OpenAI refonde sa gouvernance et redéfinit son pacte Microsoft

Data / IA

Pour tout comprendre à la nouvelle structure d’OpenAI et à son nouveau partenariat Microsoft

Par Laurent Delattre, publié le 29 octobre 2025

OpenAI sort du brouillard : nouvelle gouvernance, capitalisation record et partenariat revisité avec Microsoft. Un tandem repensé pour accélérer la route vers l’AGI sans perdre le contrôle. Voici ce qu’il faut retenir des annonces de la semaine.

OpenAI met enfin de l’ordre dans sa maison et redessine son pacte avec Microsoft. En combinant une fondation non lucrative, gardienne de la mission d’intérêt public, et une PBC capable de lever massivement des capitaux, la startup sort du flou juridique et financier qui bridait sa trajectoire.
Parallèlement, un nouvel accord-cadre entre la startup et son mentor Microsoft fige les rôles : Microsoft reste premier partenaire pour les modèles et conserve l’exclusivité des API, tandis qu’OpenAI gagne des marges de manœuvre produit et cloud. Cet équilibre, pensé pour durer jusqu’à l’AGI, promet une feuille de route plus lisible, mais rebat aussi les cartes pour l’écosystème. Avec pour OpenAI, une gouvernance sous contrôle d’une fondation mieux dotée, conçue pour répondre aux attentes des régulateurs comme aux besoins d’un financement hors norme. Décryptage…

OpenAI finalise sa nouvelle structure

Depuis des mois, OpenAI, née comme une entreprise à but non lucratif, essaye de se réinventer et réinventer des statuts pour séduire les investisseurs et obtenir les centaines de milliards de dollars dont elle a besoin pour poursuivre son développement vers l’AGI (l’intelligence artificielle générale). Une transformation rendue très compliquée par l’hostilité de la FTC américaine, par les bâtons que son ancien premier investisseur, Elon Musk, ne cesse de lui mettre dans les roues mais aussi par sa relation complexe avec son premier partenaire majeur historique Microsoft, qui ne veut pas se faire flouer maintenant, alors qu’il a financé tout le développement de la jeune pousse depuis GPT-3.

Finalement, Sam Altman (CEO d’OpenAI), le board d’OpenAI et les différents investisseurs actuels de la startup, dont Microsoft, ont finalement trouvé une formule qui devrait satisfaire tout le monde, sauf Elon Musk même si ses principaux arguments contre la transformation d’OpenAI tombent à l’eau.

La transformation finalement retenue et réalisée s’appuie sur une recapitalisation qui conduit non seulement à une simplification de sa structure mais renforce également son engagement envers sa mission fondatrice : faire en sorte que l’intelligence artificielle générale (AGI) bénéficie à toute l’humanité. De quoi calmer la FTC et contrer les actions d’Elon Musk visant à museler son ancienne jeune pousse.

Une fondation non lucrative…

Dans cette nouvelle structure, le contrôle reste entre les mains de l’organisation à but non lucratif, désormais appelée OpenAI Foundation, qui détient une participation valorisée à environ 130 milliards de dollars dans la nouvelle entité commerciale, rebaptisée OpenAI Group PBC (voir plus loin). Cette configuration fait de la fondation l’une des organisations philanthropiques les mieux dotées au monde.

Grâce à cette recapitalisation, la fondation dispose d’un accès direct aux ressources nécessaires pour agir avant l’arrivée de l’AGI. Elle prévoit un engagement initial de 25 milliards de dollars dans deux domaines clés : la santé, avec pour objectif d’accélérer les diagnostics, les traitements et les découvertes médicales, et la résilience face à l’IA, en soutenant des solutions techniques pour maximiser les bénéfices de l’IA tout en en réduisant les risques. Ce dernier volet s’inscrit dans la continuité du fonds « People-First AI » et des recommandations de la « Nonprofit Commission ».

OpenAI conserve ainsi sa mission au cœur de son modèle, avec une gouvernance centrée sur l’intérêt public.

… contrôlant une PBC commerciale…

Parallèlement, sa nouvelle entité commerciale, OpenAI Group PBC, devient une société à but lucratif d’intérêt public (PBC) qui partage la même mission que la fondation. Mais contrairement aux entreprises classiques, cette dernière doit concilier mission sociale et réussite commerciale. Ce nouveau montage, validé après un an de discussions avec les procureurs généraux de Californie et du Delaware, vise à garantir que la mission d’OpenAI reste au cœur de sa trajectoire, tout en lui donnant les moyens de croître et d’innover.

La OpenAI Foundation conserve le contrôle total sur OpenAI Group, notamment à travers des droits de vote spéciaux et la nomination des membres du conseil d’administration. Tous les administrateurs de la Fondation siègent également au conseil du Group, à l’exception de Dr. Zico Kolter, président du comité de sécurité, qui reste observateur non votant. Un deuxième administrateur devrait suivre ce modèle dans l’année à venir pour éviter une gouvernance fragmentée.

Mais, la recapitalisation annoncée permet à OpenAI Group de lever des fonds et d’attirer les talents nécessaires à sa mission. Toutefois, la Fondation détient 26 % du capital du Group et possède un droit d’achat d’actions supplémentaires si la valorisation dépasse un certain seuil dans les 15 prochaines années. Microsoft détient environ 27 % des parts, et les 47 % restants appartiennent aux employés et investisseurs actuels ou passés. Tous les actionnaires possèdent désormais des actions classiques, alignées sur la croissance de l’entreprise.

… les deux travaillant main dans la main.

Désormais, la fondation et le groupe OpenAI travailleront de concert pour relever les défis posés par les progrès de l’IA, en favorisant l’accès universel à l’intelligence, en développant des systèmes sûrs et alignés, en accélérant la recherche scientifique et en renforçant la coopération mondiale. « Le succès commercial d’OpenAI accroît la valeur de la participation de la fondation, qui sera utilisée pour financer ses actions philanthropiques » expliquent les responsables. Cette nouvelle étape donne à OpenAI les moyens de poursuivre l’innovation tout en garantissant que ses avancées servent les intérêts collectifs.

Un nouveau méga partenariat avec Microsoft

La participation financière à la nouvelle structure étant actée, OpenAI et Microsoft devait aussi redéfinir le périmètre de leurs accords passés alors qu’OpenAI a besoin de plus d’autonomie pour se développer (et notamment de travailler avec d’autres acteurs Cloud) et que de son côté Microsoft a besoin de préserver ses investissements dans OpenAI tout en nouant d’éventuels partenariats avec d’autres acteurs de l’IA.

Surtout, les deux entreprises devaient absolument retrouver une relation apaisée alors que les derniers services d’OpenAI concurrencent bien des services Microsoft (Github Copilot, LinkedIn, Bing Search, Edge, etc.) et que le géant de Redmond développe désormais avec « Mai-1 » et « Phi » ses propres modèles IA.

Contrairement au premier partenariat dont les grandes règles n’avaient jamais été publiquement dévoilées, le nouveau partenariat est cette fois plus ouvertement commenté et présenté.

Au travers de celui-ci, Microsoft soutient la transformation d’OpenAI en société d’intérêt public (PBC) et détient désormais une participation valorisée à environ 135 milliards de dollars, soit près de 27 % de l’ensemble des parts diluées.

Des bases identiques…

Mais surtout, ce nouvel accord conserve les piliers techniques et stratégiques du partenariat existant : OpenAI demeure le premier partenaire de Microsoft sur les modèles frontières et Microsoft conserve l’exclusivité des droits de propriété intellectuelle et l’exclusivité des API d’OpenAI jusqu’à l’avènement de l’intelligence artificielle générale (AGI).
Il introduit néanmoins des évolutions majeures : la déclaration d’AGI par OpenAI devra être validée par un panel d’experts indépendants, et Microsoft pourra poursuivre ses propres ambitions AGI, seul ou avec d’autres partenaires.

Plus précisément, ce nouvel accord entre les deux entreprises prévoit que les droits de propriété intellectuelle de Microsoft sur certains actifs OpenAI sont prolongés jusqu’en 2032 et incluent désormais les modèles post-AGI, avec des garde-fous de sécurité.
Toutefois, OpenAI pourra désormais collaborer librement avec des tiers pour développer des produits et nouveaux services (qui pourront être hébergés sur n’importe quel cloud) mais les API resteront, elles, exclusives à Azure. À une exception près : si OpenAI signe un contrat avec des entités gouvernementales américaines, les API dédiées à ces contrats pourront être hébergées où OpenAI et le gouvernement américain le souhaitent (donc y compris hors Azure).

… mais davantage de liberté pour chacun

L’accord stipule que Microsoft ne dispose d’aucun droit ou exclusivité sur les dispositifs matériels développés par OpenAI (à commencer par ceux en cours de développements avec Jony Ive, l’ancien chef du design d’Apple).

Par ailleurs, Microsoft a aussi renoncé à son droit de priorité en tant que fournisseur d’infrastructure de calcul d’OpenAI. En échange de quoi, OpenAI s’est engagé à acheter 250 milliards de dollars supplémentaires de services Azure.

On le voit, ce nouvel accord tend à renforcer encore les liens entre OpenAI et Microsoft tout en leur donnant parallèlement plus de liberté pour travailler chacun de leur côté avec d’autres acteurs du Cloud ou de l’IA.

Pour les DSI, ce nouvel équilibre va bien au-delà du simple toilettage capitalistique. Il est signe d’une plus grande stabilité stratégique, même s’il verrouille un ancrage des API d’OpenAI sur Azure pour accéder aux modèles non open-source.
Côté conformité, la gouvernance par une fondation et la validation externe d’une éventuelle « déclaration d’AGI » sont des signaux plutôt positifs, même si, bien évidemment, ils ne dispensent ni des exigences de l’AI Act, ni d’une évaluation continue des risques.

Pour l’écosystème de l’IA et du Cloud, le nouvel accord ouvre des fenêtres aux concurrents et donne des marges de manœuvre aux deux protagonistes. Sur le papier, c’est plutôt une bonne nouvelle. Il faut surtout espérer que cette nouvelle gouvernance d’OpenAI apportera à ce pionnier de l’IA une forme de sérénité qu’il n’a jamais vraiment eue, mais qu’il a totalement perdu depuis les explosifs événements de la fin d’année 2023 et le départ-retour éclair de Sam Altman.



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