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Vers la fin de la pensée binaire

Par La rédaction, publié le 14 novembre 2012

Au lieu de prédire que l’e-mail est fini ou, à l’inverse, que les réseaux sociaux sont morts, mieux vaudrait conjuguer les deux et sortir du mode binaire qui freine toute adaptation.

Pas un jour ne se passe sans qu’on nous annonce la mort d’une technologie et son remplacement par une autre. Et il en va de même pour les modes de travail, les structures organisationnelles…

Halte à l’inflation des « machin est mort »

Aujourd’hui, tout s’accélère. Les données économiques et sociologiques varient à une vitesse qui nécessite une capacité d’adaptation de plus en plus importante et qui met nos organisations à genoux. Dans ce contexte, il est évident qu’un certain nombre de choses que l’on croyait sinon acquises, tout au moins stables à moyen terme, vont être largement remises en cause.

On connaît les problèmes et à défaut de les avoir forcément compris, on a déjà une idée de leur solution. Et plus le temps passe, plus le décalage entre l’existant et le souhaitable devient évident, plus le besoin de changement devient lui aussi évident, plus le sentiment d’urgence pousse à la radicalisation, si ce n’est des actions, tout au moins des paroles.

C’est ainsi que l’on voit fleurir les déclarations lapidaires du type « machin est mort » ou « machin est le nouveau truc ». Remplacez machin et truc par e-mail, réseaux sociaux, hiérarchie, influence… et vous aurez un panorama assez exhaustif de ce qui se dit dans les milieux influents. A tel point qu’on peut se demander pourquoi un petit malin n’a pas encore proposé un générateur automatique de tweets sur ce modèle.

Il est facile de comprendre le pourquoi de ces déclarations lapidaires, qui sont souvent relativisées par le discours qu’elles précèdent…pour peu que l’audience prenne la peine d’aller au-delà du titre, ce qui n’est pas certain. Nous sommes submergés d’informations, et l’urgence marque nos esprits… et tant que Twitter sera limité à 140 caractères, il en ira ainsi.

La pensée binaire freine notre capacité d’adaptation

Par contre, ironie du sort, cela montre que dans notre volonté de susciter un changement nécessaire, nous restons prisonniers d’un carcan qui est une des raisons majeures pour lesquelles l’entreprise peine à s’adapter.

Dans un système de pensée binaire, le monde est noir ou gris. L’interrupteur est sur 0 ou sur 1. Une pratique ou une technologie est soit morte soit portée aux nues. Est-ce vraiment le mode de pensée qui nous permettra de construire l’avenir ?

Quelques exemples :

e-mail ou réseau social ? On voit bien qu’au lieu de mourir, les deux semblent converger vers des plates-formes nouvelles

hiérarchie ou réseau ? L’un est une manière de résoudre de problèmes, l’autre de définir les responsabilités et l’association des deux permet de prendre de meilleures décisions, plus informées. On parle souvent de Wirearchy.

formation traditionnelle ou social learning ? Et, si la première n’était pas ce qui nous prépare à apprendre efficacement du second ?

Cette liste pourrait se poursuivre à l’envi. Elle nous démontre surtout une chose : s’il est un logiciel que nous devons changer, c’est notre propre logiciel interne qui ne raisonne qu’en termes de OU et ignore le ET.

Utiliser conjointement les deux solutions

Car la pensée binaire présente un triple inconvénient dommageable :

– en excluant plutôt qu’en articulant elle empêche paradoxalement les réponses créatives et innovantes qui sont souvent le fruit de l’utilisation conjointe de deux choses connues.

– dans un environnement complexe où « la » bonne réponse n’existe pas en tant que telle mais est le fruit de la combinaison de plusieurs solutions, elle oblige à choisir entre deux options dont aucune ne répond totalement aux enjeux. Il serait préférable de les associer… Pourquoi abandonner quelque chose qui ne répond que partiellement à un besoin si l’alternative nouvelle est tout aussi partielle tout en y ajoutant une part d’inconnu toujours anxiogène ?

– l’entreprise et les individus qui la composent sont très inconfortables avec l’idée du passage brut d’un état connu à un autre radicalement nouveau, en faisant d’un seul coup table rase de l’existant. Alors que construire le changement sur la partie toujours pertinente de l’existant facilite les choses.

Alors au lieu de détruire et reconstruire, cherchons plutôt à être constructif et à enrichir.

Bertrand Duperrin

Bertrand Duperrin

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