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Gouvernance

Quelle portée territoriale pour le droit au déréférencement ?

Par La rédaction, publié le 24 octobre 2017

LES FAITS

Le droit à l’oubli consacré par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) dans l’arrêt Google Spain du 13 mai 2014 permet à toute personne d’obtenir le déréférencement de données en libre circulation la concernant. Depuis, la Cnil et Google s’opposent sur l’application territoriale de ce droit. Le 19 juillet 2017, le Conseil d’État, saisi d’un recours, a renvoyé une série de questions préjudicielles à la CJUE pour obtenir des éclaircissements. 

En l’espèce, la Cnil a été saisie d’une demande de déréférencement non satisfaite par Google Inc. et l’a mise en demeure, le 21 mai 2015, de supprimer de la liste des résultats affichés l’ensemble des liens menant vers les pages web concernant ces personnes, sur toutes les extensions de nom de domaine de son moteur de recherche. En effet, la Cnil comme le G29 considèrent que l’arrêt de la CJUE ne suppose aucune restriction territoriale au déréférencement. Il est ainsi reproché à Google de ne faire qu’une application limitée du droit à l’oubli. À l’inverse, Google estime que cette suppression imposée par la CJUE ne doit pas avoir d’impact sur le droit à la liberté d’information des internautes situés hors de l’Union européenne et a refusé de se conformer à la mise en demeure. Toutefois, elle s’est engagée à améliorer son dispositif de déréférencement en l’étendant à l’ensemble des extensions européennes et en mettant en place un filtrage selon le pays dont la requête émane, déterminé par l’adresse IP de l’utilisateur. Ainsi, les internautes du même pays d’origine que le demandeur ne verraient plus apparaître les résultats à l’origine de la demande de déréférencement. Cependant, la Cnil a estimé cette proposition insuffisante et incomplète, l’information déréférencée demeurant consultable par tout internaute situé hors du territoire concerné par la mesure de filtrage. Ainsi, le 10 mars 2016, la Cnil a prononcé une sanction publique pécuniaire de 100 000 € contre Google qui a alors saisi le Conseil d’État d’un recours en annulation.

Par une décision du 19 juillet 2017, le Conseil d’État a estimé que la portée de ce droit pose plusieurs difficultés sérieuses d’interprétation du droit de l’Union européenne. Le Conseil a donc suspendu sa décision à la réponse de la CJUE aux questions suivantes : « le déréférencement doit-il être opéré sur l’ensemble des noms de domaine du moteur de recherche de telle sorte que le déréférencement s’appliquerait à une échelle mondiale et non seulement au sein de l’Union européenne ? En cas de réponse négative, le déréférencement doit-il uniquement s’appliquer dans l’État du bénéficiaire qui a fait valoir son droit ou dans l’ensemble de l’Union européenne ? Si le déréférencement doit uniquement être opéré au sein de l’Union européenne, la technique dite du “géo-blocage” s’applique-t-elle dans toute l’Union européenne ou uniquement dans l’État de résidence du bénéficiaire ? ». À titre de comparaison, il est intéressant de noter que la Cour suprême du Canada a, le 28 juin 2017, déjà tranché la première question posée à la CJUE par le Conseil d’État et a ordonné à Google d’effacer des liens sur l’ensemble des noms de domaine du moteur de recherche, donc à une échelle mondiale.

 

CE QU’IL FAUT RETENIR  

Les réponses de la CJUE sont attendues en début d’année 2018 et seront utiles pour mieux appréhender, en pratique, l’étendue du droit au déréférencement ainsi que son champ d’application. 

 

 

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