste la question clé : l’expérience tiendra-t-elle ses promesses au-delà des démonstrations ? Les premiers retours sur les « navigateurs IA » montrent des agents encore inégaux lorsqu’il s’agit d’automatiser des tâches longues et tortueuses. Mais l’intégration profonde du contexte, de la mémoire optionnelle et d’un mode agent cadré laissent entrevoir un cap : passer d’un Web de la recherche à un Web de l’intention, où l’on délègue davantage et où l’assistant IA devient l’interface principale. Si Atlas concrétise cette ambition, OpenAI ne se contentera pas d’avoir popularisé l’IA générative : la jeune pousse aura contribué à redéfinir ce que « naviguer » veut dire.
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