Data / IA

Quelle protection juridique pour les bases de données ?

Par Stéphane Demazure, publié le 15 mai 2014

LES FAITS
L’article L. 112-3 du Code de la propriété intellectuelle (CPI) définit la base de données comme « un recueil d’oeuvres, de données ou d’autres éléments indépendants, disposés de manière systématique ou méthodique, et individuellement accessibles par des moyens électroniques ou par tout autre moyen ». Comment assurer la protection de ce patrimoine informationnel ?

La base de données bénéficie de deux régimes de protection indépendants et cumulatifs : le droit d’auteur et le droit sui generis du producteur de bases de données.

La protection de la base originale par le droit d’auteur
Traditionnellement, la collection de données est protégée par le droit d’auteur qui contraint de rapporter la preuve complexe de l’originalité de l’architecture de la base. Le juge apprécie l’originalité du contenant, et non du contenu, selon un panaché de références (empreinte de la personnalité, apport intellectuel, ordonnancement…).

Le droit sui generis reconnu au producteur de la base
Ce nouveau droit spécifique résulte de la transposition, par la loi du 1er juillet 1998, de la directive 96/9/CE du 11 mars 1996 qui protège l’investissement de la personne qui prend l’initiative et le risque de constituer une base de données.
L’article L. 341-1 du CPI ne protège toutefois que la base dont la construction a exigé un investissement substantiel (financier, matériel ou humain) de la part de son producteur. Il convient de démontrer que cet investissement a été consacré à la constitution, la vérification ou la présentation du contenu de la base, ce que la jurisprudence a pu traduire dans les termes suivants : « l’investissement qui permet la constitution d’une base de données doit s’entendre des moyens consacrés à la recherche (collecte ou tri) d’éléments existants, à la vérification de leur exactitude et à leur rassemblement dans la base de données »(Cass. 1re civ., 19 juin 2013). Récemment, la jurisprudence a rappelé que les investissements liés à la création des éléments constitutifs du contenu de la base ne sont pas à prendre en compte (Cour d’appel de Paris, 15 nov. 2013).

Faire respecter son monopole d’exploitation
Ce régime confère un monopole d’exploitation permettant au producteur d’interdire toute extraction et/ou réutilisation de la totalité ou d’une partie substantielle de sa base. Le caractère substantiel est établi en terme quantitatif (volume des extractions par rapport au contenu de la base), ou qualitatif (données à caractère stratégique). La preuve indispensable de l’extraction relèvera de l’ingéniosité du producteur qui aura inséré des informations piégées et de la négligence de l’auteur de l’atteinte ; comme dans cette affaire où le tribunal a retenu l’extraction grâce à la reprise des mêmes erreurs grammaticales (TGI Paris, 6 déc. 2013). Attention cependant, la jurisprudence a pu refuser le bénéfice de la protection au producteur qui ne l’a pas, au préalable, interdit spécifiquement (Cass. crim., 6 sept. 2005).

 

CE QU’IL FAUT RETENIR
Les producteurs de bases de données doivent rapporter la preuve en amont des investissements réalisés, et en aval de l’extraction
litigieuse. Il leur est recommandé d’interdire expressément toute extraction, d’insérer des données « pièges », de mettre en place des solutions de sécurisation, et de rappeler que l’atteinte au droit d’un auteur et d’un producteur de bases de données est un délit pénal.

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