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Snapdragon Summit : Qualcomm riposte à Apple, Intel et Nvidia, redéfinissant smartphone et PC
Par Laurent Delattre, publié le 26 septembre 2025
Le Snapdragon Summit 2025 a mis en lumière un marché des semi-conducteurs bouleversé, où l’IA embarquée, l’essor d’ARM et la recomposition du PC s’entrelacent. Qualcomm y affirme sa vision d’un edge intelligent, sécurisé et agentique.
Le Snapdragon Summit, rendez-vous annuel orchestré par Qualcomm, a depuis longtemps dépassé le cadre d’un simple show de lancement de produits. C’est le moment où Qualcomm dévoile sa vision du futur, où les tendances technologiques prennent forme, et où les grandes lignes de l’innovation mobile et informatique se dessinent. Une sorte de déclaration d’intention à l’américaine où la firme de San Diego dessine sa stratégie et les contours de l’informatique personnelle et mobile pour l’année à venir et au-delà.
Mais l’édition 2025, marquant le dixième anniversaire de l’événement, s’annonçait comme un tournant. Contrastant avec le faste habituel de Maui, le sommet s’est déroulé cette année dans un contexte de tensions sans précédent, transformant chaque annonce en une manœuvre sur l’échiquier mondial des semi-conducteurs. Car le marché des semi-conducteurs est en pleine recomposition. Les tensions géopolitiques entre les États-Unis et la Chine continuent de peser sur les chaînes d’approvisionnement. Au premier trimestre 2025, Qualcomm a dû céder sa couronne sur le marché des puces pour smartphones, son cœur de métier. MediaTek s’est emparé de la première place avec 36 % des livraisons mondiales, contre 28 % pour Qualcomm, non seulement sur l’entrée de gamme mais aussi en grignotant des parts sur le segment premium avec sa puce Dimensity 8400 et désormais le Dimensity 9500 annoncé juste avant le Summit de Qualcomm !
ARM – avec lequel Qualcomm a fini par enterrer la hache de guerre – montre des velléités de concevoir ses propres puces, ajoutant une couche d’incertitude à un écosystème déjà complexe. La chine a fermé son marché à Nvidia et pourrait le faire avec d’autres.
D’autant que, dans le même temps, la résilience de Huawei étonne le monde de la Tech. Malgré les sanctions américaines, sa filiale HiSilicon a reconquis 4 % du marché grâce à une forte loyauté nationale et affiche désormais publiquement son ambition de concurrencer Nvidia sur le marché des puces pour l’IA dans les data centers avec sa gamme Ascend.
Nvidia, le titan des processeurs graphiques et de l’IA dans le cloud, lorgne de plus en plus sur les marchés de Qualcomm, notamment l’automobile et cherche à démocratiser ses superchips sur les workstations et même les PC. Surtout, la firme vient de lourdement investir dans Intel pour redonner vie à un écosystème x86 mal en point.
Dans ce contexte, le Snapdragon Summit 2025 ne pouvait être une simple réponse défensive. Qualcomm est reparti à l’offensive en relevant le défi de la performance mobile et en secouant le marché des PC et l’ère naissante de l’IA embarquée.
« L’IA partout » : un changement d’interface, pas seulement de puces
Cristiano Amon a posé le décor en célébrant les dix ans du Summit et en rappelant la discipline d’innovation annuelle imposée à l’entreprise. « Chaque année, nous devons nous réinventer et faire quelque chose d’incroyable. […] Il est maintenant temps pour Snapdragon de changer le monde à nouveau […] en amenant l’IA partout ». L’intelligence artificielle n’est plus une fonctionnalité, c’est une infrastructure et une expérience. « Avec l’IA, un ordinateur peut comprendre le langage humain, peut comprendre ce que nous voyons, peut comprendre ce que nous entendons, et cela change fondamentalement la façon dont nous utilisons ces appareils », a-t-il déclaré. « Nous entrons dans une ère où l’IA embarquée devient le cœur de l’expérience utilisateur. Elle apprend, elle anticipe, elle personnalise. Et surtout, elle reste locale. »

Qualcomm se positionne ainsi comme le champion de l’intelligence en périphérie, celle qui s’exécute directement sur nos appareils. « L’IA… sera à la fois dans le cloud et en périphérie (edge). La périphérie complète le cloud. C’est immédiat, c’est personnel, ça a du contexte », a précisé Amon.
Cette philosophie se traduit par un changement de paradigme : le passage d’un monde centré sur le téléphone à un monde centré sur l’agent. Amon a introduit le concept d’« écosystème de vous ». Dans ce modèle, le smartphone n’est plus l’astre unique autour duquel gravitent des accessoires. Il devient un des nombreux points d’accès à un agent d’IA personnel qui orchestre nos expériences à travers une constellation d’appareils connectés : PC, voiture, lunettes, montres, écouteurs. « Ces appareils… ne se contentent plus d’étendre la fonctionnalité du téléphone, mais interagissent directement avec l’agent », a-t-il souligné.
Qualcomm anticipe une révolution logicielle qui n’en est qu’à ses balbutiements et que ses annonces produits ont précisément cherché à rendre tangible.
Snapdragon X2 Elite et X2 Elite Extreme : l’acte 2 du Copilot+ PC
Un an après avoir « réveillé » l’écosystème Windows avec la première génération Snapdragon X, Qualcomm déroule son deuxième acte : la famille Snapdragon X2 avec ses deux premières références, X2 Elite et X2 Elite Extreme. Certains pensaient que l’arrivée d’ARM dans l’univers Windows se ferait par l’entrée de gamme. C’est exactement l’inverse qui s’est produit. Et c’est encore plus vrai avec les « X2 ». Qualcomm veut porter le combat du PC réinventé au cœur du bastion haut de gamme historiquement dominé par le duopole Intel/AMD et par Apple (avec ses puces M4).
Ainsi, le Snapdragon X2 Elite Extreme se veut une puce ultra-premium pensée pour les « charges de travail complexes de niveau expert » comme l’analyse de données ou le montage vidéo professionnel. De l’autre, la gamme Snapdragon X2 Elite est optimisée pour un « multitâche puissant et efficace » dans des ordinateurs portables fins et légers.
En ligne de mire, on voit poindre l’envie de s’imposer bien au-delà des ordinateurs ultra-mobile. Le X2 Elite Extreme est pensé pour imposer ARM sur les mini-PC, les « All-In-One PC », les Desktops PC et les Workstations. Voire même dans le PC de gaming…
Car cette seconde génération est bien plus qu’une mise à jour matérielle. C’est un vrai bond de puissance dans tous les compartiments.

Des cœurs Oryon Gen 3
Au cœur de ces puces se trouve la troisième génération du « core CPU » Oryon, gravée selon un procédé de pointe de 3 nm. Le modèle Extreme embarque une architecture redoutable de 18 cœurs, dont 12 cœurs « Prime » (basés sur la nouvelle architecture Oryon Prime qui assure une réactivité instantanée des apps, une navigation fluide, et la création de contenus avec un confort maximal) et 6 cœurs « Performance » (conçus pour offrir une réactivité optimale et une expérience utilisateur haut de gamme dans les tâches quotidiennes, tout en garantissant une efficacité énergétique extrême).
La percée majeure est à chercher du côté de la fréquence d’horloge : deux de ces cœurs Prime peuvent atteindre 5,0 GHz en mode turbo, faisant de cette puce le « premier processeur basé sur Arm à atteindre cette vitesse ». Ce chiffre symbolique de 5 GHz est une étape cruciale, tant sur le plan marketing que sur celui des performances, qui vient briser l’une des dernières barrières psychologiques de la domination x86.
Un GPU boosté
Le processeur graphique (GPU) Adreno, grosse faiblesse de la première génération, a lui aussi été profondément remanié, offrant une augmentation spectaculaire des performances d’un facteur x2,3 par rapport à la génération précédente. C’est la clé qui permet d’offrir des expériences de jeu fluides, comme l’a montré une démonstration de Fortnite tournant à 60 images par seconde, sur des machines fines, sans ventilateur, et promettant une autonomie de plusieurs jours.
Le plus puissant NPU mobile
Mais la pièce maîtresse de cette architecture est sans doute le processeur neuronal (NPU) Hexagon. Il délivre une puissance de calcul de 80 TOPS ( billions d’opérations par seconde), un chiffre qui pulvérise les 45 TOPS de la génération précédente et surclasse largement les capacités des puces concurrentes d’Intel et AMD, qui plafonnent autour de 50-55 TOPS. Qualcomm le présente sans détour comme le « NPU le plus rapide au monde pour les ordinateurs portables ». Ce n’est pas une simple mise à jour, c’est un saut générationnel conçu pour exécuter localement des modèles d’IA complexes, en parfaite adéquation avec la vision de Cristiano Amon.
Des performances qui défrisent les champions x86 et M4
Les gains de performance annoncés confirment cette fiche technique ambitieuse : le CPU du X2 Elite Extreme est jusqu’à 75 % plus rapide que ses concurrents à consommation électrique équivalente, tandis que le X2 Elite standard offre 31 % de performances en plus tout en consommant 43 % d’énergie en moins que son prédécesseur.

En pratique, les chiffres de 5,0 GHz et 80 TOPS sont bien plus que de simples spécifications techniques. Ils constituent une véritable arme de guerre psychologique. Pendant des années, les PC sous architecture Arm ont souffert d’une réputation de performance inférieure et de problèmes de compatibilité logicielle.
En franchissant ces deux seuils symboliques et en profitant de la maturité récemment atteinte par l’écosystème « Windows on ARM » (maturité qui n’aurait été possible dans les premiers Snapdragon X qui ont changé la donne), Qualcomm ne se contente pas d’améliorer ses produits : l’entreprise fait voler en éclats les anciennes perceptions. Elle signale au marché que l’ère où Arm rimait uniquement avec autonomie est révolue. Désormais, Snapdragon X est synonyme de performance de pointe et d’efficacité, se positionnant comme le choix évident pour la nouvelle génération de PC dopés à l’IA. Au passage, les utilisateurs sont de plus en plus nombreux à saluer l’extrême fiabilité des PC sous ARM et la performance des machines en mode batterie (quasiment équivalente à celle en mode branché). Deux défauts majeurs dont souffrent les PC x86.

L’annonce choc : Google et Qualcomm officialisent les futurs PC sous Android
Sur le papier, l’arrivée de ces Snapdragon X2 est une excellente nouvelle pour Microsoft et son écosystème Windows. On sait que l’éditeur pousse à fond les puces Qualcomm sur ses Surface Pro et Surface Laptop.
Sauf que Qualcomm a sorti une pièce maîtresse inattendue : la firme collabore activement avec Google pour finaliser la fusion annoncée de ChromeOS et Android afin de sortir d’ici la fin de l’an prochain des PC sous Android !

Google ne l’admettra jamais mais ChromeOS a été une erreur. La plateforme n’a non seulement jamais décollé mais elle a dissous les efforts de R&D de l’entreprise et empêché Google de faire avec Android ce qu’Apple est en train de réussir avec iOS et iPadOS (ce dernier étant devenu un pied de nez à MacOS dans sa dernière mouture).
Il est encore temps mais un peu tard de faire machine arrière et de moderniser Android pour en faire un véritable système pour tablettes et pour… PC !
C’est probablement, au final, la grande annonce de ce Snapdragon Summit. Les deux acteurs ont officialisé l’arrivée des Android PC, animés par une version d’Android adaptée aux grands écrans et aux usages de productivité mais surtout enrichie de fonctionnalités IA avancées. Cristiano Amon, n’a pas caché son enthousiasme : « J’ai vu le projet, c’est incroyable. Il concrétise la vision de convergence entre le mobile et le PC. Je suis impatient d’en avoir un ». L’idée est de créer une alternative solide à Windows et macOS, en capitalisant à la fois sur la puissance des nouvelles puces Snapdragon X2 Elite, sur la richesse de l’écosystème Android, sur la continuité des scénarios PC – Smartphones et sur l’IA Gemini.
À l’heure où les DSI se posent plein de questions sur la fin de vie de Windows 10 et sur le futur avec les Copilot+ PC, c’est un coup dur pour Microsoft qui doit avoir un peu l’impression d’être poignardée dans le dos par son partenaire Qualcomm. Décidément, entre l’investissement de Nvidia dans Intel, la montée de l’architecture ARM dans l’univers PC, l’arrivée des Copilot+ PC et la promesse des Android PC, le monde des PC est en pleine réinvention.
Snapdragon Guardian Technology : la sécurité repensée
Dans un monde où les menaces numériques se multiplient, Qualcomm introduit Snapdragon Guardian Technology, une solution pensée pour les entreprises. Et une autre annonce que l’on n’avait pas vue venir. Cette technologie embarquée vise à sécuriser les données, les communications et les accès, directement au niveau du processeur. Elle permet une détection proactive des comportements suspects, une isolation des processus critiques, et une gestion fine des autorisations.

Voilà donc un autre verrou à l’adoption des PC ARM en entreprise qui saute ! Les DSI ne pourront plus reprocher à ces machines l’absence de fonctionnalités de sécurité et de gestion à distance comparables à celles des plateformes établies comme Intel vPro et AMD PRO. Sa fonctionnalité phare permet aux services informatiques de « localiser, verrouiller ou effacer un PC à distance s’il est perdu ou volé ». Plus important encore, elle leur donne la capacité de « gérer ou de mettre à jour des appareils à distance, même lorsqu’ils sont éteints ».
Face à des concurrents comme Intel vPro ou AMD PRO, Snapdragon Guardian se distingue par son approche IA embarquée et sa capacité à fonctionner sans dépendance au cloud. Pour les entreprises, c’est une garantie de confidentialité, de réactivité et de contrôle. Qualcomm ne se contente plus de fournir des puces, il propose une infrastructure PC de confiance.
Snapdragon 8 Gen 5 : le mobile au sommet
Pas de « Snapdragon Summit » sans smartphones. Qualcomm a ainsi officialisé son Snapdragon 8 Gen 5 présenté comme « le SoC mobile le plus rapide ». Gravé en 3 nm par TSMC, il intègre deux cœurs Prime Oryon Gen 3 à 4,6 GHz et six cœurs Performance Oryon Gen 3 à 3,62 GHz. Les gains sont nets : +20 % en single-thread, +17 % en multi-thread, +35 % en efficacité énergétique. Le GPU Adreno 840, boosté, permet des sessions gaming prolongées et une prise en charge du ray tracing.

Mais c’est surtout l’IA qui fait la différence. L’Hexagon NPU permet une édition générative de contenu, une analyse contextuelle d’image, et une personnalisation continue de l’expérience utilisateur sans passer par le Cloud. Le Sensing Hub enrichi de micro-NPU traite toutes les données capteurs localement, garantissant réactivité et confidentialité.
Avec le support du codec APV, la capture vidéo 8K devient quasi sans perte. Le Snapdragon 8 Gen 5 n’est pas seulement une puce puissante, c’est un outil pour les créateurs, les gamers, et les utilisateurs exigeants. Il équipera les Galaxy S26, Xiaomi 17, OnePlus 15, Vivo et Honor, et marque une nouvelle étape dans la domination Android.

Au-delà, le Snapdragon 8 Gen 5 est aussi pour Qualcomm bien plus qu’une simple puce pour smartphones Premium. Il est le modèle de référence, le plan directeur de l’« écosystème de vous » présenté par le CEO dans son keynote. Le téléphone, qui nous accompagne en permanence, devient le point d’ancrage de cet agent IA universel, recueillant le contexte le plus personnel évoqué par Cristiano Amon. Le NPU surpuissant de la puce agit comme le cerveau de cet agent, tandis que sa connectivité avancée en est la colonne vertébrale, le reliant aux autres appareils de l’écosystème.
Cristiano Amon a répété que « le smartphone ne va nulle part » mais qu’il s’insère dans une constellation d’objets « smarts » (lunettes, écouteurs, montres, bagues…) où l’agent IA devient la colle cognitive. La feuille de route des Snapdragon X2 sur PC, l’arrivée d’Android PC, celle de Guardian pour l’entreprise et le Snapdragon 8 Elite Gen 5 côté mobile racontent en réalité la même chose : Qualcomm outille la périphérie (le edge) pour que l’IA perçoive, comprenne et agisse au plus près de l’utilisateur, tout en coopérant avec le cloud pour l’entraînement et la synchronisation. En dépit d’une concurrence plus féroce que jamais et d’un environnement macro incertain, Qualcomm dessine un continuum d’expériences où l’ARM performant, l’IA on Device et la connectivité IA-native avancent de concert.
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