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Mark Hurd (Oracle) : “Oracle doit être considéré comme un fournisseur d’innovation”

Par La rédaction, publié le 12 décembre 2014

Mark Hurd
Co-CEO de Oracle

Cloud, Big Data, ou encore l’importance cruciale que l’on doit donner à la relation client… De passage à Paris, Mark Hurd, le coprésident d’Oracle, insiste sur la nécessité d’investir dans l’innovation.

Larry Ellison n’avait pas imaginé que le cloud prendrait une telle ampleur. Comment voyez-vous la situation aujourd’hui chez Oracle ?
Mark Hurd : Le cloud représente une étape très importante de notre industrie. Il est impensable de ne pas le considérer et de ne pas déployer d’efforts à ce sujet. Cette problématique va de pair avec celle du Big Data. Le nombre de données produites ne cesse d’augmenter et nous atteignons déjà un niveau de production que personne n’aurait jamais pu imaginer il y a encore 5 ans. Au-delà de l’opportunité que cela représente, cette masse énorme de données pose néanmoins un problème de taille : le tri, la sélection et la bonne utilisation des informations. Il faut savoir que 90 % des données créées par l’humanité l’ont été dans les deux années passées et que la croissance devrait être encore multipliée par 50 d’ici à 2020. Il y aura 50 milliards de terminaux connectés à Internet d’ici là. C’est un phénomène qui ne va cesser de s’accentuer.

Comment les entreprises peuvent-elles faire face à ce raz-de-marée ? 
MH
: Investir. Tel devrait être le réflexe des décideurs. L’investissement est primordial pour saisir à temps les opportunités offertes par le cloud et la data. Malheureusement, la plupart des entreprises, quelle que soit leur taille, dépensent une grande partie de leur budget dans la maintenance des applications déjà présentes sur site. C’est important, mais le résultat est là et il n’est pas réjouissant : il n’y a pas ou trop peu de moyens dépensés dans la modernisation des services et l’innovation. Au final, les employés souhaitent des outils et des services que bien souvent les entreprises ne sont pas en mesure de leur proposer.

L’open source est-il une solution viable pour répondre à ces besoins ?
MH : L’open source peut être une solution. Mais ce que l’on oublie souvent lorsque l’on parle d’open source, c’est le fait que tout le développement, la maintenance et le management se font entièrement en interne. Cela nécessite de mettre en place des équipes très spécialisées et de les garder au sein de l’entreprise. Il s’agit d’un pari risqué qui peut vite coûter très cher.

Quel rôle Oracle peut jouer dans ce monde du Big Data ?
MH : Oracle doit être considéré comme un fournisseur d’innovation pour les entreprises. L’intérêt pour ces dernières est de pouvoir transférer le travail d’innovation effectué en interne depuis les équipes IT directement vers Oracle. De cette manière, les entreprises peuvent se doter d’un pouvoir d’innovation qu’elles n’auraient jamais pu atteindre en interne. Nous sommes prêts à fournir l’ensemble des outils nécessaires à ce monde de demain, qui a déjà commencé à se dessiner.

Comment pousser votre base client vers le cloud ?
MH : Pour amener nos clients à adopter le cloud, nous investissons énormément dans notre force de vente. Rappelons que la plupart de nos nouvelles applications sont présentes dans le cloud et conçues pour y fonctionner. Aujourd’hui, bon nombre d’entreprises procédant à de nouvelles implémentations le font directement dans le cloud. Cela ne les empêche pas pour autant de garder une partie de leurs applications on-premise. Nous ne poussons personne à abandonner ce type de licences. Il n’y a d’ailleurs aucun inconvénient à utiliser une application de gestion des talents dans le cloud tout en gardant des applications on-premise communiquant avec cette dernière. Je suis d’ailleurs convaincu que le modèle hybride va continuer de faire de plus en plus d’adeptes. Malgré une adoption de plus en plus rapide du cloud, les clients, et particulièrement certaines industries, vont vouloir conserver certaines de leurs applications on-premise pour encore longtemps. Même une entreprise comme SAP, qui n’a pas réécrit toutes ses applications pour le cloud, aura certainement quelques clients qui resteront avec elle pour un moment… Après tout, il y a encore des mainframes!

Vous vous démarquez de vos concurrents en termes de PaaS et de SaaS, mais vous restez assez discret sur le IaaS…
MH
: Nous dépensons environ 5 milliards de dollars en R&D. C’est ce qui nous permet de marquer notre différence en tant que fournisseur de PaaS. Nous avons le plus populaire des langages dans le monde avec Java et nos bases de données sont parmi les meilleures. Dans le SaaS, nous espérons nous différencier avec des produits de qualité. Dans la gestion des ressources humaines, dans les ERP… nous avons investi dans les meilleures applications de l’industrie. En revanche, du côté de l’infrastructure, c’est vrai que les produits que nous proposons sont assez banals. Mais je pense que les entreprises déjà équipées en produits Oracle peuvent trouver pratique de s’adresser à nous pour leurs infrastructures. Si vous êtes dans notre PaaS et que vous avez besoin de puissance de calcul ou de stockage, nous nous devons de vous proposer un écosystème complet. C’est vraiment une question de praticité pour nos clients.

La nouvelle génération d’employés et de clients qui arrive sur le marché sera-t-elle le moteur du changement ?
MH : Les nouvelles générations sont avides de services, d’immédiateté et de qualité dans le dialogue avec l’entreprise, que l’on se trouve du côté clients, ou employés. Je vais vous donner un exemple : celui de mon opérateur téléphonique. Il sait tout de moi. Où je suis, l’heure à laquelle je passe mes appels, à qui je passe mes appels, quand mon téléphone est allumé, quand il ne l’est pas, quelle quantité d’Internet j’utilise… Et devinez ce qu’il me propose ? Une facture par mois. Rien de plus. Il n’utilise pas les données collectées pour améliorer mon expérience client. Même problème avec ma banque. À la vue de mes comptes, elle me contacte régulièrement pour me demander si je ne suis pas un dealer de drogue. C’est la preuve que celle-ci ne s’intéresse pas à ses clients. Si cela passe plus ou moins avec des générations plus âgées, celles-ci vont pourtant commencer à partir à la retraite, moi y compris, d’ici deux ans. Les générations à venir, en revanche, n’accepteront jamais un tel traitement. Ces entreprises ont un fort besoin d’innovation pour avoir un contrôle accru de la satisfaction client. Les médias sociaux rendent cette problématique incontournable. Auparavant, nous considérions qu’une dépense destinée à l’amélioration de la satisfaction client une fois celle-ci atteignant les 95 % était inutile. Dorénavant, cette façon de penser n’est plus envisageable et approcher les 100 % doit être le but de chaque entreprise.

Et vous, que faites-vous pour vos clients ?
MH : Nous essayons de faire de la relation avec nos clients une conversation cordiale. Le but est de maintenir un dialogue constant, mais c’est bien plus dur que ce que l’on pourrait imaginer. La plupart des industriels ne sont pas habitués à cette facette du métier. C’est un facteur qu’il va falloir changer drastiquement dans les années à venir. La qualité de service et le contact avec la clientèle vont devoir être largement améliorés. La différenciation se fera désormais aussi bien sur le produit que sur les relations entretenues avec les utilisateurs. Notre but est donc de permettre à nos clients de disposer des bons outils. Ces derniers doivent occuper la place centrale lors de la vente et conserver toute l’attention de l’entreprise une fois cette dernière enregistrée.

Vous poussez vos clients à s’engager dans la transformation digitale, mais comment gérez-vous votre propre transformation ?
MH : Je vais vous donner un exemple. Nous sommes une entreprise avec un portefeuille d’environ 400 000 clients à travers le monde, et nous dépensons des centaines de millions de dollars dans un marketing typique du monde du B2B. Auparavant, la remontée des contacts qualifiés aux commerciaux prenait 4 à 5 jours et était très peu efficace, avec un retour de 1 % tout au plus. Aujourd’hui, et grâce à nos outils, nous avons mis l’accent sur une transformation plus efficace des contacts qualifiés. Nous sommes désormais beaucoup plus rapides et la remontée des contacts ne prend plus que quelques heures avec un taux de transformation multiplié par 20, le tout sans travailler plus. Cette transformation digitale nous permet simplement d’eff ectuer un travail de meilleure qualité.

Quelle vision avez-vous du marché européen ?
MH : Nous sommes très optimistes à propos du marché européen. Nous avons fait un bon travail de mise en place de nos capacités de distribution et avons implanté plusieurs datacenters. Cela nous a permis de gagner des parts de marché sur les trois ou quatre dernières années, particulièrement dans le SaaS, mais aussi sur notre business traditionnel. Aux États-Unis, on me demande souvent comment notre business sur le marché européen peut être en pleine croissance. Il y a trois ou quatre ans, personne n’était vraiment optimiste pour la zone Europe. La plupart des entreprises IT ont même réduit leurs eff ectifs. Nous ne l’avons pas fait. Au contraire, nous nous sommes développés et nous avons investi dans une force de vente plus puissante tout en développant notre circuit de distribution. Et cela a fonctionné. Parmi les meilleurs résultats de l’entreprise, beaucoup ont été obtenus en Europe. Nous pensons d’ailleurs à installer des datacenters là où le marché est présent et nous n’avons aucune intension de réduire nos effectifs comme ont pu le laisser entendre certaines rumeurs. Nous sommes en pleine croissance.

Le cloud ne représente à l’heure actuelle qu’un pourcentage très faible de votre chiffre d’affaires…
MH : C’est vrai. Néanmoins, si la croissance générale de nos revenus est bonne, la croissance de nos revenus dans le cloud est quant à elle excellente, plus rapide et significative, et atteint 54 %. Ce domaine représente déjà pour nous plusieurs milliards de dollars de revenus et cette tendance est amenée à s’accentuer.

Quels sont vos plus gros concurrents ?
MH : Sur l’infrastructure, je dirais que notre plus gros concurrent est IBM. Du côté des applications, je dirais qu’il s’agit de SAP. Et ils dépensent beaucoup d’argent sur Hana… Pour tout ce qui est plate-forme, je dirais que Microsoft est en bonne position, notamment avec .NET ou encore SQL Server.

Propos recueillis par Adrien Geneste

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