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Pour être mieux vue, la pub en ligne fait sa mue

Par La rédaction, publié le 18 avril 2013

Les vieilles méthodes de marketing sur Internet ont lassé les internautes. Les nouveaux outils s’appuient sur des techniques de ciblage affinées et délivrent des informations personnalisées.

Ras-le-bol de la pub ! Stop aux courriels promotionnels qui nous submergent ! Assez d’être harcelés par les pop-up ! Selon Mail Metrics, le taux d’ouverture des e-mails commerciaux grand public s’est effondré de 17 % en 2011, pour ne remonter que de 7 % en 2012. Et même lorsqu’ils les ouvrent, les internautes cliquent de moins en moins sur les liens affichés (- 27 % en 2011). Quant au marché des bandeaux publicitaires, il stagne. Au final, selon une enquête de Comscore, trois publicités sur dix ne sont jamais vues et passent inaperçues.

“ La seule façon d’inverser cette tendance, c’est d’avoir la politesse d’adresser au client un message qui réponde vraiment à ses attentes ”, résume Olivier Mathiot, directeur marketing de Priceminister, l’un des fleurons de l’e-commerce français. Lui aussi s’est vu confronté à la chute du taux d’ouverture des courriers électroniques. Mais il a réussi à redresser la barre grâce à des méthodes de personnalisation des courriels et des bannières. “ Globalement, elles nous ont permis de tripler les taux d’ouverture et de clics ”, se félicite-t-il.

Fin d’un modèle. Une démarche que toutes les enseignes du Web vont se voir contraintes d’adopter. La stratégie consistant à arroser le plus grand nombre de prospects sans discernement a atteint ses limites. “ C’est le modèle de la grande distribution, explique Nicolas Giard, directeur général de Conexance, société de conseil en marketing on line. Je crée de la publicité de masse, je mise sur une audience maximale et j’attends que les gens viennent sur le site acheter mes produits. Tout cela ne fonctionne plus, comme en témoigne la mauvaise santé de plusieurs pure players de l’e-commerce. ” Ces derniers ont saturé leur propre marché. “ 

Même si les sites ramènent encore certains clients dans leurs filets, ils agacent prodigieusement tous les autres ”, analyse Hervé Pépin, président de Conscient Networks, agence de conseil en social média. Avec, à la clé, le risque d’un cercle vicieux : lorsque le taux de transformation baisse, les éditeurs sont tentés d’élargir encore un peu plus le spectre des destinataires… Heureusement, pour le briser, de nouvelles techniques publicitaires font leur apparition.

Les spécialistes de l’e-commerce (Cdiscount, Pixmania, Priceminister…) commencent donc à réagir en modifiant leur approche des clients. Pour mieux les connaître, il s’agit désormais de décortiquer les bases de données et d’analyser les profils. “ On constate ainsi une amélioration des méthodes des cataloguistes comme La Redoute, qui segmentent leur clientèle et envoient des offres plus ou moins personnalisées ”, résume Nicolas Giard.

Mieux vaut tard que jamais ! L’objectif : passer au “ capping ”, c’est-à-dire de définir un nombre maximum d’envois par personne. Avec, comme résultat, un réel bouleversement des pratiques. Le site de rencontres Meetic a ainsi décidé de modérer la diffusion de ses bandeaux publicitaires selon le comportement des internautes. “ Nous sommes meilleurs quand nous nous limitons. Après un premier envoi assez large, nous cessons de diffuser tous azimuts. Nous affichons les bannières en fonction de la réaction des prospects, en délaissant ceux qui n’ont pas du tout réagi, analyse Jessica Delpirou, responsable marketing de Meetic. Nous ne voulons pas prendre le risque d’écœurer notre base. ” Une démarche payante, puisqu’elle a fait doubler le taux de clics.

Meetic affiche ses bannières avec tact

Le marieur du Web a adopté la technique du capping : il limite les fenêtres de pub visibles par la même personne au sein d’un navigateur. Si elle ne clique jamais, la bannière disparaîtra pour de bon.

Des mailings intelligents. Cette tendance – qui privilégie une vision à moyen terme au détriment d’une rentabilité immédiate mais dangereuse – se décline également au niveau des courriels. La division d’Orange chargée de promouvoir les offres mobiles auprès de ses abonnés Internet l’a expérimenté. Désormais, elle régule les envois de courriers électroniques en fonction des taux d’ouverture et de clics constatés.

“ En mars 2012, nous nous sommes appuyés sur un nouveau moteur d’e-mailing intelligent. Il est capable de resserrer une opération sur des groupes d’internautes partageant les mêmes niveaux de réactivité, détaille Nicolas Ruchon, responsable de l’innovation à la direction marketing direct de l’opérateur télécoms. Ceux qui ont témoigné d’un intérêt réel pour nos offres continuent de recevoir des messages réguliers. En revanche, nous avons relâché la pression sur les plus réfractaires. ”

A cette personnalisation des fréquences d’envoi, Orange a ajouté une individualisation des contenus. Les messages affichent donc une présentation, des objets et des offres différents selon le profil du client. “ Au cours de nos campagnes successives, nous avons géré plus de deux millions de combinaisons en quelques mois. ” Résultat : des taux d’ouverture supérieurs de 25 % à ce qu’ils étaient avant le déploiement de ce type d’envois.

Mais cette démarche oblige les sociétés concernées à faire preuve de ténacité. Car les bénéfices ne sont pas toujours immédiats. “ Chassez le naturel, il revient au galop, résume Hervé Malinge, patron de Score MD, la société qui a fourni à Orange son moteur d’envoi d’e-mails. Lorsqu’elles constatent une baisse des taux de transformation, bien des sociétés, qui ont pourtant adapté leurs envois aux profils des internautes, prennent peur. Du coup, elles ont tendance à relancer la totalité de leur base sans discernement. ”

Sosh adapte ses mails à la réaction des clients

La branche low cost d’Orange régule la fréquence de ses envois d’e-mails selon leur taux d’ouverture par le destinataire. Elle personnalise ensuite ses messages en fonction de la façon dont réagit l’internaute.

Cibler sans traquer. Quand le capping et la personnalisation ne suffisent pas, les e-commerçants passent au sur-mesure. Ils automatisent alors les actions commerciales en fonction des habitudes de l’internaute et de sa façon de consommer. “ Nous pouvons offrir au client des points de fidélité lors de son premier achat. Quelques semaines plus tard, s’il n’est pas revenu, nous lui conseillerons des articles complémentaires. Puis, s’il ne donne toujours pas signe de vie, nous le relancerons au moyen d’offres promotionnelles ”, illustre Hervé Malinge.

Bien connaître le profil du client permet au marketing en ligne d’exploiter les dernières techniques de ciblage. Le retargeting, par exemple. Vous l’avez certainement déjà rencontré : il consiste à envoyer à l’internaute une publicité pour un article qu’il a regardé sur un site de vente en ligne sans l’acheter. Très puissant, cet outil doit être cependant utilisé avec parcimonie pour ne pas donner au client l’impression qu’il est traqué.

Autre moyen : l’achat des bannières aux enchères (ou real time bidding). Le cybermarchand définit précisément à qui il s’adresse puis il achète aux enchères (en temps réel, grâce à des prestataires spécialisés) l’emplacement qui lui permettra de toucher avec certitude son client dès qu’il arrive sur la page concernée.

Cela garantit l’affichage d’une publicité ciblée, en lien non seulement avec les caractéristiques de la cible, mais aussi avec son historique d’achat ou de navigation. Une autre pratique en vogue s’appuie sur des systèmes avancés de recommandation de produits. Celle mise en œuvre par Priceminister repose sur de la comparaison d’“ empreintes ”. Le site calcule pour chacun de ses clients un “ ADN ” unique, qui traduit son profil et ses habitudes d’achat. Les internautes se voient alors proposer des articles achetés par d’autres clients dont les “ gênes ” sont similaires.

Il faut souvent un élément déclencheur pour que les sites d’e-commerce franchissent le pas. Des indicateurs inquiétants peuvent suffire. “ Nous avons commencé à personnaliser la relation avec nos clients après avoir déployé un système d’analyse de nos campagnes. Car il nous a révélé que celles que nous menions étaient de moins en moins efficaces ”, se souvient Jessica Delpirou, de Meetic. S’il est facile de montrer que les vieilles méthodes ne fonctionnent plus, il est en revanche plus difficile de convaincre de la rentabilité des nouvelles pratiques de ciblage. L’enjeu, résumé par Olivier Mathiot, sera “ de mettre en regard la valeur d’un client, c’est-à-dire ce qu’il rapporte, avec les investissements technologiques qui ont conduit à ses achats ”. Or beaucoup d’e-commerçants ne s’étaient jamais vraiment posé la question de leur coût d’acquisition client jusqu’à présent. Une chose est sûre : ils ne pourront plus en faire longtemps l’économie.

Priceminister devine les goûts de ses cibles

Le site marchand détermine le profil de chacun de ses clients lors de leurs premières visites. Et leur propose ensuite des articles que les personnes aux profils comparables ont achetés.

Force de l’habitude. Pour l’instant, toutes ces méthodes sont trop peu utilisées par les commercants en ligne. Deux raisons principales les retiennent encore. La première, c’est la force de l’habitude, qui rend difficile la rupture avec des pratiques bien implantées et simples à déployer, comme le “ bombardement aveugle ”. La seconde est à chercher dans les coûts. Mettre en place du retargeting, par exemple, nécessite un budget minimum de 5 000 euros, selon Critéo. Mais le taux de clics peut alors monter jusqu’à 2,5 % et le taux de conversion (clic transformé en achat) égaler celui du référencement payant (de 2 à 5 %). Même si, au final, une publicité bien ciblée présente un bon retour sur investissement, les nouvelles techniques nécessitent des études préalables et des dépenses importantes en logiciels et en hommes. Pour redéfinir ses campagnes d’e-mailing, la responsable du marketing de Meetic s’est ainsi appuyée sur les travaux d’une vingtaine d’analystes présents dans l’entreprise.

Croissance en berne pour l’e-mailing et les bannières à l’ancienne

Alors que le nombre de sites de vente en ligne augmente continuellement, les investissements en courriers publicitaires ne progressent plus, signe de la désaffection pour ce canal de communication. La croissance des investissements dans les bannières publicitaires ralentit d’année en année, laissant la place au référencement payant et à des annonces de plus en plus personnalisées.

Proposer aux consommateurs de rester maîtres de leurs données

Personnaliser la relation avec les consommateurs présente un inconvénient important : ceux-ci peuvent avoir l’impression d’être suivis à la trace. De fait, des marqueurs (cookies) traquent les sites qu’ils visitent ou les produits qui suscitent leur intérêt. “ Si les internautes donnent explicitement leur consentement, cela ne pose pas de problème ”, estime Georges Epinette, DSI du Groupement des Mousquetaires. “ En revanche, si ses données sont croisées à leur insu, le procédé n’est plus loyal. A court terme, les vendeurs peuvent en retirer des revenus supplémentaires. A long terme, cela devient contre-productif car le consommateur perd progressivement confiance. ” C’est précisément pour promouvoir des pratiques commerciales plus responsables que la Fing (Fondation Internet nouvelle génération) a lancé, l’année dernière, le projet Mesinfos. Sa vocation est de “ redonner au consommateur le contrôle de ses données en lui fournissant un espace personnel – un coffre-fort électronique – depuis lequel il accepte ou non de partager certaines de ses informations avec des vendeurs ”, explique Richard Hababou, directeur de l’innovation groupe de la Société générale, partie prenante de l’expérimentation. Ces espaces particuliers ne visent pas seulement à protéger les données personnelles, mais aussi à rééquilibrer la relation entre le vendeur et le consommateur. Ainsi, au sein de son espace personnel, ce dernier précisera ses goûts, et soumettra ses intentions : “ Nous pourrions imaginer qu’un de nos clients souhaite préparer un repas thématique. Il déclare alors ses attentes culinaires et nous lui proposons en retour des produits et des promotions ”, projette Georges Epinette, lui aussi engagé dans Mesinfos. Il espère que cette initiative servira à compenser “ l’asymétrie informationnelle ” entre le commerçant et l’acheteur. Et, surtout, à faire chuter le volume des messages commerciaux adressés aux internautes.

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