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Pourquoi il faut se préparer à la révolution quantique

Par Antoine Gourévitch, publié le 11 août 2006

L’accélération de l’innovation technologique pousse aujourd’hui un nouveau sujet dans l’agenda des dirigeants. L’informatique quantique promet une puissance de calcul et d’analyse des données inégalée.

Cette révolution, quand elle se concrétisera, peut changer la donne dans de nombreux secteurs. Les entreprises les plus avancées dans l’expertise quantique disposeront alors d’un avantage concurrentiel déterminant. Dans une de nos études, nous estimions son marché à 50 Md$ d’ici 2030. Les recherches avancent vite dans une économie de mieux en mieux organisée pour accélérer et déployer les technologies de rupture. La R&D de l’informatique quantique se structure déjà autour de larges écosystèmes animés par les géants du digital et soutenue par des investissements publics.

Avec les premiers algorithmes quantiques, le potentiel de ses applications se précise dans l’industrie et les services. Même si la pleine maturité de cette technologie d’avantgarde ne devrait pas être atteinte avant une dizaine d’années, les entreprises doivent dès maintenant s’interroger sur leur niveau d’engagement et les positions qu’elles peuvent prendre en fonction de leur activité, de leur culture du risque et de leurs ressources financières. Dans un récent rapport (*), nous avons voulu analyser les enjeux de cette nouvelle révolution, apporter une vision de son marché et des clés pour les prises de décisions stratégiques.

Sur le plan technologique, tout n’est pas encore joué. L’informatique quantique repose sur les Qubits dont la combinaison linéaire permet de réaliser des calculs parallèles et en simultané. La quantité de Qubits nécessaire pour déployer la pleine mesure de leur puissance de calcul est difficile à obtenir. Un des principaux défis pour les chercheurs reste la gestion et la correction des erreurs d’opérations quantiques encore instables. Mais les experts sont confiants. Depuis peu, les premiers systèmes quantiques se sont développés autour de machines atteignant la taille critique de 50 Qubits. Dynamiques, différents écosystèmes se structurent. Le premier cercle s’organise autour des géants de la tech. IBM fut un des pionniers, rejoint par Google, Microsoft, puis par Alibaba et Honeywell. Ils s’appuient sur des start-up spécialisées comme Rigetti ou D-Wave. Chacun propose des services sur le Cloud et rend accessible ses plateformes en open source. D’autres écosystèmes se concentrent sur le hardware et s’ouvrent aujourd’hui aux partenariats. Enfin, jouant un rôle d’interface pour les premiers utilisateurs d’informatique quantique, des entreprises comme Zapata Computing, QXBranch ou encore Cambridge Quantum Computing travaillent sur les applications et les services nés des supercalculateurs quantiques. Certaines d’entre elles développent les premiers algorithmes, à l’instar d’OTI Lumionics pour la conception de nouveaux matériaux.

À ce stade, le potentiel des avantages attendus de l’informatique quantique devient plus tangible. Sa puissance de calcul ouvre de nouvelles perspectives dans le champ de la simulation, de la modélisation et de l’optimisation. En première ligne, des entreprises de la chimie, de l’industrie pharmaceutique, de l’intelligence artificielle et du machine learning y investissent. L’environnement quantique leur permet de s’engager à différents niveaux.
Certains dans l’aérospatial, à l’instar de Northrop Gumman, Lockheed Martin ou encore Honeywell, ont choisi de construire leurs propres systèmes. D’autres privilégient l’open innovation. JP Morgan, Barclays et Samsung travaillent avec IBM pendant qu’Airbus, Goldman Sachs et BMW passent par des fournisseurs de logiciels ou de services. D’autres comme les entreprises australiennes Telstra (télécommunications) et la Commonwealth Bank investissent ensemble dans une start-up née de l’univers universitaire.

Dans une économie dont la création de valeur dépendra plus que jamais de la gestion et de l’analyse des données, il est difficile de faire l’impasse sur l’informatique quantique. Et, nous le savons, c’est dans cette période de maturation technologique que se construisent les avantages concurrentiels de demain.

Par Antoine Gourévitch, directeur associé senior BCG

(*) The next decade in quantum computing and how to play, disponible sur le site de BCG.

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